Le Cedetim est un collectif dont le nom complet est « Centre d’études anti-impérialistes » et qui publie depuis au moins 1971 sur l’impérialisme français. Convaincus que les luttes à propos du Vietnam, du Chili, la Palestine, etc. sont des luttes liées à l’actualité, qui n’impliquent pas vraiment la classe ouvrière ; convaincus également que la dénonciation de l’impérialisme nord-américain fait oublier les « responsabilités spécifiques de l’impérialisme français » (p. 11), ces militants veulent donc dévoiler l’importance de cet impérialisme.
Le Cedetim n’a pas une interprétation toute faite : l’impérialisme français comme dépendant des intérêts de groupes bancaires, eux-mêmes dépendants de multinationales. En fait, il reconnaît qu’il est encore difficile de cataloguer précisément l’impérialisme français. C’est donc une approche descriptive qui nous est donnée.
L’historique du colonialisme français montre un retard dans l’expansion, par rapport aux autres empires, et le rôle prédominant de l’État et des militaires dans l’exploitation des territoires. Après la guerre 1939 – 45, la droite, alors représentée par François Mitterand, décide de ne plus réprimer la bourgeoisie indigène colonialiste, mais de lui donner certains droits, pour la séparer de l’influence communiste, qui jusqu’alors modérée, devenait plus virulente avec la guerre froide.
Mais cet effort réalisé d’une part par la décolonisation purement juridique de De Gaulle, reste très limité par la sévère répression policière dans les colonies restantes : Antilles, Réunion, Nouvelle Calédonie. De plus, il est évident que Giscard joue la carte de l’intervention militaire en Afrique à la place des USA (et avec son contrôle, ce qui est, me semble-t-il, le rôle du Brésil en Amérique Latine).
Ce rôle de la France, comme chien de garde du colonialisme, obéissant à la volonté des USA, correspond à la dépendance technologique française vis à vis de ce pays. Cependant le collectif montre l’importance de certaines multinationales françaises (Saint Gobain, Pont-a-Mousson, etc.) et leur désir de contrôler des marchés et des gisements en Afrique, ce qui tendrait à contredire l’interprétation de dépendance technologique (p. 32 – 35). Les auteurs semblent résoudre la difficulté par le concept de « redéploiement » ; les multinationales françaises tireraient des profits substantiels des USA, dont une dépendance mutuelle.
L’étude finit par une mise en évidence des différents secteurs de prospection des firmes et de l’État, secteurs en concurrence, ce qui semble renvoyer à la thèse première des luttes indirectes de banques. Mais l’intérêt principal est dans les annexes très détaillées sur l’administration des colonies françaises, considérées comme faisant partie de la France ; sur les luttes aux Antilles, les ventes d’armes, etc.
Quelques extraits importants : d’un point de vue économique l’imposition aux ex-colonies de la fabrication ou la culture de tel ou tel produit, la surfacturation de la technologie offerte, l’emploi d’une main d’œuvre immigrée dont la formation est assurée par la colonie, correspondent à une somme équivalente « à 8% de la rémunération de la force de travail productif et à 20% de l’accumulation annuelle de capital productif » (p. 64) ; d’un point de vue assistance technologique ou culturelle le système de la coopération (cadres enrôlés pendant leur service militaire dans des ex colonies) qui impose un type de développement aux colonisés et en même temps permet de sous payer les techniciens (puisqu’ils sont militaires), encore que le salaire soit le double ou le triple de celui du technicien indigène faisant le même travail ; enfin, le développement de gouvernements militaires fantoches en Afrique (ex) française et le formidable développement de ventes d’armes françaises assurent un rôle croissant aux militaires français. Du reste ces armes françaises sont également fabriquées sous licence en Israël, Afrique du sud, Espagne, Argentine, ce qui permet de vendre indirectement dans toutes les parties du monde, comme le font les pays communistes : vente de chars russes T54 et T 55 de la Bulgarie au Chili en janvier 1975.
M.Z.