Dans une controverse que
Benjamin R. Tucker inséra dans Liberty, il revint sur quelques
questions de principe de première importance. Traduisons la
partie essentielle de cette controverse.
« Je n’admets
rien, commence par déclarer Tucker, sauf l’existence de
l’individu, comme condition de sa souveraineté… S’il est
vrai que l’affirmation de la souveraineté individuelle précède
logiquement la protestation contre l’autorité en tant que
telle, dans la pratique elles sont inséparables. Protester
contre l’empiètement sur la souveraineté individuelle,
c’est nécessairement affirmer la souveraineté de
l’individu.
L’anarchiste porte
toujours sur lui sa boite de munitions ; il ne peut pas
combattre sans elle. Sinon, il devient Archiste… Comme je l’ai fait
remarquer un jour au camarade Llyod, l’Anarchie ne présente
pas d’aspect qui soit affirmatif, au sens constructif. Ni comme
Anarchistes, ni — ce qui est pratiquement la même chose —
comme individus souverains, nous n’avons à accomplir aucune
œuvre constructive, quoique, en tant qu’êtres progressifs,
notre besogne soit immense. Cependant, si nous jouissions de la
liberté absolue, nous pourrions, si nous le choisissons,
demeurer parfaitement inactifs : nous n’en serions pas moins des
individus souverains… »
Plus loin : « Il
est très facile de discerner qui est Anarchiste ou qui ne
l’est pas. Il s’agit d’une question pour le déterminer sur le
champ. Croyez-vous à une forme quelconque d’imposition sur la
volonté humaine par la force ? Si oui, vous n’êtes
par Anarchiste ; si non, vous l’êtes. Peut-on demander
quelque chose de plus évident, de plus scientifique ? »
« Anarchie ne
veut pas simplement dire opposition à l’archos, au chef
politique. Il signifie opposition à arché. Or,
arché, en premier lieu, veut dire commencement,
origine. Ce mot a ensuite pris le sens de premier principe,
élément, puis de première place,
pouvoir suprême, souveraineté, domination,
commandement, autorité ; finalement il a
voulu dire : un état souverain, un empire,
un royaume, une magistrature ; un office
gouvernemental. Étymologiquement, le mot anarchie peut
revêtir plusieurs significations, parmi lesquelles, comme
l’écrit mon contradicteur, celle de sans principe
directeur, et je n’ai jamais objecté à cet emploi
de ce mot, m’efforçant toujours, au contraire, d’interpréter
selon leur définition, la pensée de ceux qui se servent
du terme anarchie dans ce sens. Cependant, le mot Anarchie, comme
vocable philosophique, et le mot Anarchiste, comme appellation d’une
secte philosophique, ont d’abord été appropriés
connue signifiant opposition à la domination, à
l’autorité, et le demeurent, du droit du premier occupant, et
qui rend impropres et confus toutes autres acceptions de ces
termes ». D’où il ressort que, dépassant la
sphère politique, le mot Anarchie, ne veut pas dire
nécessairement sans principe directeur, alors que pris dans
son sens doctrinal, il signifie toujours opposition à :,
négation de :, absence de : domination,
autorité. Par suite, comme l’écrit Tucker en
concluant sa controverse, le terme Anarchie contient complètement
et scientifiquement la protestation, la revendication individualiste.
Lucy Sterne.
— O —
Voici le programme que
dans L’UNICO, périodique paraissant à Panama en 1912,
présentait une certaine Fédération
individualiste anarchiste :
« 1.
Abolition de tout tribut, loyer, rente, dîme ou impôt. —
2. Suppression de toute institution : policière,
militaire, grégaire ou patronale. — 3, Abolition de toute
démarcation, borne, limite ou frontière. — 4.
Abolition de tous titres, — 5. Une seule langue universelle, — 6,
Éducation générale pour tous, — 7, Existence
assurée à tous les enfants. âgés ou
impotents. — 8. Celui qui veut manger, qu’il travaille. »
« Tel est
notre programme, facile à comprendre et de réalisation
possible.
« Dépouillons-nous
des vices, des haines, des misères qui sont notre apanage et
nous serons en état de vivre la vie de chacun pour soi. »