La Presse Anarchiste

Le féminisme en question

Des féminismes ?

Le petit Robert, dans son édi­tion de 1973, non revue et cor­rigée, ni par Bak­ou­nine, ni par Françoise d’Eaubonne, mais générale­ment util­isé pour don­ner un sens aux mots, donne du fémin­isme la déf­i­ni­tion suivante : 

« doc­trine qui pré­conise l’ex­ten­sion du rôle de la femme dans la société » 

Pour­tant, à en croire ce qui se dit ou s’écrit sur la ques­tion, il existe autant de fémin­ismes que de péri­odes his­toriques, de sit­u­a­tions sociales et cul­turelles, de tendances. 

« … on y trou­ve le fémin­isme inté­gré et récupéra­teur, le fémin­isme détaché de toute lutte, monop­o­lisé par les intel­lectuelles du mou­ve­ment » (Colères, jour­nal de femmes lib­er­taires, numéro 1 p. 3.)

Inté­gré, récupéra­teur, détaché de toute lutte. Mais aus­si sans con­teste par­fois réac­tion­naire (Lanterne noire numéro 8>rub39] [p. 34 à pro­pos du viol et des assis­es).

D’autres fois cer­taine­ment réformiste (cam­pagnes pour les droits civiques et le droit de vote, pour l’avortement)

Que dire aus­si du fémin­isme des femmes du PS ou du PC qui trou­ve comme ter­rain d’ac­tion la réforme de leurs par­tis pour ce qui con­cerne la place (ou plutôt l’ab­sence de place) que les femmes y ont.

Il y a aus­si le fémin­isme de la bour­geoisie libérale et éclairée, qui n’est lui ni réformiste ni réac­tion­naire (ces mots sim­ples ont un sens bien trop pré­cis) mais encore autre chose pas encore analysé et définiss­able car nouveau.

Face à tous ces con­tenus, que nous jugeons plus ou moins néga­tive­ment, pou­vons nous en oppos­er d’autres et faire comme Nico­las dans la [Lanterne Noire numéro 10>rub41] p. 11 : 

« …Lorsque le mou­ve­ment fémin­iste ces­sa d’être réformiste… » 

Ou bien comme les anar­cha fémin­istes qui pensent que ce dernier ne peut être QUE lib­er­taire, et ne peut QUE débouch­er sur un pro­jet anarchiste.

La ques­tion est alors posée.

Le fémin­isme englobe-t-il toute les luttes, dès lors qu’elles sont « de femmes », ou bien au con­traire les luttes révo­lu­tion­naires de femmes ne peu­vent que se détach­er du fémin­isme qui, lui, forme un tout avec sa cohérence.

Des élé­ments de répons­es sont, me sem­ble-t-il, apportés par la façon dont le malaise vis a vis du fémin­isme se traduit.

Pour les groupes de femmes révo­lu­tion­naires d’abord : ceux qui ten­tent d’in­sér­er la lutte des femmes dans un pro­jet poli­tique et de société qui la rendrait pos­si­ble, sont sou­vent englués dans leurs rap­ports avec « le fémin­isme », sinon avec les féministes.

C’est que celui-ci, comme toutes les idéolo­gies qui se veu­lent représen­ta­tives d’une caté­gorie sociale, cul­pa­bilise, afin de main­tenir le pou­voir et l’hégé­monie, celles qui veu­lent s’en émanciper : 

« …Nous ne nous recon­nais­sons pas dans l’ex­pres­sion actuelle du mou­ve­ment des femmes. Si nous ne nous sommes pas exprimées plus tôt,c’est que la cul­pa­bil­ité de bris­er la sol­i­dar­ité fémi­nine nous a enfer­mées dans le silence. La cul­pa­bil­i­sa­tion fait par­tie de la dom­i­na­tion, nous ne voulons plus de ces rap­ports. » (Colères p. 3, « Pourquoi un jour­nal des femmes libertaires ».)

Le fémin­isme fonc­tionne comme toutes les idéolo­gie total­i­taires ; s’at­ta­quer à lui, ou sim­ple­ment être en dehors de lui, serait s’at­ta­quer à ce qu’il pré­tend monop­o­lis­er à savoir la lutte des femmes, et même sim­ple­ment la voix des femmes (on retrou­ve d’ailleurs le même mécan­isme dans le syn­di­cal­isme par rap­port aux tra­vailleurs, ou dans le… cénétisme par rap­port aux anarchistes).

