La Presse Anarchiste

Chronique de Madrid

L’ac­tu­al­ité espag­nole se con­cen­tre ces jours-ci sur le Con­grès du P.C., le pre­mier Con­grès légal depuis 1932 (époque à laque­lle son car­ac­tère stal­in­iste s’est défi­ni, et a con­tin­ué jusqu’à main­tenant). Apparem­ment les débats tour­nent autour de la déf­i­ni­tion du par­ti comme « marx­iste révo­lu­tion­naire » et non plus comme « lénin­iste » : cela sig­ni­fie l’a­ban­don de la dic­tature du pro­lé­tari­at, et de la pra­tique du cen­tral­isme démoc­ra­tique. Ces deux points auraient un intérêt pour le mou­ve­ment ouvri­er s’il s’agis­sait effec­tive­ment d’un dépasse­ment dans un sens révo­lu­tion­naire, de l’ac­cep­ta­tion du rôle essen­tiel du mou­ve­ment syn­di­cal et d’autres mou­ve­ments soci­aux dans le proces­sus révo­lu­tion­naire et de dé bats non dog­ma­tiques sur le car­ac­tère de la révo­lu­tion actuelle­ment. Mais il ne s’ag­it pas de cela : l’a­ban­don des thès­es stal­in­istes se fait sur des posi­tions de droite, comme recherche de l’élec­torat ouvri­er « embour­geoisé » et des pro­fes­sions libérales et petits com­merçants qui votèrent mas­sive­ment pour le PSOE aux dernières élec­tions. Il s’ag­it du pas­sage du PC à la sociale-démoc­ra­tie. L’u­til­i­sa­tion des ter­mes « marx­iste révo­lu­tion­naire » est un artifice. 

Le PC a démon­tré qu’il avait plus de force syn­di­cale qu’au­cun autre courant du mou­ve­ment ouvri­er, et aux récentes élec­tions syn­di­cales ([aux­quelles] ont par­ticipé seule­ment 3 mil­lions de tra­vailleurs sur 12 mil­lions de pop­u­la­tion active, qui se com­pose de 2 mil­lions de paysans, 1 mil­lion de com­merçants et de tra­vailleurs autonomes, 1 mil­lion de cadres et fonc­tion­naires ; il reste donc 5 mil­lions de salariés, la majeure par­tie dans des entre­pris­es de petites dimen­sions, qui sont restés en marge des élec­tions syn­di­cales) les CCOO dirigées par le PCE ont obtenues 35 % des votes, face à 32 % pour l’UGT con­trôlées par le PSOE. Les can­di­dats autonomes (proches des posi­tions de la gauche et par­fois plus rad­i­caux, com­prenant plusieurs cen­taines de délégués CNT d’en­tre­pris­es en crise, où ils ont par­ticipé pour main­tenir l’u­nité ouvrière) ont obtenu près de 10 %, les jaunes (petits syn­di­cats d’en­tre­prise ou de branch­es d“industrie organ­isés par le patronat ou les ex-ver­ti­cal­istes) 5 %. Les 8 % restant se répar­tis­sent entre les petits syn­di­cats maoïstes « uni­taires », l’U­SO catholique « auto­ges­tion­naire », les nation­al­istes basques etc… 

Les chiffres précé­dents se réfèrent aux votants, mais il faut sig­naler que plus de 25 % de ces 3 mil­lions de tra­vailleurs d’en­tre­pris­es où des élec­tions ont eu lieu se sont abstenus, suiv­ant l’ap­pel de la CNT et d’autres groupes autonomes. 

Cette sit­u­a­tion préoc­cupe le gou­verne­ment, qui voit aug­menter les con­flits soci­aux (ces jours-ci il y a eu des grèves organ­isées au niveau nation­al dans dif­férentes branch­es, des enseignants au tex­tile et aux arts graphiques, et les tra­vailleurs de la pêche de Cadiz et des chantier navals de Vigo se sont affron­tés avec la police ; et à Eibar et Guipùz­coa, les locaux de CCOO et UGT ont du être pro­tégés des métal­los indignés par la trahi­son syn­di­cale) sans que les nou­veaux « comités d’en­tre­prise » élus et con­trôlés par les cen­trales sig­nataires du pacte de la Mon­cloa (UGT et CCOO) réus­sis­sent à encadr­er plus de 2 mil­lions de tra­vailleurs au max­i­mum. Cela sig­ni­fie que, bien que la con­ver­gence du PCE et du PSOE dans l’e­space poli­tique soit impor­tante pour la tran­quil­lité du sys­tème, il reste un grand espace de com­bat­iv­ité ouvrière, disponibles pour des affron­te­ments qui dépassent les lim­ites étroites des reven­di­ca­tions salar­i­ales du Pacte de la Moncloa.

