Des féminismes ?
Le petit Robert, dans son édition de 1973, non revue et corrigée, ni par Bakounine, ni par Françoise d’Eaubonne, mais généralement utilisé pour donner un sens aux mots, donne du féminisme la définition suivante :
« doctrine qui préconise l’extension du rôle de la femme dans la société »
Pourtant, à en croire ce qui se dit ou s’écrit sur la question, il existe autant de féminismes que de périodes historiques, de situations sociales et culturelles, de tendances.
« … on y trouve le féminisme intégré et récupérateur, le féminisme détaché de toute lutte, monopolisé par les intellectuelles du mouvement » (Colères, journal de femmes libertaires, numéro 1 p. 3.)
Intégré, récupérateur, détaché de toute lutte. Mais aussi sans conteste parfois réactionnaire (Lanterne noire numéro 8>rub39] [p. 34 à propos du viol et des assises).
D’autres fois certainement réformiste (campagnes pour les droits civiques et le droit de vote, pour l’avortement)
Que dire aussi du féminisme des femmes du PS ou du PC qui trouve comme terrain d’action la réforme de leurs partis pour ce qui concerne la place (ou plutôt l’absence de place) que les femmes y ont.
Il y a aussi le féminisme de la bourgeoisie libérale et éclairée, qui n’est lui ni réformiste ni réactionnaire (ces mots simples ont un sens bien trop précis) mais encore autre chose pas encore analysé et définissable car nouveau.
Face à tous ces contenus, que nous jugeons plus ou moins négativement, pouvons nous en opposer d’autres et faire comme Nicolas dans la [Lanterne Noire numéro 10>rub41] p. 11 :
« …Lorsque le mouvement féministe cessa d’être réformiste… »
Ou bien comme les anarcha féministes qui pensent que ce dernier ne peut être QUE libertaire, et ne peut QUE déboucher sur un projet anarchiste.
La question est alors posée.
Le féminisme englobe-t-il toute les luttes, dès lors qu’elles sont « de femmes », ou bien au contraire les luttes révolutionnaires de femmes ne peuvent que se détacher du féminisme qui, lui, forme un tout avec sa cohérence.
Des éléments de réponses sont, me semble-t-il, apportés par la façon dont le malaise vis a vis du féminisme se traduit.
Pour les groupes de femmes révolutionnaires d’abord : ceux qui tentent d’insérer la lutte des femmes dans un projet politique et de société qui la rendrait possible, sont souvent englués dans leurs rapports avec « le féminisme », sinon avec les féministes.
C’est que celui-ci, comme toutes les idéologies qui se veulent représentatives d’une catégorie sociale, culpabilise, afin de maintenir le pouvoir et l’hégémonie, celles qui veulent s’en émanciper :
« …Nous ne nous reconnaissons pas dans l’expression actuelle du mouvement des femmes. Si nous ne nous sommes pas exprimées plus tôt,c’est que la culpabilité de briser la solidarité féminine nous a enfermées dans le silence. La culpabilisation fait partie de la domination, nous ne voulons plus de ces rapports. » (Colères p. 3, « Pourquoi un journal des femmes libertaires ».)
Le féminisme fonctionne comme toutes les idéologie totalitaires ; s’attaquer à lui, ou simplement être en dehors de lui, serait s’attaquer à ce qu’il prétend monopoliser à savoir la lutte des femmes, et même simplement la voix des femmes (on retrouve d’ailleurs le même mécanisme dans le syndicalisme par rapport aux travailleurs, ou dans le… cénétisme par rapport aux anarchistes).
Ensuite, et toujours grâce à cette prétention à représenter et à englober, il est un moyen pour certains hommes de rejeter à bon compte toute lutte de femmes, sous le prétexte des aspects les plus criticables du féminisme ; là se cache le mépris derrière une critique doctrinale, certes, mais facile parce que formellement juste. Les femmes révolutionnaires sont alors gênées pour répondre à ces hommes-là, car elles savent que formellement la critique est réelle.
