LES OUBLIÉS DE
L’AMNISTIE. ― Vous auriez
toujours supposé que pour former une association, fut-elle de
malfaiteurs, il était nécessaire d’être au moins
deux ? Erreur ! Tel est, en effet, le tour de force que
réussit à réaliser, l’an dernier, Monod, le
fondateur du journal la Mistoufle, ainsi que le raconte la
Sociale de la semaine dernière.
À
la suite de propos tenus, le 25 juin 1894, à Dijon, chez un
marchand de vins, par le nommé Quesnel, exaltant l’acte de
Caserio, et s’épandant en déclamations violentes contre
tel ou tel, un procès fut organisé dans lequel furent
impliqués Monod, dont le tort était d’avoir assisté
silencieux aux divagations de Quesnel, et Gaillard qui, lui, avait,
le matin du même jour, dansé dans la rue avec, au
chapeau, un crêpe rouge ! Gaillard et Quesnel furent
condamnés, le premier à deux ans et le second à
trois ans de prison pour « apologie de faits qualifiés
crimes ».
Quant à
l’accusation d’« association de malfaiteurs »,
Monod fut seul à la supporter. Elle lui valut cinq ans de
travaux forcés plus la relégation. On sait que la
relégation n’est que le bagne déguisé, le bagne
à perpétuité ! L’acte d’accusation lui
reproche « d’avoir été en relations étroites
avec les anarchistes militants de Dijon, d’avoir exposé, dans
les cafés qu’il fréquentait, ses théories
subversives et d’avoir reçu des journaux fondés en
France ou à l’étranger pour les soutenir ».
Apologie d’un meurtre
politique et développement de théories prétendues
subversives, sont des actes éminemment politiques.
Qu’attend-on pour amnistier ces malheureux victimes de la grande
venette de l’an dernier ?