La Presse Anarchiste

En deux mois 500 abonnés — en quatre?… 1000

Quelques amis nous ont
deman­dés, à la suite de notre dernière
cou­ver­ture : Eh bien ! ça ne va pas ?
Com­ment ? Ça ne va pas ? — Oui, votre dernière
cou­ver­ture était moins enthou­siaste, moins chaude, moins
confiante. J’a­vais crû… — Vous aviez tort, abso­lu­ment tort
de croire que nous n’é­tions pas com­plè­te­ment satisfaits
et que la Vie Ouvrière ne mar­chait pas…

Elle marche. Elle marche
à grands pas vers le mil­lier d’a­bon­nés. Au moment où
j’é­cris, nous avons dépas­sé le chiffre de 450
abon­nés ; avant dix jours nous aurons les cinq cents.

Ces cinq cents abonnés
seront venus en deux mois. Qu’on nous cite une revue du même
genre ayant atteint ce chiffre dans le même temps. De nombreux
amis nous avaient dit que si nous arri­vions à 3 ou 400 en un
an, ce serait rai­son­nable. D’autres — des amis ? — ne nous
disaient pas à nous, mais à qui vou­lait les écouter,
que si nous arri­mons à 95 abon­nés ce serait un succès.

Nous pas­sant des
béné­dic­tions de ces der­niers, sur­mon­tant les craintes
sin­cères de cer­tains amis, nous nous sommes mis à la
besogne, har­di­ment. Nous esti­mons que notre peine, loin d’être
vaine, a été lar­ge­ment récompensée.

Mais il ne s’a­git pas
d’en res­ter là. En deux mois, nous avons reçu cinq
cents abon­ne­ments. Il faut que dans les deux mois de décembre
et de jan­vier nous en rece­vions cinq cents autres.

C’est pos­sible. Et du
moment que c’est pos­sible, il faut à tout prix le réaliser.

La plus grosse
dif­fi­cul­té que nous ayons ren­con­trée dans le
recru­te­ment des abon­nés, la voi­ci : La crainte que la VIE
OUVRIÈRE ne vive pas.

Quan­ti­té de
lettres reçues en témoignent. Pas mal de conversations,
aus­si. Que de fois on nous a dit — à nous ou à des
amis : je m’abonnerais
bien, mais j’ai peur que la Vie Ouvrière fasse comme la
Révo­lu­tion, qu’elle meure au bout de deux mois.

Si vous en dou­tez, voyez
cette lettre d’un cama­rade de Morez (Jura) :

« Au reçu
du car­net d’a­bon­ne­ment de la Vie Ouvrière, je m’en fus
trou­ver quelques cama­rades sus­cep­tibles de s’a­bon­ner. Tous m’ont
répon­du : « Ah ! oui, encore un nouvel
organe qui fera pro­ba­ble­ment comme la Révo­lu­tion.
« Non ! Non ! Attends quelques mois. Lorsque la
Vie Ouvrière sera sûre de pou­voir vivre, nous
marcherons. »

« En février,
lors de la créa­tion du quo­ti­dien précité,
j’a­vais recueilli une dizaine d’a­bon­ne­ments que j’al­lais envoyer au
jour­nal quand, brus­que­ment, il som­bra. Un peu confus, je rendis
l’argent aux cama­rades ; ils ne per­dirent rien, mais restèrent
et sont encore très pes­si­mistes au sujet de la réussite
des entre­prises de ce genre.

« Les
syn­di­cats ? Néant…

« Donc, à
Morez, pas moyen de rien faire pour le moment. Moi-même ai payé
9 francs une cin­quan­taine de numé­ros de la Révo­lu­tion.
C’est assez — pour cette année du moins…

« Je regrette
sin­cè­re­ment de ne pou­voir mieux faire, car les trois premiers
numé­ros de la Vie Ouvrière m’ont beau­coup plu et
je serais heu­reux de la lire régu­liè­re­ment. S’il vous
plaît, je gar­de­rai encore le car­net d’a­bon­ne­ment que vous
m’a­vez confié, car plus tard je pour­rai, peut-être, Le
faire servir.

« Avec mes
sou­haits de bonne réus­site, recevez… »

Cette lettre est
vrai­ment satu­rée à la fois d’a­mer­tume et de sympathie.
D’a­mer­tume, par suite de l’in­suc­cès du quo­ti­dien, et de
sym­pa­thie pour la revue naissante.