Là encore le féminisme joue un rôle obscurcissant : il paralyse certaines femmes, et permet à la misogynies de certains hommes de se légitimer et de se perpétuer.
Un seul féminisme
Or, le caractère obscurcissant d’un « isme » totalisant et parfois même totalitaire, est dans ce cas difficile à percevoir et à reconnaître : il touche un problème qu’il est impossible d’aborder avec « un recul idéologique » qui ne saurait rien impliquer ; c’est qu’il s’agit en fait des rapports entre les hommes et les femmes, et de la domination des uns sur les autres. Tout ce qui se dit sur la question ne peut être neutre, et est en partie, mais en partie seulement, influencé par le rôle particulier et individuel, de celui qui juge et pense dans ce rapport.
POURTANT IL (ME) SEMBLE QU’UN PAS EN AVANT SERAIT FAIT EN CONSIDÉRANT LE FÉMINISME COMME RELATIVEMENT HOMOGÈNE ET EN PLAÇANT LA LUTTE RÉVOLUTIONNAIRE DES FEMMES SUR UNE AUTRE DÉRIVE.
Le Féminisme en effet forme un tout, avec un corpus idéologique, une histoire, une place dans les luttes et dans les systèmes de pensée et d’action ; c’est seulement après avoir décrit les points communs que l’on peut comprendre et analyser les différences, aussi grandes soient elles.
Bien entendu, nous ne pouvons assimiler les militantes DU féminisme dans leur ensemble à ce dernier, tant le décalage peut être grand entre la réalité vécue par des individus, l’idée qu’ils ont d’eux même, et la vérité souvent cachée des organisations et des idéologies.
Le fait que le féminisme forme un tout, c’est a dire que ce qui l’unifie est plus fort que ce qui le différencie, ne peut donner satisfaction à un point de vue révolutionnaire qu’à une seule condition :
PENSER QUE LA DOMINATION DE L’HOMME SUR LA FEMME, ou du moins ce qui la fonde et la motive, EST LE POINT CENTRAL SUR LEQUEL S’ARTICULE TOUTES LES AUTRES FORMES DE LA DOMINATION.
Or c’est ce point de vue que nous rejetons, qui substitue a la centralité classique de la classe ouvrière, de l’exploitation économique, une autre centralité comme motrice et explicatrice de l’histoire et de la vie sociale.
« …remplacer ouvrier par jeune ou par marginal, selon les cas ou les intérêts du moment c’est tomber dans le mode de pensée abstrait qui fait du prolétariat d’usine LA classe révolutionnaire… » (Lanterne noire, « Points communs ».)
La méthode qui consiste à penser qu’il existe un chas par lequel s’enfilent toutes les tares de la domination est réactionnaire en ce qu’elle incite finalement à ne s’attaquer qu’à ce pivot, pour des raisons d’efficacité, et à réduire le reste aux oubliettes du « secondaire » comme dans la pensée marxiste léniniste traditionnelle.
Dès lors, quand Nicolas, dans la [Lanterne noire numéro 10>rub41], écrit :
« …La position de la femme dans la structure de la domination est sous-jacente à l’exploitation du travail salarié dans le système capitaliste et étatique… »
et surtout :
« …car l’autorité de l’état s’appuie sur des institutions archaïques qui articulent chaque désir personnel individuel, à l’intérieur d’un système de parenté régit par une asymétrie de fait, asymétrie voulue par certains comme radicale et naturelle en vertu de laquelle femmes et mineurs sont dépendant du rôle paternel… »
Il introduit une certaine ambiguïté par rapport aux positions fondamentales [[Fondamentales, et pourtant de principe, quasi un postulat ; il n’est guère possible d’en démontrer la véracité ; mais de l’inverse non plus. C’est un principe idéologique qui se constitue en fonction d’un PROJET politique et de société, et non en fonction d’une pseudo objectivité. Il s’est constitué aussi en fonction du contre pied pris des idéologies religieuses (marxistes et chrétiennes) qui se placent toujours par rapport à une centralité (l’économie, le pèché…).]] émises plus haut.