Pour le moment cepen­dant, il n’y a aucune force capa­ble d’ori­en­ter ces con­flits spon­tanés au-delà des buts élec­toral­istes et du pacte social tracé par les forces par­lemen­taires. En effet la CNT se trou­ve en ce moment soumise à une grave crise interne, et dépense beau­coup plus d’én­ergie à résoudre ses luttes internes qu’à être présente dans les con­flits ouvri­ers. D’un côté, le secteur de « l’ex­il ortho­doxe » a ren­for­cé son instru­ment de con­trôle sur la nou­velle CNT : c’est la FAI recon­stru­ite. D’un autre côté, ce fait a provo­qué des réac­tions de la part des divers­es ten­dances (les unes révo­lu­tion­naires les autres réformistes) qui sont en désac­cord avec la réduc­tion de la CNT à une organ­i­sa­tion pure­ment syn­di­cale, qui n’ap­puierait pas les con­flits lib­er­taires dans leur mul­ti-dimen­sion­nal­ité (luttes écol­o­gistes fémin­istes, luttes des pris­on­niers), comme le pré­tend la FAI. Ces groupes cherchent dans la CNT une organ­i­sa­tion lib­er­taire inté­grale, capa­ble d’ap­puy­er ces fronts de lutte en dehors de la pro­duc­tion, aus­si bien que de ren­forcer le mou­ve­ment autonome et assem­bléiste dans les entre­pris­es. Un autre con­flit qui divise les cénétistes est l’at­ti­tude devant la vio­lence et la provo­ca­tion de l’É­tat, en ce moment où le sys­tème tente de présen­ter les lib­er­taires comme des ter­ror­istes pour jus­ti­fi­er une augmen­tation de la lég­is­la­tion répres­sive, qui affecterait aus­si les groupes séparatistes basques et des Canaries, et les lénin­istes type GRAPO, dont les tac­tiques style « brigades rouges », plus ou moins influ­encées par cer­tains ser­vices secrets, ren­force finale­ment l’im­age réformiste du sys­tème : ain­si, quand après l’as­sas­si­nat du mil­i­tant lib­er­taire Agustin Rue­da (à la prison de Cara­banchel, il a été tué par des fonc­tion­naires de la prison) le directeur général des pris­ons a été assas­s­iné par un com­man­do du GRAPO, le sys­tème a eu l’ha­bileté de nom­mer un nou­veau directeur général très réformiste qui essaierait de calmer la sit­u­a­tion explo­sive dans les pris­ons. Devant ces faits il y a des secteurs du mou­ve­ment lib­er­taire et de la CNT par­ti­sans de pass­er à l’ac­tion (y com­pris quelques groupes de la FAI) et d’autres qui con­sid­èrent que cela mèn­erait la CNT à l’il­lé­gal­ité. La divi­sion sur ce point ne coïn­cide pas avec la divi­sion syndicalistes/assembléistes, ce qui rend par­ti­c­ulière­ment com­pliqué les con­flits internes, et rend dif­fi­cile la pré­pa­ra­tion du prochain con­grès con­fédéral ; s’il n’avait pas lieu, la CNT con­tin­uerait à être ancrée dans les images de 1936, et serait inca­pable de don­ner une réponse effec­tive à la pro­fonde crise sociale que tra­verse le cap­i­tal­isme espagnol.

20 AVRIL 78.

Répression

Le 30 jan­vi­er 78 sont arrêtés à Barcelone 50 anar­chistes « accusés de vouloir recon­stru­ire la FAI ». 

Dès lors la répres­sion con­tre le mou­ve­ment lib­er­taire pren­dra cette forme, et l’ar­resta­tion de lib­er­taires et de mem­bres de la CNT devient « nor­male ». En ce moment, env­i­ron 70 lib­er­taires sont en Prison en Espagne. Un comité de sol­i­dar­ité avec les empris­on­nés lib­er­taires s’est créé a Barcelone, qui édite un bul­letin d’in­for­ma­tion et qui pré­pare pour les 1 et 2 juil­let Les Journées Inter­na­tionales con­tre la Répres­sion à OSONA (env­i­ron 70 km de Barcelone).

Pour plus amples infor­ma­tions, écrire aux locaux de la CNT à : Man­lleu, C/Del Pont 73, Baixos

Vic, c/Now, 54 Torel­lo, C/Rocaprevera, 13.