La Presse Anarchiste

Pour la paix

Qui
ne se sou­vient des scènes qui désho­no­rèrent, au
jour de la vic­toire, les rues de la métro­pole anglaise. La
fièvre natio­na­liste, la folie jin­goïste sem­blait avoir
fait perdre tout sen­ti­ment de digni­té, de pos­ses­sion de
soi-même à ce peuple que nous connûmes pourtant
comme le rem­part du libé­ra­lisme et le refuge des expulsés
de tous pays.

Le
réunions orga­ni­sées par les Trades Unions nous
ont conso­lé, en par­tie, des incen­dies qui déso­lent le
veldt Sud-afri­cain, des morts, femmes et enfants, que le
typhus enlève dans les camps-famine de Kit­che­ner, indigne
imi­ta­teur du recon­cen­tra­dor Weyler.

Il
s’est dit là de sages paroles, paroles qui devraient don­ner à
réflé­chir aux puis­sants de ce monde, aux ado­ra­teurs de
Mammon.

Gre­go­ry,
anglais, avait rai­son quand il a pro­cla­mé que les travailleurs
anglais n’a­vaient aucun motif de que­relle avec les Boërs.

Mais
Pou­get, délé­gué fran­çais, a eu également
rai­son en disant que les taches san­glantes n’é­taient pas
toutes à l’ac­tif de l’An­gle­terre, si celle-ci a le Transvaal,
la France a à se repro­cher le Ton­kin, Mada­gas­car et le Soudan.

Crooks
à mit le doigt sur la plaie quand il a montré
l’i­gno­rance et l’in­dif­fé­rence de la masse pour les choses qui
devraient l’in­té­res­ser le plus.

« Que
d’ou­vriers pré­tendent ne pas être assez calés
pour s’oc­cu­per des ques­tions poli­tiques et sociales. Et pour­tant, ces
mêmes ouvriers, si indif­fé­rents, se pas­sionnent pour les
choses de sport, connaissent sur le bout du doigt la généalogie
des che­vaux, jus­qu’à la 20e génération,
savent toutes leurs per­for­mances et peuvent indi­quer toutes les
vic­toires de telles et telles écu­ries. N’est-il pas évident
que celui qui se livre à ce tra­vail considérable
pour­rait beau­coup mieux occu­per ses fonc­tions intel­lec­tuelles et il
ne lui fau­drait pas une plus grande ten­sion d’es­prit pour se tenir au
cou­rant des ques­tions poli­tiques et économiques ? »

Paroles
qui trouvent leur appli­ca­tion, certes, de ce côté-ci du
détroit.

Admi­rable
aus­si, la conclu­sion de l’a­dresse des tra­vailleurs de France aux
Tra­vailleurs de Grande Bretagne.

Un
moment, il fut ques­tion de désar­me­ment général.
C’é­tait un leurre. Le désar­me­ment impli­que­rait une
meilleure répar­ti­tion des pro­duits du tra­vail, un
accrois­se­ment de bien-être pour le peuple à qui
devraient for­ce­ment faire retour, sous peine de crise intense, les
sommes énormes jusque-là gas­pillées à
créer des arme­ments et à entre­te­nir des armées
colos­sales sur pied de guerre.

Ce
serait le com­men­ce­ment d’une ère de paix et de prospérité
qui nous condui­rait rapi­de­ment à une société
lar­ge­ment humaine d’où dis­pa­raî­trait aus­si la guerre
éco­no­mique, la concur­rence féroce, l’an­ta­go­nisme des
inté­rêts qui, sur le ter­rain indus­triel et commercial,
sont aus­si pré­ju­di­ciables aux peuples que, sur le terrain
poli­tique, les guerres entre nations.

Ce
serait un ache­mi­ne­ment vers la fin du vieux monde bar­bare. Les
peuples éman­ci­pés pour­raient enfin s’épanouir
sans entraves et accroître indé­fi­ni­ment leur bien-être
et leur liberté.

Or,
c’est jus­te­ment parce que le Désar­me­ment ne peut pas être
res­treint au simple déman­tè­le­ment des casernes et à
l’en­cloue­ment des canons, qu’il n’y a pas à l’at­tendre de la
bien­veillance des grands de la terre.

Le
désar­me­ment géné­ral ne sera pos­sible que lorsque
nous signi­fie­rons aux diri­geants notre volon­té for­melle de ne
plus nous faire les com­plices de leurs pas­sions homi­cides, lorsque,
au nom de la fra­ter­ni­té humaine nous refu­se­rons de nous
entretuer.

Alors
la paix devien­dra une réa­li­té effec­tive, définitive !

C’est
vers cet ave­nir d’har­mo­nie que nous devons orien­ter nos efforts. Et
c’est à le réa­li­ser, qu’au nom des tra­vailleurs de
France, nous vous convions, cama­rades de Grande Bre­tagne, à
tra­vailler avec nous.

Guerre
à la Guerre !

Vive
la Paix !

Vive
l’ac­cord inter­na­tio­nal des Peuples !

Les
vieilles super­sti­tions menacent ruine. Les pré­juges tombent.
Les fron­tières dis­pa­raissent. La pro­phé­tie du Christ va
s’ac­com­plir : Bien­heu­reux les paci­fiques, car ils posséderont
la terre
.

E.
Armand

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