Pareillement
à la décomposition de la révolte passive hippy
(au lieu d’une insurrection, un déplacement aisément
récupéré par la Religion), y aurait-il
décomposition de la révolte étudiante ?
Si
l’hostilité des étudiants au système exprime
aussi leur désir de « libération »,
il n’empêche que cette abstraction les conduit à la
confusion. Au retour sur terre, il apparaît un jaillissement
diffus vers des pôles d’attraction (qui ont pour avantage le
neuf, l’actuel, l’aventure, l’inconnu) comme encore le
mysticisme, l’occultisme, la drogue, mais aussi comme le maoïsme,
la guérilla, la non-violence. En dehors de tout commentaire
concernant ces choses-là, il faut bien voir que ce cheminement
même constitue presque toujours ce qui s’appelle retomber
dans l’esclavage, se mettre à la remorque d’un business,
la forme seule variant.
Comme les
pacifistes anglais, comme les provos américains et encore plus
les jeunes « dropped out » se trouvent, me
semble-t-il, passé l’élan primitif de leur révolte,
comme devant un mur et ils échouent où ils peuvent, se
raccrochent à ce qu’ils trouvent sous la main (ce geste
restant d’ailleurs à l’échelon individuel). Il est
difficile de voir tout ce qui peut être à l’origine
d’une telle situation, mais on peut s’interroger sur ceci. Dans
une manifestation habituelle, il y a séparation nette entre
participant et spectateur ; au niveau des mouvements, il y a quelque
chose de semblable. Les mouvements traditionnels (partis politiques
ou autres) non seulement se produisent sur une scène (comme la
scène politique) pour se faire applaudir ou conspuer, mais
créent à l’intérieur même de leur
machine par le processus de représentativité un
spectacle semblable. Provo « seule issue acceptable dans
ce monde », hippies à l’amour potion magique,
étudiants exploités créent pareillement des
spectateurs, restreignant ainsi la scène où se joue
l’aliénation.
En
conclusion de ce rapide et partiel survol de la protestation aux
États-Unis (survol qui en arrive à mettre l’accent
sur la faiblesse plutôt que sur l’apport), il apparaît
que le commun dénominateur aux diverses formes d’expression
de cette faiblesse, c’est la récupération – la
récupération de nos gesticulations par le système
(qui satisfait le profit de quelques-uns), basée sur notre
impuissance à vivre.
L’exemple
le plus évident est évidemment celui de la « génération
de l’amour » par le système marchand.