Ensuite, et tou­jours grâce à cette pré­ten­tion à représen­ter et à englober, il est un moyen pour cer­tains hommes de rejeter à bon compte toute lutte de femmes, sous le pré­texte des aspects les plus crit­i­ca­bles du fémin­isme ; là se cache le mépris der­rière une cri­tique doc­tri­nale, certes, mais facile parce que formelle­ment juste. Les femmes révo­lu­tion­naires sont alors gênées pour répon­dre à ces hommes-là, car elles savent que formelle­ment la cri­tique est réelle.

Là encore le fémin­isme joue un rôle obscur­cis­sant : il paral­yse cer­taines femmes, et per­met à la misog­y­nies de cer­tains hommes de se légitimer et de se perpétuer. 

Un seul féminisme

Or, le car­ac­tère obscur­cis­sant d’un « isme » total­isant et par­fois même total­i­taire, est dans ce cas dif­fi­cile à percevoir et à recon­naître : il touche un prob­lème qu’il est impos­si­ble d’abor­der avec « un recul idéologique » qui ne saurait rien impli­quer ; c’est qu’il s’ag­it en fait des rap­ports entre les hommes et les femmes, et de la dom­i­na­tion des uns sur les autres. Tout ce qui se dit sur la ques­tion ne peut être neu­tre, et est en par­tie, mais en par­tie seule­ment, influ­encé par le rôle par­ti­c­uli­er et indi­vidu­el, de celui qui juge et pense dans ce rapport.

POURTANT IL (ME) SEMBLE QU’UN PAS EN AVANT SERAIT FAIT EN CONSIDÉRANT LE FÉMINISME COMME RELATIVEMENT HOMOGÈNE ET EN PLAÇANT LA LUTTE RÉVOLUTIONNAIRE DES FEMMES SUR UNE AUTRE DÉRIVE.

Le Fémin­isme en effet forme un tout, avec un cor­pus idéologique, une his­toire, une place dans les luttes et dans les sys­tèmes de pen­sée et d’ac­tion ; c’est seule­ment après avoir décrit les points com­muns que l’on peut com­pren­dre et analyser les dif­férences, aus­si grandes soient elles.

Bien enten­du, nous ne pou­vons assim­i­l­er les mil­i­tantes DU fémin­isme dans leur ensem­ble à ce dernier, tant le décalage peut être grand entre la réal­ité vécue par des indi­vidus, l’idée qu’ils ont d’eux même, et la vérité sou­vent cachée des organ­i­sa­tions et des idéologies.

Le fait que le fémin­isme forme un tout, c’est a dire que ce qui l’u­ni­fie est plus fort que ce qui le dif­féren­cie, ne peut don­ner sat­is­fac­tion à un point de vue révo­lu­tion­naire qu’à une seule condition :

PENSER QUE LA DOMINATION DE L’HOMME SUR LA FEMME, ou du moins ce qui la fonde et la motive, EST LE POINT CENTRAL SUR LEQUEL S’ARTICULE TOUTES LES AUTRES FORMES DE LA DOMINATION.

Or c’est ce point de vue que nous reje­tons, qui sub­stitue a la cen­tral­ité clas­sique de la classe ouvrière, de l’ex­ploita­tion économique, une autre cen­tral­ité comme motrice et expli­ca­trice de l’his­toire et de la vie sociale.

« …rem­plac­er ouvri­er par jeune ou par mar­gin­al, selon les cas ou les intérêts du moment c’est tomber dans le mode de pen­sée abstrait qui fait du pro­lé­tari­at d’u­sine LA classe révo­lu­tion­naire… » (Lanterne noire, « Points com­muns ».)

La méth­ode qui con­siste à penser qu’il existe un chas par lequel s’en­fi­lent toutes les tares de la dom­i­na­tion est réac­tion­naire en ce qu’elle incite finale­ment à ne s’at­ta­quer qu’à ce piv­ot, pour des raisons d’ef­fi­cac­ité, et à réduire le reste aux oubli­ettes du « sec­ondaire » comme dans la pen­sée marx­iste lénin­iste traditionnelle.

