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La science observe les faits qui ont lieu dans la nature, puis elle remonte la chaîne de leurs causes et, constatant la constance de celles-ci, elle formule les lois naturelles. Ainsi la science est le miroir de la nature.
Étant donné ce processus et ce rôle de la science, on peut concevoir que, par l’observation des faits qui entretiennent la paix et de ceux qui conduisent à la guerre, elle formule les lois qui président à ces deux états de l’humanité, et qu’ainsi l’on aboutisse à établir une science de la paix, aux enseignements de laquelle il suffirait à l’homme de se conformer s’il voulait vraiment en finir avec la guerre.
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Bien-être, paix et liberté sont le résultat d’un rapport optimum entre la population et les subsistances.
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La nation normale, ou, mieux, rationnelle, est celle qui a atteint l’optimum démographique. Elle n’a pas besoin de colonies. Elle n’a pas besoin d’émigration. Elle n’a pas besoin de commerce extérieur pour vivre. Elle ne connaît ni le chômage, ni la disette, ni l’émeute. L’homme y vit en liberté. L’impérialisme d’une nation rationnelle est une idée absurde, inconcevable. Et si le monde était composé de telles nations, la guerre serait un souvenir du passé.
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En définitive, la haine de l’étranger est le résultat d’un sentiment très ancien éprouvé jadis par l’individu d’une collectivité nationale en concurrence dans la lutte pour l’existence et passé dans le subconscient. Sans la surpopulation qui a toujours sévi sur la terre, ce sentiment ancien ne serait pas né ; sans la surpopulation qui s’y est maintenue par l’appétit sexuel non gouverné, il se serait peu à peu atténué et aurait fini par disparaître.
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Il faut s’élever contre cette assertion que la guerre serait le correctif naturel de la surpopulation. Elle en est simplement la conséquence, et c’est probablement la connaissance de ce fait chez certaines personnes qui, dans leur finalisme inconscient, les a amenées à cette conclusion erronée que, puisque la guerre est la conséquence de la surpopulation, elle doit en être, du même coup, le correctif. Pour qu’il en fût ainsi, il faudrait que la guerre détruisit beaucoup plus d’êtres humains qu’elle ne le fait, et cela plus rapidement, qu’elle en blessât beaucoup moins et qu’elle n’anéantit pas tant de ces richesses qui permettent aux humains de vivre.
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Se dresser en moraliste contre la guerre en tolérant la surpopulation est aussi stupide — ou hypocrite — que de flétrir le « marché noir » quand on n’assure pas l’abondance des produits. La guerre est un aspect de la lutte pour l’existence comme le marché noir est un aspect de la loi de l’offre et de la demande, — deux principes naturels, biologiques, issus d’une même souche.
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L’impérialisme et la surpopulation sont intimement liés, soit que l’impérialisme organise la surpopulation pour la réalisation de ses fins, soit que la surpopulation engendre l’impérialisme, ce qui est le cas le plus fréquent. Mais, de quelque manière qu’on envisage les faits, c’est toujours à la surpopulation qu’il faut s’attaquer pour assurer la paix, pour écarter la guerre, puisque : ou l’impérialisme naît de la surpopulation considérée comme sa cause et par suite comme cause de la guerre que ne manque pas de produire l’impérialisme ; ou l’impérialisme la suscite comme moyen de se réaliser effectivement par la guerre.
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Le mot « impérialisme » ne serait-il pas encore un mot de combat du vocabulaire international ? Et ne représenterait-il pas, en somme, tout simplement la volonté des peuples de vivre, et de bien vivre, ce qui est après tout une légitime aspiration de l’être vivant ?
Mais la guerre est au bout. Et la guerre, ce n’est pas « bien vivre ».
Bien vivre est incompatible avec une prolifération excessive.
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La grande question, pour les gouvernants, quelque couleur qu’ils arborent, c’est de faire vivre leurs peuples pour pouvoir continuer eux-mêmes à vivre sur leurs peuples.
