La Presse Anarchiste

Vie du mot Homme suivi de A l’ombre de la pluie

J’ai vécu haletant
Sans sommeil
Chaque heure au mirador
Je guet­tais les incendies
Cha­pe­let déchaîné
Chaque jour quelques cendres
Lâchées au vent.
Jamais de terre sèche
Tou­jours saignant
Je sais com­ment se vit le mot Homme.
Et il y a tant d’embûches
Tant de marge
Et sur mon corps
Tant de trous noirs
Rose de pierre
En plein ciel de chair
Chair d’homme
Je ne connais que toi.

À l’ombre de la pluie

Et nos longues marches à l’ombre de la pluie.

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Pétrole roux de deux souffles
Tout le bleu du monde
Flambe là.

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Figure ouverte
Lèvres brunes.
Tous les grains d’une grenade
Dans les che­veux d’une femme
La halte sur le chemin
Pierre contre pierre
Le lit de la nuit son ciel et l’oubli
Dans les che­veux d’une femme.

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Il n’y a pas d’âge pour la pre­mière colchique.

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Fleur mal venue entre deux cailloux
L’homme libre est déjà condamné.

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Plante qu’on mutile ne meurt pas toujours.

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Pour ces com­bats inutiles qui sans cesse menacent com­bien sommes-nous vrai­ment qui comme « l’autre » n’aurons jamais notre main ?

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Ô mes faims de loup
Le chien de l’aveugle
Et le thé refroi­di de Crevel

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Devant le désert et le ciel pareil — pareil…
Amours — fleurs de ciel délavé.

Jean-Jacques Mor­van

La Presse Anarchiste