La Presse Anarchiste

Du haut de mon mirador

Hit­ler est mort et la
machine de guerre hit­lé­rienne a été mise en
pièce… N’empêche qu’un malaise pèse sur le
pauvre monde. Jamais on n’a aus­si peu tenu compte de l’être
humain en tant qu’u­ni­té sociale dis­tincte, il devient de plus
en plus un objet qu’on imma­tri­cule, qu’on numé­rote, qu’on
encarte, auquel on impose toutes sortes de sujé­tions, de
ser­vi­tudes, qu’on traque dans un laby­rinthe de res­tric­tions, de
limi­ta­tions, de contri­tions, dont on fait en sorte qu’il n’en puisse
trou­ver l’is­sue. Pre­nez nos Consti­tuants, qui brûlent de
chaus­ser les bottes des « grands ancêtres »
mais oublient que les­dits ancêtres étaient des hommes
épris de liber­té et vrai­ment grands par l’es­prit, le
cœur et l’am­pleur de leurs concep­tions. Les voi­ci, nos constituants
qui, ins­taurent le vote obli­ga­toire, inter­disent de choi­sir un
repré­sen­tant en dehors des listes des can­di­dats présentés
par les par­tis poli­tiques, que sais-je encore ? Le
par­le­men­ta­risme, déjà si anti­pa­thique le devient de
plus en plus, Où qu’on se tourne, c’est la dic­ta­ture qui vous
guette : dic­ta­ture per­son­nelle, dic­ta­ture d’assemblée,
dic­ta­ture de par­ti, dic­ta­ture de la pape­ras­se­rie bureau­cra­tique. Nous
savons bien que, consi­dé­rée en général,
la men­ta­li­té des humains ne les dis­pose guère à
pen­ser et à se conduire pour et par eux-mêmes.
« L’U­nique », bien sûr, n’est qu’une
excep­tion, ce qui ne l’empêche pas de souf­frir et de se sentir
atteint jus­qu’à l’âme par les mani­fes­ta­tion de dirigisme
ambiant. Un des jour­naux les mieux infor­més du globe, « The
Chris­tian Science Moni­tor », de Chi­ca­go, fai­sait remarquer
l’autre jour que l’in­fluence de l’hit­lé­risme est encore bien
vivante, non seule­ment en Alle­magne, mais encore dans le monde
entier, On ne sau­rait mieux dire. 

On ne mène pas
les hommes à la liber­té par la ser­vi­tude et le
confor­misme. C’est l’es­prit esclave qu’il faut détruire en eux
si on veut éta­blir une démo­cra­tie authen­tique, une
démo­cra­tie à la Jef­fer­son, par exemple. Mais les
démo­crates actuels savent-ils ce qu’il faut entendre par
démo­cra­tie ? Ils ne le savent pas plus que lorsque qu’ils
se mettent à par­ler d’in­di­vi­dua­lisme anarchiste !

— O —

Des mil­liers et des
mil­liers d’A­mé­ri­cains se sont fait tuer parce qu’on leur avait
res­sas­sé, sur tous les tons de voix et par toutes les antennes
pos­sibles, qu’ils se bat­taient pour que les hommes aient le droit de
vivre libres, quelle que fût leur manière de penser,
leur reli­gion, leur race ou leur cou­leur. Or, le journal
négro-amé­ri­cain « The Chi­ca­go Defender »
raconte, l’his­toire d’un sol­dat amé­ri­cain de cou­leur qui
deman­da l’au­to­ri­sa­tion à ses chefs de convo­ler en justes noces
avec une jeune anglaise qui se trou­vait enceinte de ses œuvres. Le
capi­taine com­man­dant son uni­té accor­da l’au­to­ri­sa­tion désirée,
mais sa déci­sion fut annu­lée par son supérieur
hié­rar­chique, un lieu­te­nant-colo­nel, sous pré­texte que
« pareille action était contraire à la façon
de voir publique et qu’elle avait été considérée
défa­vo­ra­ble­ment par les auto­ri­tés supérieures ».
Notre mili­taire ne se tint pas pour bat­tu ; il s’a­dres­sa au
géné­ral com­man­dant le théâtre des
opé­ra­tions mili­taires en Europe. Il fit valoir que dans le New
Jer­sey, état où il rési­dait, les mariages mixtes
étaient auto­ri­sés ; que sa fian­cée et lui
s’ai­maient et savaient ce qu’ils fai­saient ; qu’ils avaient
contrac­té des obli­ga­tions mutuelles, et ain­si de suite. On lui
fit répondre par un cer­tain Colo­nel Girens « que la
façon de voir du Quar­tier Géné­ral à
l’é­gard des mariages mixtes ne s’é­tait pas modifiée ».

