Toutes les fois qu’un être humain s’exprime librement, sous son propre contrôle, c’est un artiste, quelle que soit sa profession ou la nature de son activité, et il reçoit la récompense et le salaire d’un artiste ; la récompense d’un plaisir personnel, le salaire d’une personnalité accrue et une force individuelle grandissante. Ce qu’on appelle « les beaux arts » n’est nullement le seul champ esthétique ; ils ont limité un instinct commun à tout le monde, usurpé un prestige qui devrait être partagé par tous. Les transformations historiques ont fait que l’artiste, dans une sphère d’action spécialisée, est le seul homme vraiment libre dans le champ de son travail : tous les autres, à un degré ou à un autre, vivent sous le régime de la contrainte… Le problème de la liberté dans le monde moderne, c’est d’étendre cette liberté dont l’artiste jouit seul à toutes les branches de l’industrialisme… Dans notre travail, là même où il nous touche le plus intimement, nous ne sommes guère plus que des esclaves du besoin, des machines dociles, des domestiques obéissants. La liberté industrielle ne veut pas dire libération du travail, mais liberté dans le travail, et c’est pour obtenir le droit de régir par soi-même le travail, le droit de le rendre attrayant, que, de nos jours, on lutte et on combat.
Oscar Level Triggs