Il
est bien certain, que malgré. toutes les prévisions,
suppositions et analyses, les anarchistes se sont trouvés
surpris, comme tout le monde, par les évènements du 13
mai. Non pas par l’évènement lui-même (celui ci
était aisément prévisible et la « gauche »
en général s’attendait à un coup de force
fasciste à plus ou moins brève échéance)
mais par la soudaineté, la précipitation.
Pour
notre part, aux G.A.A.R., nous nous préparions à
« sortir » précisément ce numéro 10 de
nos cahiers. Le général Massu nous a, fort
inopportunément à notre goût, obligés à
remettre à plus tard la confection des dits cahiers, ayant
d’autres tâches plus urgentes à accomplir. C’est ainsi
que le 16 mai nous tirions un tract appelant à la grève
générale, seul mot d’ordre nous paraissant logique
à ce moment-là. Il n’est que de constater la réaction
des gars de Loire-Atlantique, débrayant massivement au
lendemain du coup d’Alger, pour voir ce qu’il y avait à faire.
Mais déjà, la « gauche » s’occupait surtout
de « défendre la République », les
acoquinements repartaient de plus belle, et il était bien
question de grève générale !
Pour
en revenir au plan proprement anarchiste, nous prenions l’initiative
de réunir le Comité de Coordination Libertaire (C.C.L.)
groupant : Les Jeunes Libertaires, la C.N.T la Fédération
Anarchiste et les Groupes Anarchistes d’Action Révolutionnaire.
D’autres groupements et individualités également
invités à participer au C.C.L. se récusaient
sous divers prétextes. Le comité se réunit
depuis les évènements, une fois par semaine, confronte
les différents points de vue de l’anarchisme sur la situation
et essaie de dégager une position commune en vue d’exprimer
celle-ci par affiches, tracts, ou toute autre forme de propagande. Il
est bien évident que si les G.A.A.R. se sont trouvés en
opposition formelle avec la F.A. quand le représentant de
celle-ci dans un souci irréfléchi d’«efficacité »
engageait le nom de l’organisation dans un « Comité de
Liaison et de Défense des Libertés Démocratiques »
(C.L.D.L.D. ) groupant plusieurs partis bourgeois comme les Radicaux,
la S.F.I.O. avec des organisations ouvrières comme le P.C.I.
au nom. de « VIVE LA RÉPUBLIQUE », nous nous sommes
par contre retrouvés pleinement d’accord pour ultérieurement
sortir un tract imprimé dénonçant le danger
gaulliste, en commun avec la même F.A.., dont la majorité
venait de comprendre l’erreur d’adhérer au. C.L.D.L.D. et
rejetait cette position.
Ceci
ne nous empêchait pas, par ailleurs, de participer à un
regroupement extra-anarchiste mais regroupant uniquement des
organisations ou individualités révolutionnaires. Ce
groupement, suscité par la F.A. et les Trotskystes, prit pour
nom Comité d’Action Révolutionnaire (C.A.R.) et réunit :
le Parti Communiste Internationaliste, la Fédération
Anarchiste Française, le syndicat Charpente-Fer C.G.T. de la
région parisienne, les Jeunes Libertaires, le groupe Pouvoir
Ouvrier, etc. En plus des tracts édités par le C.A.R.
collés et distribués, nos militants participèrent
au défilé Nation-République du 28 mai à
Paris. Au cours de cette manifestation éminemment
républicaine, le C.A.R. et les Auberges de la Jeunesse firent
le maximum pour remplacer la « Marseillaise » par
« l’Internationale » et pour substituer au cri de « VIVE
LA RÉPUBLIQUE » les « FUSILLEZ LES GÉNÉRAUX »,
« À BAS L’ARMÉE », « PARA = S.S. »
au grand déplaisir des staliniens et socialos de service…
En
province, nos camarades du Nord, du Centre et du Midi ont édité
affichettes, tracts, participant aux manifestations et aux comités
locaux. À Lyon même un de nos militants a été
matraqué au cours d’une importante bagarre antipoujadiste.
Nous
avons transmis ces quelques informations, inhabituelles à nos
cahiers, non seulement pour donner un bref aperçu de ce que
nous faisons par ailleurs, mais aussi pour indiquer et nous réjouir
du regroupement anarchiste effectué au sein du Comité
de Coordination ainsi que des possibilités révolutionnaires
offertes par le C.A.R.
Le
groupe de liaison