Sans les remettre en cause, il glisse pourtant l’idée du TEMPS dans la compréhension de l’histoire et de la domination, par le biais des structures archaïques ; il s’agit de choses antérieures à d’autres, d’un côté,et de l’autre, de choses plus profondément enfouies (cf. la pensée freudienne). Le glissement, vers l’importance plus ou moins grande, n’est pas dès lors très difficile à faire si l’on ne précise pas qu’il ne s’agit que d’une méthode descriptive sans conséquence hiérarchique dans une stratégie du changement.
Nous disions dans nos points communs :
« … l’exploitation et la domination d’une classe sociale sur une autre sont basées non seulement sur les rapports de production, mais aussi sur la REPRODUCTION des conditions de la production … »
On pourrait je crois dire la même chose de la domination et de sa reproduction ;
Cela veut dire que la REPRODUCTION devient un élément fondamental, a combattre et à ne pas reproduire, au même titre que ce qui l’a précédé et motivé.
COMBATTRE LA DOMINATION DES HOMMES SUR LES FEMMES, C’EST AUSSI COMBATTRE LA REPRODUCTION DE CETTE STRUCTURE DE DOMINATION, REPRODUCTION PORTÉE AUSSI PAR LES FEMMES (nous le verrons).
C’est à cette condition seulement que cette structure archaïque pourra se détruire.
Drôles de rôles
Le féminisme, comme la plupart des idéologies sociales, socialistes ou de libération, constituées, est autant le produit des changements sociaux qui se produisent MALGRÉ et CONTRE les opprimés que de la lutte des opprimés eux mêmes.
Contrairement à ce que certains (et certaines) pensent, je crois moi que la séparation sexuelle des rôles sociaux va plutôt en diminuant au fur et a mesure que les forces productives se développent.
Jadis, dans l’ancien régime, dans la France rurale, essentiellement, la division sexuelle des rôles était extrêmement cloisonnée ; tellement cloisonnée qu’aucune exception n’était tolérée ou envisageable, tant en rapport au travail productif, qu’à l’organisation de la vie quotidienne.
Sauf bien entendu à acquérir immédiatement « un rôle social marginal » : celui de sorcière, de fou, ou de saint, de prophète, etc., c’est à dire l’inclusion immédiate dans un autre rôle tout aussi cloisonné.
L’industrialisation, avec l’apparition de la manufacture, bien avant le milieu du 19ème siècle, va progressivement arracher les individus à leurs rôles, pour les rendre de plus en plus interchangeables et utilisables par le capital ; le capital, dont la finalité est l’interchangeabilité des individus, « animaux productifs », et non la perpétuation de structures et le rapports apparemment immuables ; le capitalisme, c’est la société qui change au mépris de toute idéologie de la « conservation ».
Le féminisme, comme idéologie constituée, c’est d’abord l’expression de ce changement qui arrache la femme à ses rôles traditionnels (mère, épouse, foyer, rôle ancestral dans la production etc.), et qui lui enlève tout sentiment d’appartenance, de sécurité, d’harmonie, exactement comme pour le prolétaire transporté de sa campagne archaïque et mythique vers l’usine régie par la compétition et la production.
Le monde qui est offert à la femme n’est pas vraiment le sien.
On répond souvent a cela deux choses :
- La première, c’est que l’oppression de la femme par l’homme ne date pas du capitalisme ;
Cette réfutation féministe aux « classiques » tenants de la lutte des classes ne saurait concerner que des marxistes ou cryptos, pas des anarchistes, puisque ces derniers ne font bien sûr pas dater la domination de la naissance de l’industrie, ni surtout ne font pas découler de la fin du capitalisme la fin de toutes les dominations, de toutes les exploitations.
