La Presse Anarchiste

Le temple

Ruis­se­lant, étin­ce­lant dans le soir pari­sien, il triomphe, il domine cette fée­rie du Paris joyeux, Montmartre !…

Le « temple » est là, auguste sain­te­té où la foule com­mu­nie, où elle comble sa notion d’idéal.

Qu’est-ce donc ce temple ?

Une entre­prise d’ex­ci­ta­tion géné­sique à un car­re­four des égouts de sur­face que sont les rues de la Baby­lone moderne : Paris !

Le com­merce va, la putain pullule.

[…]

Or, ce soir là, je pas­sais auprès du plus connu de ces temples, spé­cia­li­sé dans les exhi­bi­tions de cuisses et de culs pour bour­geois bien-pen­sants et richards dés­œu­vrés, et je vis une affluence inso­lite : des enfants en masse obs­truaient l’en­trée. Je m’ap­pro­chai et vis alors tout un esca­lier monu­men­tal enva­hi d’en­fants, ― enfants du peuple ― des gosses, francs, gouailleurs, ― du Mont­martre encore pari­sien ― joyeux, bras­saient des jouets : trot­ti­nettes, boîtes de pein­ture, que sais-je ?… et des armes-jouets natu­rel­le­ment, en atten­dant les armes sérieuses à vingt ans.

Tout cela déva­lait le grand esca­lier, et les mères de ces enfants, pro­pre­ment pauvres, des femmes de tra­vailleurs, les pre­naient à la sor­tie, tan­dis que les prê­tresses de Baby­lone atten­daient l’autre office qui ver­rait venir les com­mu­niants du Régime dans la nuit orgiaque.

Déli­ques­cence d’un siècle de pour­ri­ture et de cor­rup­tion. La foire, la noce mora­li­sée dans une mai­son à vices où l’on dis­tri­bue per­fi­de­ment des jouets aux enfants du peuple, tan­dis que les parents sont oppri­més par les jouisseurs.

Léo­nev (1928)

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