La Presse Anarchiste

Du haut de mon mirador

    La Radio, sous le titre de « Plate­forme 70 » nous racon­ta, il y a quelque temps, le cauchemar d’un pau­vre dia­ble de Français moyen, cauchemar où il n’é­tait rien moins ques­tion que de la destruc­tion de la planète par la désagré­ga­tion atom­ique. D’où panique chez les chers audi­teurs dont cer­tains (et parait-il beau­coup) n’ayant tourné le bou­ton qu’en cours d’émis­sion, s’imag­inèrent qu’un nou­veau con­flit mon­di­al venait d’é­clater, ayant mal com­pris de quoi il s’agis­sait… On a par­lé de sui­cides, de morts de sur­prise, d’ac­couche­ments pré­maturés, et la presse, jetant de l’huile sur le feu, a exagéré et enven­imé l’in­ci­dent. Quoi qu’il en soit, nous voici donc ramenés à la men­tal­ité de l’an mil, où l’on vivait sous la men­ace de la fin du monde, fin du monde qui appa­raît aujour­d’hui digne des hal­lu­ci­na­tions apoc­a­lyp­tiques. À vrai dire, pour en revenir à l’émis­sion dont s’ag­it ― et dont c’é­tait la pre­mière par­tie ― à la lec­ture, elle n’of­fre aucun motif de mécom­préhen­sion ou à alarme. Et si j’ai relaté cette his­toire, c’est pour soulign­er com­bi­en est désaxée l’époque que nous tra­ver­sons. Nous vivons dans un état de surten­sion nerveuse et il est encore maint brave citoyen ou citoyenne que les sons d’une sirène font tres­sail­lir. Il est vrai que les­dits braves citoyens ont toutes sortes de raisons pour se deman­der s’ils rêvent ou sont bien éveil­lés : on les entre­tient de com­pres­sions, d’é­conomies, de blocage des prix et des salaires, de péni­tence à subir pour des fautes dont ils ne sont en rien respon­s­ables, et le grand prédi­ca­teur — je veux dire l’É­tat — s’empresse d’aug­menter le tarif des indul­gences, par­don des monopoles de fait qu’il délient. Ajoutez à ça le compte ren­du des séances de l’ONU et on ne saurait être éton­né, que ne com­prenant plus rien à rien, le Français moyen perde encore ce qui lui reste de sang-froid en més­in­ter­pré­tant une émis­sion de radio.

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    Mais oublions un instant ce présent attris­tant pour nous rap­pel­er qu’il y a 50 ans, Wil­helm Con­rard Roet­gen décou­vrit, par acci­dent, LES RAYONS X. Pen­dant ces cinquante ans que de résul­tats a don­nés leur appli­ca­tion en médecine, en chirurgie, en métal­lurgie, en cristal­lo­gra­phie, dans le monde ultra-micro­scopique des atom­es ! La pos­si­bil­ité de pho­togra­phi­er l’in­térieur du corps humain a fait faire à la médecine et à la chirurgie d’im­menses pro­grès. Sait-on qu’en ce qui con­cerne cer­taines par­ties du cerveau, on peut en localis­er les tumeurs avec 90 % d’ex­ac­ti­tude ? Il faudrait les 16 pages de l’Unique pour énumér­er les domaines où se sont fait sen­tir l’u­til­ité, la bien­fai­sance, l’indis­pens­abil­ité des rayons X. 

    Il n’y a qu’un siè­cle qu’on s’est mis à employ­er avec suc­cès les anesthésiques en médecine et en chirurgie. L’an­tiq­ui­té n’a guère con­nu, dans ce domaine, que « le pavot et la man­dragore », piètres allège­ments à la douleur, tout au plus sopori­fiques. L’im­mense majorité des humains des siè­cles passés ont souf­fert de leurs blessures ou ont été opérés sans soulage­ment pos­si­ble. Sait-on que l’emploi des anesthésiques a ren­con­tré dès l’abord une vio­lente oppo­si­tion. La douleur n’é­tait-elle pas tonique ? Pro­duire l’in­con­science arti­fi­cielle n’é­tait-ce pas s’at­ta­quer à la par­tie la plus divine de l’être humain ? La Bible n’a-t-elle pas pre­scrit que la femme devait enfan­ter dans la douleur ? Que sais-je encore ? Les opposants durent reculer lorsqu’on leur démon­tra que l’anesthésie avait réduit d’un tiers la mor­tal­ité des opéra­tions con­cer­nant l’am­pu­ta­tion. Aujour­d’hui, non seule­ment les anesthésiques sont divers, mais dans maints cas, l’anesthésie locale rem­place l’anesthésie générale. 

    Rayons X, anesthésie, anti­sep­sie, asep­sie, que de soulage­ment de mis­ères, de guérisons n’êtes-vous pas la cause ? Les recherch­es des hommes de sci­ence n’ont pas pour but que la créa­tion d’en­gins de destruc­tion. Et c’est consolant. 

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    Paul Jauzin nous écrit urne let­tre assez plaisante au sujet de nos sug­ges­tions con­cer­nant l’in­tro­duc­tion dans les dif­férents dialectes de la langue uni­verselle en devenir, de racines autres que celles emprun­tées aux idiomes occi­den­taux. Il ne s’ag­it pas d’in­sér­er dans les vocab­u­laires de ces dialectes des voca­bles emprun­tés aux par­lers hot­ten­tots, esquimaux, djankalis, samoyèdes ou autres, mais de savoir si une langue uni­verselle digne de son titre peut nég­liger de s’in­téress­er aux langues par­lées et com­pris­es par de vastes com­mu­nautés humaines. À une époque où il est ques­tion de fédéra­tion pan-arabe et asi­a­tique, on peut se deman­der si un idiome arti­fi­ciel étudié en vue d’être par­lé et com­pris plané­taire­ment, jus­ti­fie bien sa rai­son d’être en ne visant qu’à servir à l’échange d’idées entre peu­ples anglo-sax­ons, latins-ger­maniques et même slaves. Est-ce que cette lim­i­ta­tion ne sous-entend pas qu’on traite en par­ents pau­vres des peu­ples dont la civil­i­sa­tion, la cul­ture, la lit­téra­ture, les philoso­phies peu­vent sup­port­er la com­para­i­son avec les nôtres. Il faudrait s’ex­pli­quer franchement. 