Il est natu­rel que la
mort rapide et sou­daine de la Révo­lu­tion ait laissé
der­rière elle cette amer­tume et ce manque de confiance.
C’é­tait fatal. Et c’est vrai­ment fâcheux, car le
quo­ti­dien n’est pas mort de ce qu’il n’a­vait pas un public — il en
avait un mais de ce qu’il fut
mal lan­cé, mal rédi­gé, mal administré.
Nous sommes quelques-uns à avoir connu l’a­mer­tume, non
seule­ment de l’é­chec, mais encore de la marche à
l’échec.

Il serait injuste de
s’en prendre, de cet échec, à la masse des militants
qui n’au­raient pas fait leur devoir. Ils le firent pour la
Révo­lu­tion ; ils l’ont fait encore pour la Vie
Ouvrière
.

Lors du lan­ce­ment de la
revue, me basant sur une expé­rience de plu­sieurs années
de tra­vail dans la librai­rie, sur la connais­sance des méthodes
admi­nis­tra­tives de la revue Pages Libres où je fus
employé pen­dant deux années, je crus que nous aurions
inté­rêt à appli­quer ces méthodes pour la
recherche des abon­nés de la Vie Ouvrière. En
consé­quence, nous adres­sâmes, soit le pre­mier, soit le
deuxième de nos numé­ros à quelques milliers
d’a­dresses d’a­bon­nés pos­sibles, recueillies forcément
un peu à la légère. Cette méthode nous a
don­né des résul­tats presque insi­gni­fiants ; ce
n’est pas celle qui convient pour notre public.

Si nous l’avions
employée seule, nous aurions, aujourd’­hui, 100 à 130
abon­nés au maxi­mum. Mais nous avions employé un autre
sys­tème : le car­net d’a­bon­ne­ment envoyé à
des mili­tants connus. Envi­ron 150 car­nets furent expédiés,
sans lettre par­ti­cu­lière, sans être sui­vis d’autre chose
que le ser­vice des numéros.

Je dois même dire
que nous ne comp­tions pas beau­coup sur ce der­nier sys­tème. À
nos yeux, c’é­tait une chance de plus, rien d’autre.

Eh bien ! c’est ce
der­nier sys­tème qui à fait la force de la Vie
Ouvrière
. C’est lui qui a ame­né le gros des
abon­nés, près de 300.

Nous sommes heu­reux de
nous être trom­pés. Nous véri­fions vrai­ment ainsi
que la Vie Ouvrière n’est pas une revue comme les
autres. Nous ne vou­lions pas qu’elle soit l’œuvre d’un petit groupe
for­mé de Pari­siens, mais bien l’œuvre de la col­la­bo­ra­tion — tant pour la rédac­tion que pour l’ad­mi­nis­tra­tion — de tous
les mili­tants. Nous ne savions com­ment y arri­ver. Instinctivement,
par la force même des choses, nous y sommes arri­vés. Et
qu’on ne se figure pas que cette col­la­bo­ra­tion consiste tout
bon­ne­ment à nous ame­ner des abon­nés. Nen­ni. Ceux qui
nous envoient les souches de leur car­net d’a­bon­ne­ment ne se gênent
pas pour dire — et ils font bien ! ça pèche par
ci, ça va par là.

C’est cette méthode
que nous conti­nue­rons à appli­quer, que nous généraliserons
pour notre lan­ce­ment de jan­vier. Voi­ci à quoi nous avons
pen­sé : adres­ser à des cama­rades sûrs les
deux numé­ros de jan­vier, plus un car­net d’a­bon­ne­ment, afin
qu’ils ne nous envoient pas seule­ment leur abon­ne­ment per­son­nel, mais
encore ceux qu’ils pour­ront, avec un peu d’ef­fort, recueillir autour
d’eux.

Il nous fau­drait mille
adresses de cama­rades. Que cha­cun de nos abon­nés nous envoie
une liste de ceux de ses amis qui seraient sus­cep­tibles de s’abonner
eux-mêmes et de faire autour d’eux de la pro­pa­gande pour la Vie
Ouvrière
.

Que ceux de nos abonnés
qui n’en ont pas nous demandent un car­net d’a­bon­ne­ment. Que tous nous
envoient des listes de camarades.

Si nous avons ces mille
adresses, nous sommes cer­tains de pou­voir annon­cer dans le numéro
du 5 février pro­chain que nous avons dépas­sé le
mil­lier d’a­bon­nés néces­saire, et que le syn­di­ca­lisme a
réus­si, en quatre mois, à assu­rer la vie de sa revue
bimen­suelle, par la contri­bu­tion seule des abon­ne­ments. Que chacun
donc mette la main à la plume et la plume sur une feuille de
papier à lettre à notre intention.

P. Monatte

La Presse Anarchiste