[(
Aucune œuvre n’atteste plus haut l’honneur humain que le « Prométhée » d’Eschyle, – ce « témoin intemporel » par excellence. Le beaucoup trop bref passage que nous en donnons ici est extrait de la tout admirable « Anthologie de la poésie grecque » (Stock) de ce malheureux Robert Brasillach chez qui on ne sait ce qu’il y a de plus désolant, de la position qu’il prit pendant les années noires ou de sa fin tragique sous les balles qui, toutes justicières que d’autres malheureux les crurent, n’en anéantirent pas moins en sa personne l’un des écrivains les plus incomparablement et exquisément doués de notre lamentable époque.)]
L’Annonce selon Prométhée
Il aura besoin de moi, le Tout-Puissant Seigneur des bienheureux…
Un jour viendra où votre Dieu, quel que soit l’entêtement de sa volonté,
Sera tout humble, car l’union à laquelle il veut se préparer
Le jettera à bas du pouvoir dont il se couronne,
Et l’anéantira au pied même de son trône…
Je suis seul à connaître l’avenir et comment le conjurer.
Et après cela, qu’il trône, sans crainte, en se fiant au fracas dont l’air est gonflé,
Et qu’il agite dans ses deux mains les flèches de feu ;
Rien n’empêchera désormais son abaissement ignominieux,
Rien n’empêchera sa chute entre toutes intolérable,
Car il se prépare à lui-même un Adversaire redoutable,
Un Être prodigieux, Seigneur des Batailles, invincible,
Inventeur d’un feu auprès duquel la foudre est risible,
Et dont le fracas est assez fort pour couvrir le fracas du tonnerre,
L’Être devant qui le fléau marin qui ébranle la terre,
Le trident qui est l’arme de l’Océan, doit un jour voler en éclats…
Alors, que la flamme dévorante soit à jamais lâchée contre moi,
Que votre Dieu confonde et bouleverse tout entier l’univers.
Sous l’aile blanche de la neige et au fracas des souterrains tonnerres,
Rien ! ah ! ne pourra me forcer à lui révéler le nom
De celui qui viendra un jour pour jeter à bas sa domination.
Eschyle