La Presse Anarchiste

Poésie

Décla­ma­tion,
lan­gage loque­teux et grossier. Style de brochure de pro­pa­gande mis en
musique, ou, « sous le signe » de l’apostrophe
(dont il pleut) et tout exprès éculé, appauvri,
celui suprême­ment faux de ce qui veut « faire »
vrai. Pour­tant on décou­vre, chez ce père Jolivet, autre
chose qu’un Tris­sotin du ruis­seau, qu’un maniériste à
l’envers, c’est-à-dire voy­ou­crate. Les très
rares moments où il ne songe pas à prolétariser
sa lyre, il a de l’accent et de l’émotion pour chanter la
mis­ère. Et un naturel qui ne laisse pas de charmer. De ci,
de là, le sou­venir nous vient d’un cou­plet de Pierre
Dupont, de Jules Jouy, de J. B. Clé­ment. Mais après
les pio­nniers de la chan­son ten­dre ou ven­ger­esse ou enflammée
d’espoir, sont venus les rhé­toriqueurs en savates, tour à
tour égril­lards, ron­chons et catéchiseurs. Dans ces
Chan­sons sociales et satiriques, on eût aimé
trou­ver plus de fougue et de chaleur, des sar­casmes d’un plus haut
degré d’alcool, sans dou­teux ingrédients.
Mal­heureuse­ment, c’est presque tou­jours un mau­vais air de
« métingue » que l’on respire dans ce
livre ressas­seur de pau­vres tirades et qu’Henry Poulaille patronne
généreuse­ment comme une expres­sion de cet art populaire
qu’il con­naît pour­tant mieux que tout le monde. Eh bien, non,
Poulaille, il n’est pas vrai que le débrail­lé, le
par­ler sale, plus chif­fon­nier que nature, la machine à
déblatér­er sans fin soit le genre qui con­vient au
peu­ple ; il n’est pas vrai que le peu­ple n’ait droit, comme
nour­ri­t­ure artis­tique aus­si, qu’aux bas morceaux.

Claude
Le Maguet


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