    Nous avons reçu dernière­ment plusieurs fas­ci­cules d’une revue trimestrielle, organe d’une nou­velle langue aux­il­i­aire appelée Mondilin­guo (tra­duc­tion lit­térale du mot « Volapük ») créée en 1938. L’adresse de cette revue est « Mondilin­guo », édi­teur A. Lavagni­ni, aparta­do posta­la 2929, Mex­i­co. Plusieurs tracts de pro­pa­gande étaient joints à cet envoi. Mondiliguo tire son vocab­u­laire d’élé­ments grecs ou latins aux­quels ont été ajoutés des racines ger­maniques con­nues et répen­dues. On affirme qu’à la lec­ture, elle n’of­fre guère de dif­fi­cultés aux per­son­nes par­lant anglais.

    Mondilin­guo se réclame des travaux et des con­clu­sions des Loll, des Rosen­berg­er, des Peano, des De Wahl, des Jes­persen, etc., et se présente comme un inter­pro­jet unit entre les deux ten­dances opposées, l’une représen­tée par l’e­spéran­to et ses mod­i­fi­ca­tions, l’autre par ce que les pro­pa­gan­distes de Mondilin­guo appel­lent « l’é­cole nat­u­ral­iste » (Mur­dilingue, Idiom, Neu­tral, Uni­ver­sal, Romanal, Occi­den­tal, Medi­al, Mone­r­io, Novial, etc.). On retrou­ve un écho du Vola­puk dans les décli­naisons des pronoms de Mon­dolin­guo et de temps à autre les voca­bles se réfèrent à une racine san­scrite. À pre­mière vue, il ne nous a pas sem­blé qu’en ce qui con­cerne la sim­plic­ité, Mon­dolin­guo présente un pro­grès sur ses devanciers.

    Ceci dit, nous nous en tenons ici à l’i­do qui, tout bien con­sid­éré, vaut bien tout ce qui a été fait depuis sa formation.

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    L’An­gleterre con­tin­ue à être la terre par excel­lence des scan­dales sex­uels et ne les résout pas mieux qu’ailleurs. Un « scout mas­ter » — chef de scouts — a été con­damné récem­ment à 14 années d’emprisonnement pour atten­tats sur la per­son­ne de garçon­nets de 10 et 11 ans. Or, cet homme, pour des faits ana­logues avait été enfer­mé 3 ans, peu de temps après la guerre 1914–18, puis ayant récidi­vé, avait récolté plus tard six ans de prison. Soit au total, 23 années d’emprisonnement. La pre­mière con­stata­tion, c’est que la prison n’a pas « amendé » ce mal­heureux et que pour le guérir il faut autre chose que les peines que peut octroy­er un juge qui ne com­prend rien à la patholo­gie et aux anom­alies sex­uelles. C’est un traite­ment psy­chologique qui s’im­pose et non la prison, remède bar­bare et inhumain. 

    Autre cas : un garçon d’une ving­taine d’an­nées est amené devant un juge pour avoir per­pétré une série de vio­ls, sans qu’il eût usé de vio­lences vrai­ment sérieuses. Il ressort des débats qu’il est assez autori­taire de nature. Le juge le con­damne à cinq ans de « hard labour » tout en recom­man­dant qu’on le soumette à un traite­ment psy­chologique, ce qui fut fait. Au bout de quelques mois, le psy­chi­a­tre auquel il avait été con­fié le déclare guéri, telle­ment guéri qu’il n’est pas à crain­dre qu’il recom­mence ses exploits Le voilà remis en lib­erté et tout guéri qu’il est repasse devant le juge pour un motif sem­blable à celui qui lui avait valu sa pre­mière con­damna­tion. On le ren­voie naturelle­ment en prison… Les juges d’outre-Manche — et d’ailleurs — feraient bien de lire les ouvrages des Have­lock Ellis et des Freud. Ils se rendraient compte que ces cas ne se guéris­sent pas par l’emprisonnement et qu’ils exi­gent un tout autre traite­ment, d’or­dre psy­chologique, bien enten­du. À moins qu’on ne les réu­nisse à des co-affini­taires, anomaux et anor­maux sex­uels comme ils le sont eux-mêmes : ils arrangeraient leur exis­tence comme bon leur sem­bleraient, ne trou­bleraient per­son­ne et jouiraient de leur part de bon­heur. Sans doute en arrivera-t-on là quand le monde sera devenu plus sage. 

    Pen­dant ce temps se pava­nent en lib­erté  cer­tains mil­i­taires des divers­es années libéra­tri­ces dont les vio­ls — sans égard au sexe ou à l’âge — ne se comptent plus. La presse non encore domes­tiquée nous a tenu au courant de cer­tains faits prou­vant que la morale n’est plus la même selon qu’on porte un uni­forme ou qu’on est vêtu en sim­ple pékin, qu’on campe en pays con­quis ou occupé, ou qu’on rit dans le pays qui vous a vu naître. Ô hypocrisie de la morale des civilisés !

Qui CÉ


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