La Presse Anarchiste

Savoir dire : j’ai tort

Dans la vie sociale où
évo­lue notre propre exis­tence, il y a, en effet, des
accep­ta­tions dégra­dantes, des renie­ments suc­ces­sifs et lâches,
de causes diverses. (M. Imbart, « L’Unique »
n°4, octobre 1945.
)

Savoir dire Non !
est une chose ; le pou­voir expri­mer en n’im­porte quelles
cir­cons­tances, en est une autre. 

La société
dis­pose de tels moyens de contraindre l’in­di­vi­du le plus fort, le
plus en-dehors de sa pour­ri­ture col­lec­tive, à entrer
et à ren­trer, s’il a eu un ins­tant les moyens ou l’au­dace de
s’en échap­per
dans son trou­peau d’é­mas­cu­lés, qu’il faut, à ces
nobles réfrac­taires, à ces valeu­reux rebelles, des
pos­si­bi­li­tés de plus en plus dif­fi­ciles à réunir.

S’il ne s’a­git que de
faire le vide devant les urnes à l’oc­ca­sion de défilés
de foules fana­ti­sées à la pour­suite d’une idéologie
qui recèle, en sa charte, la néga­tion de tout esprit
cri­tique ; pour la récep­tion et l’ac­cla­ma­tion d’un
conduc­teur, tyran et pro­fi­teur du trou­peau humain, les hommes de
notre espèce ne manquent pas d’a­gir par abstention. 

Mais au cours de sa vie
de for­çat, l’homme d’es­prit libre est, il faut le reconnaître,
asser­vi par les néces­si­tés impé­rieuses de sa
conser­va­tion et sou­mis aux obli­ga­tions impo­sées par les
exploi­teurs et les domi­na­teurs, et fata­le­ment conduit à des
contra­dic­tions outra­geantes pour sa droi­ture et sa morale élevée.
Il faut donc rem­plir cer­taines condi­tions d’indépendance
maté­rielle pour se réa­li­ser plei­ne­ment, aus­si bien dans
ce domaine de le résis­tance à l’opportunisme
socié­ta­riste, que dans beau­coup d’autres. 

Sur un autre ter­rain, il
est une action constante qui n’en­traîne pas les mêmes
consé­quences et dans l’exer­cice de laquelle se manifeste
l’homme simple et loyal, qui consiste à savoir ne pas
tou­jours avoir raison.

Il faut avoir beaucoup
réflé­chi ; pro­cé­der sans cesse à un
exa­men de conscience, à une ana­lyse en pro­fon­deur et en
éten­due, pour se dire et le pro­cla­mer : j’ai tort. 

Il est nécessaire
d’a­voir mode­lé, assou­pli sa rai­son, pour recon­naître une
erreur et s’at­ta­cher à ne point la renou­ve­ler dans son essence
ou dans ses moda­li­tés. Il faut savoir dire : Non à
l’or­gueil, pour­ris­seur au même titre que l’or, des plus nobles
sen­ti­ments et qui en empêche le déve­lop­pe­ment harmonieux
indis­pen­sable à l’é­qui­libre du couple, du clan, du
groupe, de la société. 

Cette affir­ma­tion de
l’être vrai­ment sain est cepen­dant trop peu cou­rante, et cette
carence de la loyau­té envers soi-même et envers autrui
crée bien des malaises évi­tables, des inimitiés
durables, enfin une véri­table crise de confiance entre amis,
dans la vie commune. 

Com­bien de petits drames
domes­tiques, d’ir­ri­ta­bi­li­tés réci­proques, sont la
consé­quence de l’en­tê­te­ment, qui est alors de la
mau­vaise foi, dans une erreur cepen­dant intérieurement
reconnue ? 

Passe encore chez « les
autres », mais « chez nous » cette
fai­blesse est inad­mis­sible et into­lé­rable. Il faut en finir,
cha­cun pour notre compte, avec ces peti­tesses : ne plus les
abri­ter sous le man­teau de l’Idéal. 

Pour vivre intensément,
nous avons beau­coup à détruire ; arra­chons en
nous, inlas­sa­ble­ment ce qui est mauvais. 

Sur le plan moral.
des­truc­tion vaut édification

Clo­vys

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