Dès lors, quand Nico­las, dans la [Lanterne noire numéro 10>rub41], écrit :

« …La posi­tion de la femme dans la struc­ture de la dom­i­na­tion est sous-jacente à l’ex­ploita­tion du tra­vail salarié dans le sys­tème cap­i­tal­iste et étatique… » 

et surtout :

« …car l’au­torité de l’é­tat s’ap­puie sur des insti­tu­tions archaïques qui artic­u­lent chaque désir per­son­nel indi­vidu­el, à l’in­térieur d’un sys­tème de par­en­té régit par une asymétrie de fait, asymétrie voulue par cer­tains comme rad­i­cale et naturelle en ver­tu de laque­lle femmes et mineurs sont dépen­dant du rôle paternel… »

Il intro­duit une cer­taine ambiguïté par rap­port aux posi­tions fon­da­men­tales [[Fon­da­men­tales, et pour­tant de principe, qua­si un pos­tu­lat ; il n’est guère pos­si­ble d’en démon­tr­er la vérac­ité ; mais de l’in­verse non plus. C’est un principe idéologique qui se con­stitue en fonc­tion d’un PROJET poli­tique et de société, et non en fonc­tion d’une pseu­do objec­tiv­ité. Il s’est con­sti­tué aus­si en fonc­tion du con­tre pied pris des idéolo­gies religieuses (marx­istes et chré­ti­ennes) qui se pla­cent tou­jours par rap­port à une cen­tral­ité (l’é­conomie, le pèché…).]] émis­es plus haut.

Sans les remet­tre en cause, il glisse pour­tant l’idée du TEMPS dans la com­préhen­sion de l’his­toire et de la dom­i­na­tion, par le biais des struc­tures archaïques ; il s’ag­it de choses antérieures à d’autres, d’un côté,et de l’autre, de choses plus pro­fondé­ment enfouies (cf. la pen­sée freu­di­enne). Le glisse­ment, vers l’importan­ce plus ou moins grande, n’est pas dès lors très dif­fi­cile à faire si l’on ne pré­cise pas qu’il ne s’ag­it que d’une méth­ode descrip­tive sans con­séquence hiérar­chique dans une stratégie du changement.

Nous disions dans nos points com­muns :

« … l’ex­ploita­tion et la dom­i­na­tion d’une classe sociale sur une autre sont basées non seule­ment sur les rap­ports de pro­duc­tion, mais aus­si sur la REPRODUCTION des con­di­tions de la production … » 

On pour­rait je crois dire la même chose de la dom­i­na­tion et de sa reproduction ;

Cela veut dire que la REPRODUCTION devient un élé­ment fon­da­men­tal, a com­bat­tre et à ne pas repro­duire, au même titre que ce qui l’a précédé et motivé.

COMBATTRE LA DOMINATION DES HOMMES SUR LES FEMMES, C’EST AUSSI COMBATTRE LA REPRODUCTION DE CETTE STRUCTURE DE DOMINATION, REPRODUCTION PORTÉE AUSSI PAR LES FEMMES (nous le verrons).

C’est à cette con­di­tion seule­ment que cette struc­ture archaïque pour­ra se détruire.

Drôles de rôles

Le fémin­isme, comme la plu­part des idéolo­gies sociales, social­istes ou de libéra­tion, con­sti­tuées, est autant le pro­duit des change­ments soci­aux qui se pro­duisent MALGRÉ et CONTRE les opprimés que de la lutte des opprimés eux mêmes.

Con­traire­ment à ce que cer­tains (et cer­taines) pensent, je crois moi que la sépa­ra­tion sex­uelle des rôles soci­aux va plutôt en dimin­u­ant au fur et a mesure que les forces pro­duc­tives se développent.

Jadis, dans l’an­cien régime, dans la France rurale, essen­tielle­ment, la divi­sion sex­uelle des rôles était extrême­ment cloi­son­née ; telle­ment cloi­son­née qu’au­cune excep­tion n’é­tait tolérée ou envis­age­able, tant en rap­port au tra­vail pro­duc­tif, qu’à l’or­gan­i­sa­tion de la vie quotidienne.