Il va de soi que nous
n’at­ta­chons au mariage légal aucune impor­tance en tant que
tel, mais cette petite his­toire montre l’hy­po­cri­sie des déclamations
ampou­lées condam­nant les per­sé­cu­tions raciales
ins­tau­rées par la bar­ba­rie nazie, décla­ma­tions dont on
est si pro­digue de l’autre côté de l’At­lan­tique, Oh les
farceurs ! 

— O —

« Globe »
du 28 novembre denier consa­crait une par­tie de son numé­ro à
l’é­cole de Sum­me­rhill en Angle­terre, où un hardi
nova­teur, Alexan­der S. Neill pour­suit depuis vingt-quatre ans une
expé­rience d’en­sei­gne­ment qui rap­pelle l’école
tol­stoïenne de Yas­naïa-Pov­lia­na et s’ap­pa­rente aux diverses
concep­tions d’ « écoles modernes », nous
y revien­drons d’ailleurs. 

À l’é­cole de
Sum­me­rhill, les élèves font ce qui leur plaît.
Point de tra­di­tions, point de res­tric­tions, point de discipline
impo­sée. Ils ne vont en classe que si bon leur semble et aux
heures qu’ils pré­fèrent. Ils fument ou ne fument pas
selon leur goût, ils se couchent quand l’en­vie leur en prend.
Ils éta­blissent leurs propres règle­ments, s’a­dressent à
leurs pro­fes­seurs en les dési­gnant par leur petit nom et les
congé­dient s’ils ne sont pas contents d’eux. 

Dans la pra­tique, les
élèves se réunissent tous les same­dis pour
pré­pa­rer le pro­gramme des études de la semaine
sui­vante. Ils éta­blissent eux-mêmes l’ho­raire et
choi­sissent le sujet des leçons. etc. Les décisions
sont prises aux voix et celle du plus jeune des écoliers
compte pour autant que celle du directeur. 

Gar­çons et filles
vivent côte à côte, sans la moindre gêne, et
sans y appor­ter la moindre équi­voque. Selon la mode nordique.
Si l’on n’i­ni­tie pas les élèves aux questions
sexuelles, l’on répond à toutes les demandes de
ren­sei­gne­ments qu’ils peuvent for­mu­ler à cet égard. 

Mal­gré tout ce
qu’on pour­rait ima­gi­ner, les dis­ciples d’A. Neill, en bons
bri­tan­niques qu’ils sont, n’a­busent pas de leur liberté.
Mal­gré le désordre appa­rent qui semble présider
à leur ins­truc­tion, leur déve­lop­pe­ment intel­lec­tuel est
plus que satis­fai­sant. Aux der­niers exa­mens plus des trois quarts des
can­di­dats pré­sen­tés à ce qu’on peut considérer
comme l’é­qui­valent anglais de notre bac­ca­lau­réat ont
été reçus, Plu­sieurs écoles, basées
sur des prin­cipes ana­logues. auraient été ouvertes
récemment. 

Ajou­tons que la plupart
des parents des élèves de l’é­cole de Summerhill
semblent appar­te­nir à des pro­fes­sions libérales :
écri­vains, peintres, acteurs. etc., ce qui explique bien des
choses, 

— O —

La fécondation
arti­fi­cielle par don­neurs ano­nymes se pra­tique actuel­le­ment en
Angle­terre sur une cer­taine échelle. Ce sont les cliniques
qui, jusque là, avaient don­né aux femmes des conseils
pour limi­ter leur pro­gé­ni­ture, qui se sont transformées
pour leur four­nir des ren­sei­gne­ments en vue d’aug­men­ter ou de
faci­li­ter la gros­sesse chez celles répu­tées stériles.
Toutes sortes rai­sons ont ame­né la « Birth Control
Asso­cia­tion » à chan­ger son fusil d’épaule
et à se trans­for­mer en une « Fami­ly Planing
Asso­cia­tion ». À la suite de la stérilité
mas­cu­line qu’au début de la guerre, cau­sèrent les
ravages de la blen­nor­ra­gie, la ques­tion se posa de per­mettre à
des couples dont l’homme était sté­rile, quoique
nor­ma­le­ment patent, de se consti­tuer une famille. On trou­va le remède
dans la pra­tique de l’in­sé­mi­na­tion artificielle. 

