La Presse Anarchiste

Responsabilité sociale

Et Dieu dit : Qu’as-tu fait ? La voix du sang de ton
frère crie de la terre jus­qu’à moi.

Genèse,
410.

Aux
Caïns modernes, « l’Ère Nouvelle »
doit rap­pe­ler ce sévère mais juste reproche : La
voix du sang de vos frères crie de la terre jusqu’à
Dieu !

La
voix du sang répan­du dans le Sud de l’A­frique, en Orient et
ailleurs crie ven­geance ! La voix du sang des pauvres mineurs
ense­ve­lis sous les ébou­le­ments, tor­tu­rés par le feu ou
par l’eau monte des entrailles de la terre pour accu­ser ceux qui
jouissent en égoïstes des bien­faits de la civilisation !
La voix du sang des petits êtres mis au monde par des parents
alcoo­liques ou débau­chés s’é­lève en
témoi­gnage contre ceux qui leur ont légué, avec
une san­té ché­tive, de nom­breuses tares héréditaires !

Les
cap­tifs qui gémissent dans de sombres cachots et tous les
êtres dégra­dés, épaves de la rue, hôtes
invo­lon­taires des mai­sons publiques, pro­testent contre ceux qui les
ont cor­rom­pus, qui leur ont ino­cu­lé par leur exemple vicieux,
par leurs actions infâmes, par leur pro­pos gros­siers, par leur
écrits scep­tiques et licen­cieux, par leurs négligences
cou­pables, qui leur ont ino­cu­lé, dis-je, le venin mor­bide de
la paresse et du vice.

Il
est des mil­liers d’hommes qui meurent de faim et la voix de leur sang
crie de la terre à Dieu contre les Caïns qui les ont
exploi­tés, qui ont vécu de leur tra­vail et qui semblent
se ras­sa­sier de la contem­pla­tion de leurs souffrances !

Il
est des mil­liers d’hommes à qui une vie d’un labeur excessif
et de pri­va­tions inouïes suce, jour après jour, les
forces vives, le sang vaillant, et la voix de ce sang crie du sein
des usines, du fond des quar­tiers popu­leux, du milieu des campagnes
épui­sées, contre les vam­pires qui vivent de leur moelle
et se nour­rissent de leur chair !

Il
est des mil­liers d’hommes, de femmes et d’en­fants, qui souffrent et
font souf­frir les autres, parce qu’ils ont été
empoi­son­nés par des pro­duits fal­si­fiés, par des
bois­sons dan­ge­reuses et aujourd’­hui, en maint pays, leur voix s’élève
en témoi­gnage contre ceux qui se sont enri­chis aux dépens
de leur bon­heur et de la paix de leur foyer !

Il
est des mil­liers, que dis-je ! il est des mil­lions d’êtres
humains qui suc­combent sous le poids d’une exis­tence insup­por­table et
la voix de leur sang crie de la terre à Dieu, elle crie contre
le socié­té humaine tout entière, elle crie
contre les sacri­fi­ca­teurs et les lévites qui passent à
côté des bles­sés du che­min sans les secourir,
elle crie contre les chré­tiens incon­sé­quents, contre
tous ceux qui répu­dient par leur conduite toute solidarité
avec leur frères malheureux.

Pour
hâter « l’Ère Nou­velle » l’Ère
de jus­tice, d’a­mour et de paix il est néces­saire que le
chré­tien­té prenne conscience de ses devoirs, il est
néces­saire que tous les hommes aient un sen­ti­ment clair et net
de leur « res­pon­sa­bi­li­té sociale » et
qu’ils agissent en consé­quence. Aus­si long­temps qu’ils ne le
feront pas, la voix du sang de leurs frères Abels crie­ra de la
terre jus­qu’à Dieu !

Ad.
Blanc, Peseux (Suisse).

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