Le
Congrès de la Fédération romande, tenu à
Vevey, a élaboré un projet de Fédération
suisse des Sections de l’Internationale.
À
l’art. 2, § 5 de ce projet, il est dit que, pour être
admise dans la Fédération suisse, chaque section devra
reconnaître les décisions de la Conférence de
Londres.
Ce
qui signifie très clairement que les intrigants de Genève,
cherchant à jouer un mauvais tour à la Fédération
jurassienne, ont imaginé celui-ci : de constituer une
Fédération nationale suisse, dont devront faire partie
toutes les Sections de la Suisse, et en même temps d’en fermer
les portes à la Fédération jurassienne, en lui
imposant une condition d’entrée qu’elle ne peut accepter.
Nous
n’attendions pas moins de l’esprit de fraternité des hommes du
Temple-Unique ; et pour achever de les peindre, nous répéterons
le jugement porté en notre présence sur ce fameux
projet de Fédération, par un des délégués
au Congrès romand de Vevey :
« Les
meneurs de Genève, disait-il, ont tant tripoté, qu’ils
sont arrivés à la veille de la banqueroute ; et
ils ont imaginé de constituer une fédération
suisse pour lui faire endosser leurs dettes et la charger de la
liquidation de leur déficit. »
Nous
savions cela depuis longtemps ; mais il ne nous convenait pas, à
nous adversaires, de faire des révélations qui, de
notre part, auraient pu sembler des calomnies. Maintenant que ce sont
les amis eux-mêmes qui s’en chargent, il est inutile de taire
plus longtemps la vérité. D’ailleurs, porter la lumière
dans les turpitudes commises à Genève, ce n’est pas
compromettre l’Internationale ; ceux qui la compromettent, ce
sont ceux qui ont fait en son nom toutes ces saletés ; et
c’est seulement en ayant le courage de dire toute la vérité
et de dénoncer hautement les éléments impurs,
que nous parviendrons à sauver le peu qui reste de
l’Internationale à Genève.
– O –
Ainsi,
la coterie H. Perret, Outine, Artus et Cie élabore
un projet de Fédération nationale, dans lequel la
Fédération jurassienne est traitée en paria.
Là-dessus, la Section de Zurich, à laquelle est
communiqué le projet, s’émeut ; elle rédige
un contre-projet, dans lequel, parmi plusieurs modifications, elle
supprime tout d’abord cette condition de reconnaître la
décision de la Conférence de Londres, condition qui
nous excluait d’avance. Néanmoins, le contre-projet n’est pas
adopté sans opposition : Artus, l’ami d’Outine, combat
violemment la suppression de la condition ci-dessus ; mais
malgré son éloquence, la majorité de la Section
zurichoise adopte le contre-projet et décide son envoi à
la fédération jurassienne. En effet, peu de jours
après, la fédération jurassienne recevait la
lettre suivante :
Zurich,
le 8 juillet 1872
« Chers
amis,
« Vous
recevez ci-joint 14 exemplaires de notre contre-projet au plan
élaboré par le Congrès romand pour la
constitution d’une fédération régionale suisse.
Ayez l’obligeance de les faire parvenir aux Comités locaux. Je
vous envoie ces exemplaires pour toute la Fédération
jurassienne, attendu que nous ne connaissons pas les adresses des
Sections. »
« Salut
fraternel.
« Au
nom et par ordre de la Section de Zurich :
Le
correspondant, Hermann Greulich. »
Et à
cette lettre est joint un post-scriptum personnel :
« Mon
cher Schwitzguébel, ne serait-il donc pas possible de rétablir
l’union entre les internationaux de la Suisse ? Avec ces
inimitiés personnelles, toute notre organisation marche à
sa ruine, et je crois que des deux côtés l’on devrait se
comporter un peu plus fraternellement, — H. G. »
Ah,
vous vous en apercevez enfin, citoyen Greulich, que la conséquence
des infâmes attaques personnelles auxquelles vos amis de Genève
se sont livrés contre les Jurassiens et contre tout ce qui
était indépendant dans l’Internationale, sera la ruine
de notre Association ? C’est un peu tard. Rappelez-vous, citoyen
Greulich, la patience, pour ne pas dire la débonnaireté,
que nous avons montrée pendant des mois, après le
Congrès de la Chaux-de-Fonds de triste mémoire, lorsque
l’Égalité nous traînait dans la boue et
qu’à chaque offre de conciliation faite par la Solidarité
elle répondait par une nouvelle insulte. C’était alors
qu’il fallait parler d’union ; alors tout pouvait se réparer
encore ; mais dès lors la situation a changé, et
comme le dit avec raison la Federacion de Barcelone, il s’est
dégagé dé tout cela une lutte plus haute, une
lutte de principes, qui sépare aujourd’hui l’Internationale en
deux camps ; c’est la lutte entre le principe de fédération
et d’autonomie d’une part, et le principe d’autorité de
l’autre. Et à ce moment où cette lutte a pris le
caractère d’une crise aiguë, nous ne pourrions, sans
trahison, abdiquer, et renoncer à la défense de nos
principes. — Expliquons-nous d’abord, résolvons les grandes
questions qui nous divisent, écartons les intrigants, les
traîtres et les voleurs, — nous nous embrasserons après.