Les
17 et 18 décembre derniers, pour le 9ème anniversaire
du massacre des ouvriers de la Côte Baltique la société
polonaise a célébré le souvenir des tués.
Pour le faire échouer, le Service de la Sécurité
(S8) a effectué dans tout le pays des arrestations et des
perquisitions. Environ 200 personnes ont été arrêtée
pour 48 heures, parmi lesquelles de nombreuses l’ont été
deux ou trois fois. Pour le moment nous savons que 15 personnes
(Bogdan Borusewicz, Miroslaw Chojecski, Andrzej Czuma, Josef
Janowski, Bronislaw Komorowski, Sergiusz Kowalski, Dariusz Kupiecki,
Jan Litynski, Antoni Macierewicz, Piotr Naimski, Edward Staniewski,
le père W. Stanieewicz, Tadeusz Stanski, Adam Wojciechowski,
Henryk Wujec) ont été mis en détention
préventive sous l’inculpation de « participation à
une association ayant pour but un délit » (art. 276
du code pénal). Ils les ont menacés de longues peines
de prison. Les personnes emprisonnées sont des membres et des
collaborateurs du Comité d’Autodéfense Sociale « KOR »
et des participants au Mouvement de Défense des Droits de
l’Homme et du Citoyen (ROPCIO). le but de leur regroupement est la
lutte pour la réalisation des droits de l’homme et du peuple.
les actions du Service de la Sécurité engendrent la
colère et l’inquiétude de la société.
Cela se produit dans ces conditions lorsque la profonde crise
économique, sociale politique est ressentie par chaque
personne, par chaque famille polonaise. Le manque drastique de
produits alimentaires, le manque de médicaments, le manque de
logements, la continuelle hausse des prix, les coupures régulières
de courant, la dégradation des transports et des
communications, la destruction de l’économie familiale
paysanne, la dégénérescence de l’appareil du
pouvoir et de la justice – ce sont là seulement certaines
manifestations de la catastrophe. Les autorités de la
République Populaire de Pologne portent la responsabilité
de cet état de chose, elles qui au lieu de rechercher des
mesures préventives poursuivent les personnes qui
entreprennent un travail de réparation de la République
Polonaise.
Le
KSS « KOR » exprime son plein appui et sa
pleine reconnaissance à l’Episcopat polonais qui dans le
communiqué de sa dernière conférence a déclaré
entre autres : « Dans notre pays doivent aussi
exister des conditions de sécurité et de protection
juridique pour tous ceux qui expriment leur souci du bien commun
venant de diverses motivations. Cependant celui qui entreprend une
action doit être guidé par la prudence et le sentiment
de responsabilité envers la nation en tenant compte des
circonstances de lieu et de temps ». Pleinement solidaires
avec les emprisonnés, nous demandons leur libération.
Nous demandons la liberté pour les initiatives des citoyens.
Comité
d’Autodéfense Sociale « KOR »
Texte du discours de
Maryla Plonska, représentante du Comité pour la
Création de Syndicats Libres de la Côte Baltique lors de
la cérémonie de dépôt des gerbes de fleurs
à Gdansk le 18/12/79 pour l’anniversaire de décembre.
Je
m’appelle Maryla Plonska, je parle ici au nom des membres du Syndicat
Libre de la Côte Baltique qui ont été arrêtés
avant cette cérémonie. Nous sommes réunis ici
pour célébrer la mémoire des gens assassinés
en décembre 1970. Malgré les promesses, il n’y a eu ni
monument, ni plaque aux victimes de décembre, il n’y a pas
d’endroit où nous pourrions nous rassembler pour cet
anniversaire. Nous déposerons nos fleurs, nous allumerons les
cierges dans la rue, sous les barrières, devant le porche, là
où les gens sont tombés. Comme l’année passée,
comme il y a deux ans, notre cérémonie se déroule
dans un état de siège, sous la menace de la milice et
du Service de la Sécurité. Dans notre propre pays qui
s’appelle Pologne démocratique, indépendante et
populaire, dirigé par un parti qui se dit ouvrier, il nous est
interdit de nous souvenir d’une action ouvrière. L’histoire de
la République Populaire de Pologne, ce n’est pas seulement les
plans quinquennaux et les congrès successifs du Parti
Communiste, c’est aussi la terreur stalinienne, le Juin ouvrier de
Poznan, le Mars des étudiants, Décembre sur laCôte
Baltique et Juin à Radom et Ursus. C’est aussi l’histoire de
notre peuple, nous devons la connaître, nous en souvenir et en
tirer des leçons. Si nous permettions de rayer de notre
mémoire Décembre 1970, cela voudrait dire que le
sacrifice de ceux qui ont souffert et sont morts a été
vain. Cette mémoire nous la leur devons, nous la devons à
nous-mêmes. De ce qui s’est passé sur la côte il y
a neuf ans nous devons tirer des leçons. Apprendre à
nous organiser, à défendre les dirigeants ouvriers, à
présenter et à conquérir des revendications qui
non seulement permettront une amélioration momentanée,
mais garantiront nos droits pour l’avenir. Nous avons le droit de
nous organiser ouvertement, légalement dans les syndicats
libres pour la défense de nos intérêts. Nous ne
permettrons pas qu’on nous enlève ce droit. Aujourd’hui,
riches des expériences passées, nous apprenons à
lutter pour nos droits. Calmement, de façon intransigeante et
solidaire. Alors, il fallait sortir dans la rue pour convaincre que
nous sommes nombreux à penser la même chose. Mais
l’intransigeance et la solidarité ont pris fin avec les
émeutes de rue. Les gens ont cru qu’après les émeutes
sanglantes le pouvoir avait changé, qu’il tirerait lui même
les conséquences appropriées. On n’a pas assuré
la sécurité aux membres des comités de grève.