« Lumière
et Liber­té » nous apprend que l’insémination
arti­fi­cielle ano­nyme a occa­sion­né jus­qu’i­ci 3.000 naissances,
avec un pour­cen­tage de 150 nou­veaux-nés mâles sur 100 du
sexe fémi­nin, pro­por­tion qui acquiert une grande impor­tance en
Grande-Bre­tagne où l’élé­ment fémi­nin a
tou­jours été en surnombre. 

Comme il fal­lait s’y
attendre, les milieux puri­tains et retar­da­taires qui s’opposèrent
autre­fois à la pra­tique de la limi­ta­tion des nais­sances sont
par­tis en guerre contre celle de l’in­sé­mi­na­tion artificielle,
et le nou­veau par­le­ment bri­tan­nique est sai­si d’un pro­jet de loi
punis­sant ceux qui mettent en œuvre la méthode artificielle
de fécondation. 

Ajou­tons qu’on fait
grand bruit, de l’autre côté de la Manche, autour d’un
pro­cès en divorce inten­té par un sol­dat auquel sa femme
pré­sen­ta, à son retour, un bébé
arti­fi­ciel­le­ment conçu ! !

— O —

Mal­gré leur
for­mat réduit, nos quo­ti­diens racontent, de temps à
autre, que tel asia­tique est mort à 127 ans, qui labou­rait ses
champs encore une semaine avant sa fin ; il s’é­tait marié
dix fois. était le père de nom­breux enfants, dont
l’aî­né compte 85 prin­temps et le plus jeune 4 ans. Un
autre jour, il s’a­git d’un orien­tal ou extra-orien­tal de 150 à
160 ans qui cherche femme et a char­gé son fils, vieillard
véné­rable, de lui décou­vrir une jeune compagne ;
il est éga­le­ment père d’une nom­breuse des­cen­dance, se
porte à mer­veille, etc. Sans nier la longévité
de cer­tains habi­tants des régions orien­tales de l’ancien
conti­nent, les extraits de nais­sance authen­tiques font défaut,
il faut bien l’avouer. 

Il y a eu en France, en
1902, une enquête très sérieuse sur le nombre des
cen­te­naires qui se trou­vaient dans ce pays. Sur 191 réputés
authen­tiques. des ren­sei­gne­ments pré­cis et contrôlables
ne parent être réunis que sur 80, Sur ces 80 centenaires
indis­cu­tables, 31 étaient du sexe mas­cu­lin, 49 du sexe
féminin. 

42 comp­taient 100 ans
exac­te­ment, 15 avaient atteint 101 ans, sept 102 ans, six 103 ans,
trois 104 ans, trois 105 ans, 1 seul nom­brait 112 ans et 1 seul 116
ans. L’un d’entre eux, un corse nom­mé Secon­di, pouvait
ras­sem­bler autour de lui une famille de 98 enfants et petits-enfants,
80 cen­te­naires trente-huit mil­lions d’ha­bi­tants, on reconnaîtra
que c’est peu. 

Cepen­dant. s’il est
acquis que la plu­part des ani­maux vivent sept fois autant de temps
qu’il a fal­lu pour acqué­rir leur com­plet accrois­se­ment, on
pour­rait en conclure que l’homme, gran­dis­sant jus­qu’à 22 ans,
devrait vivre jus­qu’à 152 ans. 

On a remar­qué que
les cen­te­naires sont des gens jouis­sant d’une par­faite santé
jus­qu’à leurs der­niers jours ; dès la soixantaine,
ils s’a­li­mentent fru­ga­le­ment ; enfin ce sont tou­jours des gens
mariés ou vivant en ménage. On tire­ra de ces
obser­va­tion les conclu­sions qui s’imposent. 

Qui Cé

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