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En infrastructure des grands faits historiques se trouvent les faits nutritionnels et ceux de la vie sexuelle-génésique. Les faits émotionnels et intellectuels ne s’y trouvent qu’en superstructure, alors qu’aux yeux des esprits superficiels ils semblent, faute d’examen approfondi, avoir déterminé l’histoire ; ils ne sont qu’un ajouté ou une traduction.
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Il n’est pas sans signification que Siva, le troisième dieu de la trinité hindoue, soit à la fois le Destructeur et le Reproducteur.
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On consent à étudier la répercussion de la paix et de la guerre sur le chiffre de la population, mais non celle du chiffre de la population sur la paix et la guerre.
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Par leur refus de s’attaquer au déterminisme de la guerre dans la cause réelle de cette dernière, les hommes convertissent ce déterminisme en fatalisme.
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Le mal de l’homme, ce n’est pas qu’il fasse la guerre sans raisons, comme tant de gens l’imaginent, mais qu’il ne veuille pas écarter de sa vie les raisons qu’il a de la faire.
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Il est des nations si férues d’organisation qu’elles vont jusqu’à organiser la nécessité de faire la guerre, — en organisant la surpopulation.
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Une anecdote, relative aux méfaits du dogme.
Je tiens de feu Bidault, l’éditeur de la Brochure mensuelle, la révélation d’un fait caractéristique de la mentalité catholique.
On a connu Gustave Dupin, alias Ermenonville, qui était, en même temps qu’un catholique militant, ce que j’appelle un pacifiste ordinaire, ou traditionnel : celui qui veut la paix sans en rechercher ou en accepter les moyens. Bidault publia quelques-uns de ses écrits pacifistes dans la collection de la Brochure mensuelle et chaque fois Ermenonville en commandait un certain nombre d’exemplaires qu’il distribuait dans son milieu littéraire. D’autre part, lorsqu’il restait quelques pages disponibles à la fin de ses brochures, Bidault les faisait servir à la publicité des ouvrages qu’il vendait aux abonnés de son périodique. Or, un jour, il se trouva que dans l’une des brochures d’Ermenonville il avait consacré une page de publicité à mon Croître et multiplier, c’est la guerre ! Cet acte suscita la colère du catholique d’abord, « pacifiste » ensuite, Ermenonville, qui déclara qu’à l’avenir il interdisait à Bidault de faire une réclame, dans aucune de ses brochures personnelles, à des ouvrages qui préconisaient la limitation des naissances.
J’imagine le sentiment d’Ermenonville à l’égard de Devaldès, ce sale type qui s’opposait à l’œuvre de « Dieu ».
Paix à ta mémoire tout de même, Ermenonville, pauvre type.
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Ce n’est que par la limitation de la population que l’on peut atteindre à ce plan supérieur de vie qu’est la lutte pour l’existence non plus entre humains, mais contre la seule nature extra-humaine, — à l’entraide au lieu de la concurrence.
(Mais le théoricien de l’entraide, Kropotkine, a été incapable d’apercevoir cela, et en combattant la limitation de la population, il a agi directement à l’encontre de son propos.)
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Après avoir prodigué, gaspillé la vie, les humains sont condamnés à vivre dans l’obsession de la mort.
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Un jour, les peuples paient en guerre le prix de leurs débordements sexuels-génésiques.
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Tout ce qui vit sur le nombre vit sur le malheur.
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Ce prolétaire au sens moderne qui se sent solidaire de ce prolétaire au sens antique, quelle duperie ! C’est le second qui est le véritable auteur du sort du premier. C’est lui son maître et son ennemi. C’est lui la cause de son malheur, de sa misère.
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Expliquer après coup les causes des événements historiques n’est qu’un passe-temps philosophique si cette explication ne doit pas servir à prévoir et à prévenir : à faire, en un mot, que le futur soit différent du passé et plus heureux que lui.
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Il faut être animé de l’esprit partisan conjugué avec l’esprit scientifique.
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Croire que les « abondancistes » puissent réussir à nous apporter l’abondance dans un monde qui va sans cesse se surpeuplant, c’est admettre que le lapin qui sort du chapeau du prestidigitateur a été tiré du néant.
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Tous les pays ont un ministère de la guerre, mais cite-m’en donc un qui ait un ministère de la paix !
Manuel Devaldès