La grève était chaotique car on n’a pas été
capables de créer une structure organisationnelle pouvant
mener une action à long terme. Cela a permis ensuite
d’empêcher la naissance des représentations ouvrières
indépendantes qui pourraient défendre leurs propres
membres et les intérêts des travailleurs. Il n’y a pas
eu d’augmentation des prix, mais tous les prix sont montés. il
y a eu des consultations, mais avec les activistes qui sont d’accord
pour tout. Il n’y a même pas eu de plaque commémorative.
Qu’ont donné les promesses ? Les organisateurs de la
grève ont fait beaucoup d’erreurs mais le pouvoir a commis un
crime. Car c’était un crime que de donner l’ordre de tirer
contre des gens désarmés auxquels on a enlevé le
droit à la parole, à l’organisation sans entrave. Cela,
nous en sommes convaincus. Qu’a donné alors Décembre ?
Il nous a donné conscience de notre force de nos droits et de
ce dont le pouvoir est capable. Pour cette conscience, certains ont
payé le prix le plus fort, leur propre vie. Honneur à
leur mémoire ! Observons une minute de silence en
souvenir des morts.
Après
la lecture de ce texte on a donné l’adresse des membres du
Syndicat Libre de la Côte Baltique et de la rédaction de
« Robotnik Wybrzeza » (l’Ouvrier du littoral,
journal des syndicats libres ndlr). lors de la cérémonie
du dépôt des couronnes, le premier à parler fut
Dariusz Kobdzej du mouvement « Jeune Pologne »,
puis le père Bronislaw Sroka, jésuite, en troisième
Maryla Plonska, représentante du syndicat libre et en
quatrième Lech Walesa. Afin de donner un tableau complet des
cérémonies, il faut revenir sur les jours précédents :
une chasse systématique a eu lieu les 16, 17, 18 contre tous
les oppositionnels connus de l’agglomération de Gdansk, contre
les membres de la rédaction de « Robotnik
Wybrzeza » et du Comité pour la Création de
Syndicats libres en particuliers. Résultats, des groupes de
militants ouvriers, seul Lech Walesa, membre de « Robotnik
Wybrzeza », du Comité pour la Création de
Syndicats Libres et aussi membre du comité de grève de
décembre 1970 est parvenu à arriver sur les lieux de la
cérémonie. Il est arrivé aux chantiers navals
dans un container plombé. Maryla Plonska, dont nous
reproduisons plus haut le discours, est aussi parvenue sur les lieux.
On
estime la foule rassemblée près de la porte 2 à
5000 personnes au moins ; il y avait beaucoup de fleurs. Les
gens venus avec des couronnes et des fleurs sont allés vers
les étudiants, il y avait un torrent de gens venant par
plusieurs rue. La milice n’a rien empêché sur place.
Ensuite Kobdzej a parlé, citant trois intentions pour cette
cérémonie : une prière pour les morts de
décembre, une prière pour les prisonniers
tchécoslovaques et une prière pour les personnes
persécutées et détenues en Pologne. Ensuite on a
chanté « Boze cos Polske ».. Après
Maryla Plonska, Lech Walesa présenta de nombreux souvenirs
personnels sur les évènements de Décembre. La
foule se dispersa dans le calme à 15h. Vers 16h surgirent des
camions qui emportèrent les fleurs et qui firent disparaître
toute trace des célébrations. Maryla Plonska et Lech
Walesa furent arrêtés immédiatement après
les cérémonies. On s’est brièvement entretenu
avec eux au Commandement de la Milice de la rue Swierczewski et ils
ont été libérés.