Sauf bien enten­du à acquérir immé­di­ate­ment « un rôle social mar­gin­al » : celui de sor­cière, de fou, ou de saint, de prophète, etc., c’est à dire l’in­clu­sion immé­di­ate dans un autre rôle tout aus­si cloisonné.

L’in­dus­tri­al­i­sa­tion, avec l’ap­pari­tion de la man­u­fac­ture, bien avant le milieu du 19ème siè­cle, va pro­gres­sive­ment arracher les indi­vidus à leurs rôles, pour les ren­dre de plus en plus inter­change­ables et util­is­ables par le cap­i­tal ; le cap­i­tal, dont la final­ité est l’in­ter­change­abil­ité des indi­vidus, « ani­maux pro­duc­tifs », et non la per­pé­tu­a­tion de struc­tures et le rap­ports apparem­ment immuables ; le cap­i­tal­isme, c’est la société qui change au mépris de toute idéolo­gie de la « conservation ».

Le fémin­isme, comme idéolo­gie con­sti­tuée, c’est d’abord l’ex­pres­sion de ce change­ment qui arrache la femme à ses rôles tra­di­tion­nels (mère, épouse, foy­er, rôle ances­tral dans la pro­duc­tion etc.), et qui lui enlève tout sen­ti­ment d’ap­par­te­nance, de sécu­rité, d’har­monie, exacte­ment comme pour le pro­lé­taire trans­porté de sa cam­pagne archaïque et mythique vers l’u­sine régie par la com­péti­tion et la production.

Le monde qui est offert à la femme n’est pas vrai­ment le sien. 

On répond sou­vent a cela deux choses :

  • La pre­mière, c’est que l’op­pres­sion de la femme par l’homme ne date pas du capitalisme ;

Cette réfu­ta­tion fémin­iste aux « clas­siques » ten­ants de la lutte des class­es ne saurait con­cern­er que des marx­istes ou cryp­tos, pas des anar­chistes, puisque ces derniers ne font bien sûr pas dater la dom­i­na­tion de la nais­sance de l’in­dus­trie, ni surtout ne font pas découler de la fin du cap­i­tal­isme la fin de toutes les dom­i­na­tions, de toutes les exploitations.

Il y avait de la dom­i­na­tion, en par­ti­c­uli­er sur les femmes, bien avant le cap­i­tal­isme, et par le biais des rôles sex­uels, nous sommes bien d’accord.

(d’ailleurs à l’in­verse, je crois que la fin du cloi­son­nement entre les rôles sex­uels, timide­ment amor­cée par le cap­i­tal lui même, ne sig­ni­fie en rien la fin de la dom­i­na­tion, mais indique plutôt qu’il existe d’autres ter­rains de lutte plus fondamentaux.)

  • La sec­onde c’est que puisque quelque chose est répres­sif, il suf­fit très sim­ple­ment de le supprimer.

Ce n’est pas aus­si sim­ple, car les insti­tu­tions répres­sives, ne peu­vent fonc­tion­ner que parce qu’en plus de la dom­i­na­tion exer­cée, l’aspect négatif, elles rem­plis­sent aus­si des fonc­tions pos­i­tives, du moins vitales.

Si l’on ne com­prend pas bien ces mécan­ismes, on se prive, je crois, de com­pren­dre pourquoi les choses sont comme elles sont, et donc de pou­voir les chang­er [[Pour illus­tr­er cela on pren­dra l’ex­em­ple de l’é­cole et de la famille pour l’en­fant ; deux insti­tu­tions dont per­son­ne, du moins par­mi les lecteurs de la Lanterne noire, ne con­testera qu’elles sont répres­sives ; et bien elles fonc­tion­nent de manière « com­plé­men­taire­ment pos­i­tives » l’une par rap­port à l’autre. Le même enfant, se faisant chi­er chez lui peut avoir hâte de foutre le camp à l’é­cole, où il a ses copains, puis quelques heures après, se tir­er de l’é­cole en vitesse pour retrou­ver la sécuri­sa­tion du foyer.