Il y avait de la domination, en particulier sur les femmes, bien avant le capitalisme, et par le biais des rôles sexuels, nous sommes bien d’accord.
(d’ailleurs à l’inverse, je crois que la fin du cloisonnement entre les rôles sexuels, timidement amorcée par le capital lui même, ne signifie en rien la fin de la domination, mais indique plutôt qu’il existe d’autres terrains de lutte plus fondamentaux.)
- La seconde c’est que puisque quelque chose est répressif, il suffit très simplement de le supprimer.
Ce n’est pas aussi simple, car les institutions répressives, ne peuvent fonctionner que parce qu’en plus de la domination exercée, l’aspect négatif, elles remplissent aussi des fonctions positives, du moins vitales.
Si l’on ne comprend pas bien ces mécanismes, on se prive, je crois, de comprendre pourquoi les choses sont comme elles sont, et donc de pouvoir les changer [[Pour illustrer cela on prendra l’exemple de l’école et de la famille pour l’enfant ; deux institutions dont personne, du moins parmi les lecteurs de la Lanterne noire, ne contestera qu’elles sont répressives ; et bien elles fonctionnent de manière « complémentairement positives » l’une par rapport à l’autre. Le même enfant, se faisant chier chez lui peut avoir hâte de foutre le camp à l’école, où il a ses copains, puis quelques heures après, se tirer de l’école en vitesse pour retrouver la sécurisation du foyer.
On connaît aussi l’exemple du travail, même à la chaîne, qui ne peut fonctionner que parce que l’ouvrier y investit positivement une partie de lui même, une partie de sa créativité, même dérisoire. C’est à ce prix que les systèmes répressifs fonctionnent !]].
C’est la même chose pour les rôles sociaux, qui, instruments de domination, sont acceptés parce qu’ils sont aussi le lieu où se puise l’énergie de vivre, les rapports sociaux, les racines, et donc aussi la possibilité de lutter.
Le capitalisme arrache donc les femmes à ces lieux « positifs » parce qu’il n’a plus besoin de la fonction négative. Lieux de soumissions, certes, mais lieux bien à elles, alors que dans le capitalisme, rien n’est plus à personne.
Les femmes sont donc non seulement opprimées par les hommes dans le système patriarcal, mais encore déracinées et plongées dans un monde irréel et sans compensation.
Si pourtant, une seule compensation possible, elle aussi bien entendu illusoire, celle du pouvoir, de ce pouvoir dont les hommes se sont emparés.
Le féminisme, c’est un peu la mauvaise réponse a tous ces problèmes en ce sens qu’il n’articule pas la lutte contre le patriarcat à celle contre toutes les formes de la domination, et surtout a un projet politique et de société.
Voulant soit retrouver ses anciens rôles (de la réappropriation des enfants par les femmes pour une partie du mouvement féministe moderne, à la stupide revendication du salaire ménager qui ne fait que soumettre la femme à une double aliénation, celle du rôle ancestral et celle du salariat), soit au contraire s’en créer d’autres, il va s’appuyer sur l’autorité de l’État contre celle des hommes (concrétisé par le mari ou le patron, ou l’homme de la rue.)
Dès lors, l’institution « justice », l’institution « travail », l’institution « morale » vont être les piliers des luttes féministes (au détriment des luttes révolutionnaires que mènent des femmes) :
- les suffragettes et le vote
- l’égalité dans le travail
- le recours aux assises
- légalisation de l’avortement et des centres de femmes battues
- lois de « protections de la femme »
en d’autres termes, le féminisme offre aux femmes de changer de maquereaux et de prendre l’état.
L’État
À l’inverse, les luttes des femmes révolutionnaires, luttes contre tous les maquereaux ; des luttes qui se passent parfois avec des hommes, mais aussi indépendamment d’eux, comme jadis la « grève des ventres », ou des mouvements insurrectionnels contre la guerre, ou plus près de nous certaines luttes de quartiers ou d’entreprises.
