« Les Nouvelles yougoslaves
» sont publiées par l’Agence yougoslave d’information
et reflètent la pensée du gouvernement du maréchal
Tito ou tout au moins celle de l’ambassade yougoslave à
Paris. Le numéro du 5 novembre contient un article qui s’étale
sur toute la première page et où est célébrée
« la victoire de 1918 », ainsi que la « fraternité
d’armes » entre la France et la Serbie au cours de la
Première Guerre mondiale.
On aurait mauvaise grâce de
critiquer un article où sont célébrés les
faits d’armes des « glorieux poilus d’Orient » et où
est exprimée, en termes émouvants, la « gratitude
pour la France », allié « le plus étroitement
associé à nos luttes ». Malgré tout, on
s’étonne, car cet article révise le plus
tranquillement du monde toutes les conceptions idéologiques
défendues jusqu’à présent par Tito et les
siens. Car, enfin, la Première Guerre mondiale considérée,
à Belgrade, comme une lutte entre « brigands
impérialistes », et les « volontaires yougoslaves
venus d’Autriche et d’Amérique », dont l’article
chante la gloire, ne sont-ils plus les « pauvres victimes de
l’impérialisme » ou bien les « mercenaires des
traîtres social-patriotes » ?
Lénine, qu’on aime citer
dans les publications des communistes yougoslaves, considérait,
lui, comme les seuls héros véritables, non pas «
les volontaires yougoslaves » accourus pour se battre «
au service de l’impérialisme », comme il disait, mais
au contraire les socialistes serbes qui, eux, en compagnie de
quelques rares socialistes européens, se dressaient contre «
l’Union sacrée ». Chacun a évidemment le droit
de réviser ses conceptions de l’histoire. Mais on aimerait
savoir pour quelle raison les disciples de Tito désavouent,
actuellement, leur maître Lénine et pourquoi,
brusquement, le « social-patriotisme » est maintenant
célébré par les Yougoslaves alors que, tout
récemment encore, on glorifiait, à Belgrade, le «
défaitisme révolutionnaire », et ceux qui
accouraient pendant la Première Guerre mondiale, non pas à
Belgrade mais à Zimmerwald, pour s’opposer à la
guerre…
Gustave Stern