La Presse Anarchiste

À travers le monde

Dès
les débuts de la Grande Guerre, les États-Unis de
l’A­mé­rique du Nord furent trans­for­més en un vaste champ
de l’ac­ti­vi­té pan­ger­ma­niste, puis­sam­ment et savamment
orga­ni­sée, — nous disons savam­ment dans toute l’acception
ger­ma­no­phile du mot. — Cette acti­vi­té se tra­dui­sit par des
actes à peu près sem­blables à ceux dont furent
témoins les popu­la­tions de la Bel­gique et du nord de la
France. Des vil­lages, des villes entières furent complètement
détruits ; leurs habi­tants, tous des non-com­bat­tants, et
en grande par­tie des femmes et des enfants, furent carbonisés
par le feu ou réduits en pièces par l’ac­tion des
explo­sifs de haute compression. 

Ce
ter­ro­risme, qui s’exer­çait sous l’é­gide et la
pro­tec­tion des auto­ri­tés diplo­ma­tiques aus­tro-alle­mandes, fut
accom­pa­gné d’une pro­pa­gande révo­lu­tion­naire presque
aus­si vio­lente et qui ne cachait point son caractère
ger­ma­no­phile. Par­mi ces révo­lu­tion­naires se distinguèrent
tout par­ti­cu­liè­re­ment les unions indus­trielles par opposition
à trade-unions — dont les mili­tants sont plus connus sous le
nom de tra­vailleurs indus­triels du monde (the I.W.W., ce qui veut
dire Indus­trial Wor­kers of the World). Ce fut sur­tout sur ces
mili­tants du pro­lé­ta­riat, gagnés à la cause du
pan­ger­ma­nisme pour des rai­sons que nous ne croyons pas devoir
pré­ci­ser ici, que se tour­na la fureur du peuple américain.
Devant l’im­puis­sance des auto­ri­tés fédé­rales à
décou­vrir les vrais auteurs de tous ces atten­tats certainement
odieux sous tous les rap­ports, cette fureur devint de la démence
qui se mani­fes­ta par des lyn­chages innom­brables, non moins odieux que
tous les atten­tats ter­ro­ristes des ger­ma­no­philes ou des germanisants.
Par mil­liers, ceux qui étaient en dan­ger d’être lynchés,
cher­chèrent un asile sûr dans les pri­sons ; mais
plus d’une fois, les portes de celles-ci cédèrent sous
la pres­sion de la popu­lace lyn­cheuse, et des orgies dignes des
apaches en furie s’en suivirent. 

Les
agents du gou­ver­ne­ment de Washing­ton inter­vinrent enfin, et
sau­vèrent, par leur inter­ven­tion, des mil­liers d’existences
humaines en empri­son­nant en masse tous les sus­pects qui, aujourd’hui,
se trouvent à l’a­bri des lyn­cheurs dans les grands
péni­ten­ciers de l’ad­mi­nis­tra­tion fédérale,
gar­dés mili­tai­re­ment contre tout atten­tat extérieur. 

Depuis
l’ar­mis­tice, une nou­velle agi­ta­tion, peut-être moins violente,
mais dans tous les cas plus humaine et plus ration­nelle, secoue la
libre Amé­rique tout entière : des hommes et des
femmes appar­te­nant aux dif­fé­rentes classes de la société
demandent l’a­bro­ga­tion des lois d’ex­cep­tion votées pour la
durée de la guerre, et insistent pour que les droits
consti­tu­tion­nels en faveur du peuple soient réta­blis. À
cette agi­ta­tion vient s’en gref­fer une autre au caractère
ger­ma­no­phile et bol­che­viste très prononcé. 

L’A­mé­rique
plou­to­crate a flir­té en Europe avec le bol­che­visme. Et voilà
que là-bas, dans ce grand pays de liber­té, la corde au
nœud cou­lant y est deve­nue à la mode comme au beau temps du
Cza­risme en Rus­sie. Quant aux qua­torze points wil­so­niens, qui eurent
en Europe leur moment de vogue, ils y ont été
méta­mor­pho­sés en qua­torze coups de gour­dins qui se
mul­ti­plient sans cesse et tombent drus sur la tète de ceux
qui, d’une façon ou d’une autre, sont une menace à la
diges­tion pai­sible des plou­to­crates, que la guerre a surenrichis
d’une façon fabu­leuse et scandaleuse. 

Mais
la Consti­tu­tion amé­ri­caine, et la Décla­ra­tion de
l’In­dé­pen­dance, deman­de­rez-vous, que sont-elles devenues ?

Par
leurs actes, mieux que par leurs paroles, le Pré­sident Wilson
et ses asso­ciés vous répondent : « Constitution,
Décla­ra­tion, tout ça, c’est des chif­fons de papier ».

O

Durant
la deuxième quin­zaine de juin, l’A­me­ri­can Fede­ra­tion of Labor
― la puis­sante fédération
amé­ri­caine du tra­vail qui compte trois mil­lions de coti­sants 
a ter­mi­né les tra­vaux de son Congrès annuel tenu à
Atlan­tic City. Remar­quons par­mi les grandes dis­cus­sions qui eurent
lieu l’op­po­si­tion éner­gique, et sou­vent vio­lente, de la
majo­ri­té modé­rée, envers les bol­che­vistes et les
bol­che­vi­sants ; son atti­tude très favo­rable aux lois sur
l’é­mi­gra­tion devant inter­dire l’ac­cès des États-Unis
à tous les tra­vailleurs des autres pays. 

Conser­va­trice,
avant la guerre, était l’A­me­ri­can Fede­ra­tion of Labor, et
conser­va­trice encore nous la retrou­vons après cinq années
de guerre. La plou­to­cra­tie amé­ri­caine a sans doute trouvé
en elle une puis­sante et pré­cieuse alliée.

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