Naturellement, ce que j’écris là n’a rien à voir avec les pactes dont l’amour est susceptible, comme toutes les autres activités humaines, ni avec la fidélité à ces pactes, qu’il s’agisse d’unicisme ou de pluralisme. On sait que, selon moi, ces accords ont pour condition préalable une fréquentation de longue durée des partenaires qui y participent, la connaissance approfondie de leurs caractères, de leurs tempéraments. Il est clair que pour les adhérents au contrat d’union, le refus ne se justifie pas. Mais, comme l’a répété si souvent E. Armand, de telles réalisations ont lieu « sur les sommets et non dans les bas-fonds ».
« L’amour enfant de Bohème » (et son aboutissant le meurtre), le « coup de foudre », tout cela n’a rien à faire dans un milieu où l’on recherche d’abord le perfectionnement de la personnalité, la maîtrise et la culture de soi. Il faut laisser ces « réalisations » aux sous-hommes et aux petites femmes, à mentalité de gigolo ou de midinette.
J’ai parcouru de nombreux pays, ce qui ne m’a pas empêché de remplir loyalement les clauses des ententes que j’avais pu conclure avec les hommes que j’avais choisis comme compagnons de route — en bonne pluraliste que je suis. En Amérique, en Écosse, aux Pays-Bas. en Suisse, en Scandinavie, j’ai fréquenté beaucoup de réunions et rencontré des camarades masculins avec lesquels je discutais de thèses et d’idées, et qui me traitaient en camarade, sans se soucier si j’étais d’un sexe autre que le leur. Nous discutions ensemble de toutes sortes de sujets, y compris le problème de l’amour. Mais jamais il n’y eut d’arrière-pensée sexuelle dans nos relations de camaraderie. Ils savaient que j’avais fixé mon choix et cela suffisait à conserver nos distances. Eux aussi, sans doute avaient fixé le leur. D’ailleurs, je n’ai jamais côtoyé personnage plus inopportun, plus vain et plus ridicule que l’homme ou la femme « tournant » autour de la, des compagnes ou du, des compagnons de leurs camarades, insouciant de la souffrance qu’il pourrait causer, des harmonies qu’il pourrait fausser. Ce genre de femme ou d’homme me dégoûte, je l’écris nettement. Le pluralisme est autre chose que la caricature qu’en dessinent de soi-disant « amoraux ».
Et je vous assure. pourtant que si une femme entend être maîtresse de ses sentiments, c’est bien moi. Il n’est rien que j’abhorre autant que la « moralité » bourgeoise. Mais je n’ai jamais voulu être considérée comme un objet de plaisir à l’usage des débauchés ou des obsédés sexuels, même quand ils affichent le mot « camarade » sur leur chapeau on leur casquette.
Véra Livinska