On con­naît aus­si l’ex­em­ple du tra­vail, même à la chaîne, qui ne peut fonc­tion­ner que parce que l’ou­vri­er y investit pos­i­tive­ment une par­tie de lui même, une par­tie de sa créa­tiv­ité, même dérisoire. C’est à ce prix que les sys­tèmes répres­sifs fonctionnent !]].

C’est la même chose pour les rôles soci­aux, qui, instru­ments de dom­i­na­tion, sont accep­tés parce qu’ils sont aus­si le lieu où se puise l’én­ergie de vivre, les rap­ports soci­aux, les racines, et donc aus­si la pos­si­bil­ité de lutter.

Le cap­i­tal­isme arrache donc les femmes à ces lieux « posi­tifs » parce qu’il n’a plus besoin de la fonc­tion néga­tive. Lieux de soumis­sions, certes, mais lieux bien à elles, alors que dans le cap­i­tal­isme, rien n’est plus à personne. 

Les femmes sont donc non seule­ment opprimées par les hommes dans le sys­tème patri­ar­cal, mais encore dérac­inées et plongées dans un monde irréel et sans compensation.

Si pour­tant, une seule com­pen­sa­tion pos­si­ble, elle aus­si bien enten­du illu­soire, celle du pou­voir, de ce pou­voir dont les hommes se sont emparés.

Le fémin­isme, c’est un peu la mau­vaise réponse a tous ces prob­lèmes en ce sens qu’il n’ar­tic­ule pas la lutte con­tre le patri­ar­cat à celle con­tre toutes les formes de la dom­i­na­tion, et surtout a un pro­jet poli­tique et de société. 

Voulant soit retrou­ver ses anciens rôles (de la réap­pro­pri­a­tion des enfants par les femmes pour une par­tie du mou­ve­ment fémin­iste mod­erne, à la stu­pide reven­di­ca­tion du salaire ménag­er qui ne fait que soumet­tre la femme à une dou­ble alié­na­tion, celle du rôle ances­tral et celle du salari­at), soit au con­traire s’en créer d’autres, il va s’ap­puy­er sur l’au­torité de l’É­tat con­tre celle des hommes (con­crétisé par le mari ou le patron, ou l’homme de la rue.)

Dès lors, l’in­sti­tu­tion « jus­tice », l’in­sti­tu­tion « tra­vail », l’in­sti­tu­tion « morale » vont être les piliers des luttes fémin­istes (au détri­ment des luttes révo­lu­tion­naires que mènent des femmes) :

  • les suf­fragettes et le vote 
  • l’é­gal­ité dans le travail 
  • le recours aux assises 
  • légal­i­sa­tion de l’a­vorte­ment et des cen­tres de femmes battues
  • lois de « pro­tec­tions de la femme »

en d’autres ter­mes, le fémin­isme offre aux femmes de chang­er de maque­reaux et de pren­dre l’état.

L’État

À l’in­verse, les luttes des femmes révo­lu­tion­naires, luttes con­tre tous les maque­reaux ; des luttes qui se passent par­fois avec des hommes, mais aus­si indépen­dam­ment d’eux, comme jadis la « grève des ven­tres », ou des mou­ve­ments insur­rec­tion­nels con­tre la guerre, ou plus près de nous cer­taines luttes de quartiers ou d’entreprises.

C’est un peu, et toute pro­por­tions gardées, la con­séquence de l’asservisse­ment aux hommes, qui provoque une pro­jec­tion sur les maîtres, les hommes dans un pre­mier temps, puis sur leur représen­tant du moment, l’ÉTAT.

Surtout l’É­tat qui renaît au 19ème siè­cle, et qui appa­raît comme un libéra­teur face à la vieille coerci­tion famil­iale et tribale.

Cette oppo­si­tion appar­ente entre la famille con­ser­va­trice et l’É­tat nova­teur et uni­ver­sal­isant, « dans le sens de l’his­toire » (donc libéra­teur !) per­met à bien des forces sociales, les femmes, mais aus­si les ouvri­ers, de se jeter dans la gueule du loup, pour le plus bel avenir des nou­velles formes de dominations.

Le fémin­isme a été, comme doc­trine con­sti­tué, et dans une moin­dre mesure comme mou­ve­ment de lutte, l’im­age de cette méprise.