C’est un peu, et toute proportions gardées, la conséquence de l’asservissement aux hommes, qui provoque une projection sur les maîtres, les hommes dans un premier temps, puis sur leur représentant du moment, l’ÉTAT.
Surtout l’État qui renaît au 19ème siècle, et qui apparaît comme un libérateur face à la vieille coercition familiale et tribale.
Cette opposition apparente entre la famille conservatrice et l’État novateur et universalisant, « dans le sens de l’histoire » (donc libérateur !) permet à bien des forces sociales, les femmes, mais aussi les ouvriers, de se jeter dans la gueule du loup, pour le plus bel avenir des nouvelles formes de dominations.
Le féminisme a été, comme doctrine constitué, et dans une moindre mesure comme mouvement de lutte, l’image de cette méprise.
Pourtant il existe des luttes de femmes qui échappent à cette emprise. Nous en avons vu quelques unes tout à l’heure, que nous classions comme révolutionnaires, mais il en est d’autre réformistes, qui échappent à cet aveuglement vis à vis du nouvel ordre existant, qui ne se pose pas en constructeur de l’état, comme par exemple les tentatives de faire soi-même des avortements, ou tout simplement d’essayer d’échapper à l’institutionnalisation médicale. Luttes réformistes en ce qu’elles peuvent être récupérées par l’État (quelles sont les luttes qui ne le sont pas lorsqu’elles ne s’inscrivent pas dans un mouvement généralisé et dans un projet précis !) mais récupéré ne signifie pas « support ». Au contraire cela traduirait plutôt les difficultés qu’a le nouvel ordre à se mettre en place.
Voilà quel est en gros pour moi la nature du FÉMINISME ; expliquer ou critiquer les formes du féminisme actuel par le fait que l’expression dominante est le fait de la moyenne bourgeoisie supérieure (celle qui est accessible aux femmes) en cache le sens même si la remarque a son importance. Car axer la critique là-dessus c’est admettre qu’il y aurait un féminisme révolutionnaire, (celui des ouvrières par exemple ?)
Comme si la critique du léninisme, c’était que le parti était dirigé par des petits bourgeois, alors que c’est le parti lui même qui est en question… comme le féminisme.
Révolutionnaire ?
Pourtant, il y a certainement des raisons pour que le FÉMINISME paraisse fondamentalement révolutionnaire, même à ceux qui acceptent en partie ou en totalité ces critiques.
Je vois a cela plusieurs raisons (que je ne saurais classer par ordre d’importance), et il y en a certainement d’autres.
- La première, c’est que peut-être il l’est vraiment (tout le monde peut se tromper, mais n’étant pas parti de ce point de vue, je ne peux quand même pas me déjuger maintenant)
- La seconde, c’est que le féminisme, dans la mesure où il est l’expression d’un changement social (celui des rôles de la femme), provoque de vives résistances comme à chaque fois qu’il y a des changements dans la société.
Résistance des hommes, qui ne voient pas d’un bon œil les femmes abandonner le foyer et se mêler de leurs affaires d’hommes : le travail-métier, la politique, etc. et surtout en profiter pour leur contester leur pouvoir.
Résistance aussi des femmes, qui ne veulent pas abandonner leur rôle traditionnel de peur d’y laisser quelques plumes et ne plus avoir de rôle du tout.
Dans la mesure où ces deux attitudes sont évidemment réactionnaires il est logique que ce à quoi elles s’oppose paraisse révolutionnaire.
- Une troisième raison me parait être la crise des conceptions classiques de la révolution. Il est naturel et logique, que sitôt qu’un mouvement habituellement « oublié », « décrié » ou « nié » se déclenche, il paraisse, en réaction, beaucoup plus profond et révolutionnaire que ce qui l’a précédé. Sans autre forme d’analyse, et uniquement grâce à cette opposition.
