Le très orthodoxe
curé de Saint-Eugène, à Paris, a publié,
de 1881 à 1887, un ouvrage en sept gros volumes in‑8°
qu’il termine en disant : « Ayant entrepris
l’histoire d’un département de la France, je ne me dissimule
pas que je l’achève à une époque qui semble la
fin d’un monde… Nos neveux auront à spéculer sur des
données radicalement nouvelles. Idées morales, idées
économiques, politiques, sociales, administratives :
l’humanité fait peau neuve ! »
Il serait facile de
multiplier les citations analogues. Livres, revues, journaux, de
toutes couleurs, de toutes nuances, s’accordent à dire et
redire :
SOCIÉTÉ
MOURANTE !
— O —
Comment se fait-il que
nous soyons ainsi à une époque de transition ?
Pour bien répondre
à cette question, il suffit de copier, dans l’atlas de
géographie moderne qui est entre les mains des écoliers,
le passage suivant de la préface signée Schrader :
« Jusqu’au
dix-neuvième siècle, l’homme a surtout demandé
des secours aux forces naturelles en pleine activité, au vent,
à l’eau courante. Il se bornait à utiliser un mouvement
déjà produit par le jeu de la vie planétaire. Au
dix-neuvième siècle, une fraction de l’humanité
imagine de se faire, non plus aider, mais remplacer. De substances
inertes, houille, métaux, acides, eau surchauffée,
etc., elle apprend à dégager des forces latentes, à
les discipliner, à les obliger à l’action. Dès
lors, tous les organes moteurs ou mécaniques de l’homme se
transforment, se décuplent ou se centuplent. Sa puissance de
locomotion s’accroît jusqu’aux vapeurs transocéaniques
et jusqu’aux chemins de fer, transcontinentaux. La portée de
sa parole n’a plus de limites : la télégraphie la
transporte autour du monde ; la vapeur, les substances
explosibles donnent à son bras une force incalculable. Ce
n’est plus l’homme des siècles passés, C’EST UN NOUVEL
ÊTRE… »
Et il est évident
qu’à un être nouveau il faut une société
nouvelle.
— O —
Que sera cette société
nouvelle ?
Essayez de soumettre à
n’importe quel Homme de bonne foi et de bonne volonté le
raisonnement que voici :
« Pas de
liberté individuelle sans un certain bien-être ; et
pas de bien-être universel sans appui mutuel. — Or, l’appui
mutuel sans la liberté individuelle constituerait une société
abominablement autoritaire. — Donc, il faut concilier la liberté
individuelle avec l’appui mutuel ; autrement dit : il faut
amalgamer l’indépendance et la solidarité. »
Il me semble que c’est
exactement ce que veulent les anarchistes.
Nour