Pour­tant il existe des luttes de femmes qui échap­pent à cette emprise. Nous en avons vu quelques unes tout à l’heure, que nous clas­sions comme révo­lu­tion­naires, mais il en est d’autre réformistes, qui échap­pent à cet aveu­gle­ment vis à vis du nou­v­el ordre exis­tant, qui ne se pose pas en con­struc­teur de l’é­tat, comme par exem­ple les ten­ta­tives de faire soi-même des avorte­ments, ou tout sim­ple­ment d’es­say­er d’échap­per à l’in­sti­tu­tion­nal­i­sa­tion médi­cale. Luttes réformistes en ce qu’elles peu­vent être récupérées par l’É­tat (quelles sont les luttes qui ne le sont pas lorsqu’elles ne s’in­scrivent pas dans un mou­ve­ment général­isé et dans un pro­jet pré­cis !) mais récupéré ne sig­ni­fie pas « sup­port ». Au con­traire cela traduirait plutôt les dif­fi­cultés qu’a le nou­v­el ordre à se met­tre en place.

Voilà quel est en gros pour moi la nature du FÉMINISME ; expli­quer ou cri­ti­quer les formes du fémin­isme actuel par le fait que l’ex­pres­sion dom­i­nante est le fait de la moyenne bour­geoisie supérieure (celle qui est acces­si­ble aux femmes) en cache le sens même si la remar­que a son impor­tance. Car axer la cri­tique là-dessus c’est admet­tre qu’il y aurait un fémin­isme révo­lu­tion­naire, (celui des ouvrières par exemple ?)

Comme si la cri­tique du lénin­isme, c’é­tait que le par­ti était dirigé par des petits bour­geois, alors que c’est le par­ti lui même qui est en ques­tion… comme le féminisme.

Révolutionnaire ?

Pour­tant, il y a cer­taine­ment des raisons pour que le FÉMINISME paraisse fon­da­men­tale­ment révo­lu­tion­naire, même à ceux qui acceptent en par­tie ou en total­ité ces critiques.

Je vois a cela plusieurs raisons (que je ne saurais class­er par ordre d’im­por­tance), et il y en a cer­taine­ment d’autres. 

  • La pre­mière, c’est que peut-être il l’est vrai­ment (tout le monde peut se tromper, mais n’é­tant pas par­ti de ce point de vue, je ne peux quand même pas me déjuger maintenant) 
  • La sec­onde, c’est que le fémin­isme, dans la mesure où il est l’ex­pres­sion d’un change­ment social (celui des rôles de la femme), provoque de vives résis­tances comme à chaque fois qu’il y a des change­ments dans la société.

Résis­tance des hommes, qui ne voient pas d’un bon œil les femmes aban­don­ner le foy­er et se mêler de leurs affaires d’hommes : le tra­vail-méti­er, la poli­tique, etc. et surtout en prof­iter pour leur con­tester leur pouvoir.

Résis­tance aus­si des femmes, qui ne veu­lent pas aban­don­ner leur rôle tra­di­tion­nel de peur d’y laiss­er quelques plumes et ne plus avoir de rôle du tout.

Dans la mesure où ces deux atti­tudes sont évidem­ment réac­tion­naires il est logique que ce à quoi elles s’op­pose paraisse révolutionnaire. 

  • Une troisième rai­son me parait être la crise des con­cep­tions clas­siques de la révo­lu­tion. Il est naturel et logique, que sitôt qu’un mou­ve­ment habituelle­ment « oublié », « décrié » ou « nié » se déclenche, il paraisse, en réac­tion, beau­coup plus pro­fond et révo­lu­tion­naire que ce qui l’a précédé. Sans autre forme d’analyse, et unique­ment grâce à cette opposition.
  • Enfin, une qua­trième rai­son, qui découle de la précé­dente ; le fémin­isme actuel a ten­dance à s’ inscrire dans une pen­sée mod­erniste issue juste­ment de cette crise des vieilles con­cep­tions marx­istes lénin­istes, et qui se tar­gue d’être, elle, révolutionnaire.