- Enfin, une quatrième raison, qui découle de la précédente ; le féminisme actuel a tendance à s’ inscrire dans une pensée moderniste issue justement de cette crise des vieilles conceptions marxistes léninistes, et qui se targue d’être, elle, révolutionnaire.
La mise en avant du « vécu », l’importance donnée à la « communication » au « senti », le tout s’articulant sur la redécouverte de la psychanalyse par le détour Lacanien (on préfère Lacan à Reich chez ces gens-là), lui donne une apparence de nouveauté et de rupture avec les vieux schémas rigides et incomplets.
C’est en partie vrai en ce sens qu’il est certain que sont mis en avant des éléments de la réalité qui étaient VOLONTAIREMENT occultés par la gauche et l’extrême gauche classique.
C’est en partie faux parce que l’autonomie du féminisme, en matière de référent théorique, d’utilisation de matériel de pensée et d’analyse, est très factice ; elle est en effet liée à un double mouvement qui le dépasse et l’englobe : le maoïsme et la psychanalyse lacanienne : les deux volets de l’obscurantisme moderne de l’intelligentsia française (pour ne pas dire Parisienne). Ces nouveaux (?)schémas théoriques jouent le même rôle que le marxisme léninisme qui les précédait (ce sont d’ailleurs très souvent les mêmes gens).
C’est en ce sens que la lutte des femmes pour un monde nouveau, sans pouvoir, est radicalement séparé du féminisme qui est plus ou moins partie prenante des NOUVEAUX POUVOIRS.
MARTI N.
Des groupes d’hommes ?
Çà et là, de temps en temps, depuis quelques années, apparaissent parmi certains camarades des tentatives de faire « des groupes d’hommes ». Ces groupes, éphémères pour la plupart, se forment par rapport aux groupes femmes et en réaction (pas officiellement en opposition) à eux, dans un même milieu politico-affectif. La plupart du temps, il ne s’agit je crois que d’une tentative de reprise du pouvoir qui est contesté par les femmes, sous prétexte de « remise en cause » d’« auto-analyse », de « prise de conscience », c’est à dire autant de signes plus ou moins clairs de culpabilisation, dont on sait qu’elle est aussi une marque de domination.
On ne change pas les rapports de cette manière ; et d’ailleurs, à quoi bon faire des groupes d’hommes si l’on sait que ce qui caractérise les réunions politiques et conviviales, c’est d’être déjà …des réunions d’hommes. Faut-il en faire davantage, officielles cette fois, pour marquer quoi, sinon le triste replâtrage d’un pouvoir remis en cause !
De leurs problèmes, les mecs en parlent déjà bien assez bien entre eux au bistrot, entre copains, de leurs problèmes avec les femmes etc. Pourquoi seraient-ils abordés différemment, et mieux, sous prétexte d’institutionnalisation de la réunion ?
À bas les groupes d’Hommes… sauf sauf s’ils ont pour objet explicite… l’homosexualité, c’est à dire s’aimer entre hommes sans femmes interposées, ni contre elles !
Langage et pouvoir
On parle généralement du « langage des mecs » pour parler du langage dur, gauchiste, doctrinal, totalitaire et totalisant, clos, réducteur, qui ne laisse aucune place à la réponse et à l’écoute ; il ne s’agit en fait que du langage de pouvoir ; pouvoir dont les mecs se sont emparés. Ce n’est donc pas le langage des mecs qu’il faut critiquer mais bien le pouvoir… et les mecs eux-mêmes qui le détiennent !
À l’inverse, les femmes qui acquièrent ce langage se sont tout simplement emparées du pouvoir. Dire qu’elles ont copié les mecs est un peu réducteur en ce sens que cela masque que le pouvoir sécrète ses formes d’expressions et que les femmes peuvent aussi l’exercer si elles sont placées dans certaines conditions.