La mise en avant du « vécu », l’im­por­tance don­née à la « com­mu­ni­ca­tion » au « sen­ti », le tout s’ar­tic­u­lant sur la redé­cou­verte de la psy­ch­analyse par le détour Lacanien (on préfère Lacan à Reich chez ces gens-là), lui donne une apparence de nou­veauté et de rup­ture avec les vieux sché­mas rigides et incomplets.

C’est en par­tie vrai en ce sens qu’il est cer­tain que sont mis en avant des élé­ments de la réal­ité qui étaient VOLONTAIREMENT occultés par la gauche et l’ex­trême gauche classique.

C’est en par­tie faux parce que l’au­tonomie du fémin­isme, en matière de référent théorique, d’u­til­i­sa­tion de matériel de pen­sée et d’analyse, est très fac­tice ; elle est en effet liée à un dou­ble mou­ve­ment qui le dépasse et l’en­globe : le maoïsme et la psy­ch­analyse lacani­enne : les deux volets de l’ob­scu­ran­tisme mod­erne de l’in­tel­li­gentsia française (pour ne pas dire Parisi­enne). Ces nou­veaux (?)sché­mas théoriques jouent le même rôle que le marx­isme lénin­isme qui les précé­dait (ce sont d’ailleurs très sou­vent les mêmes gens). 

C’est en ce sens que la lutte des femmes pour un monde nou­veau, sans pou­voir, est rad­i­cale­ment séparé du fémin­isme qui est plus ou moins par­tie prenante des NOUVEAUX POUVOIRS.

MARTI N.


Des groupes d’hommes ?

Çà et là, de temps en temps, depuis quelques années, appa­rais­sent par­mi cer­tains cama­rades des ten­ta­tives de faire « des groupes d’hommes ». Ces groupes, éphémères pour la plu­part, se for­ment par rap­port aux groupes femmes et en réac­tion (pas offi­cielle­ment en oppo­si­tion) à eux, dans un même milieu politi­co-affec­tif. La plu­part du temps, il ne s’ag­it je crois que d’une ten­ta­tive de reprise du pou­voir qui est con­testé par les femmes, sous pré­texte de « remise en cause » d’« auto-analyse », de « prise de con­science », c’est à dire autant de signes plus ou moins clairs de cul­pa­bil­i­sa­tion, dont on sait qu’elle est aus­si une mar­que de domination.

On ne change pas les rap­ports de cette manière ; et d’ailleurs, à quoi bon faire des groupes d’hommes si l’on sait que ce qui car­ac­térise les réu­nions poli­tiques et con­viviales, c’est d’être déjà …des réu­nions d’hommes. Faut-il en faire davan­tage, offi­cielles cette fois, pour mar­quer quoi, sinon le triste replâ­trage d’un pou­voir remis en cause !

De leurs prob­lèmes, les mecs en par­lent déjà bien assez bien entre eux au bistrot, entre copains, de leurs prob­lèmes avec les femmes etc. Pourquoi seraient-ils abor­dés dif­férem­ment, et mieux, sous pré­texte d’in­sti­tu­tion­nal­i­sa­tion de la réunion ?

À bas les groupes d’Hommes… sauf sauf s’ils ont pour objet explicite… l’ho­mo­sex­u­al­ité, c’est à dire s’aimer entre hommes sans femmes inter­posées, ni con­tre elles ! 


Langage et pouvoir

On par­le générale­ment du « lan­gage des mecs » pour par­ler du lan­gage dur, gauchiste, doc­tri­nal, total­i­taire et total­isant, clos, réduc­teur, qui ne laisse aucune place à la réponse et à l’é­coute ; il ne s’ag­it en fait que du lan­gage de pou­voir ; pou­voir dont les mecs se sont emparés. Ce n’est donc pas le lan­gage des mecs qu’il faut cri­ti­quer mais bien le pou­voir… et les mecs eux-mêmes qui le détiennent ! 

À l’in­verse, les femmes qui acquièrent ce lan­gage se sont tout sim­ple­ment emparées du pou­voir. Dire qu’elles ont copié les mecs est un peu réduc­teur en ce sens que cela masque que le pou­voir sécrète ses formes d’ex­pres­sions et que les femmes peu­vent aus­si l’ex­ercer si elles sont placées dans cer­taines conditions. 


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