[(Nous
avons reçu un certain nombre de lettres, dont plusieurs
particulièrement intéressantes. Certaines de celles-ci,
en plus de la critique de notre dernier numéro
(Électoralisme-Parlementarisme) reviennent également
sur la question du nationalisme développée dans le
numéro double (7 – 8) de « Noir & Rouge ».
Bien
que toujours « serrés » pour le nombre de pages,
nous avons pensé que la publication de ces passages
contribuerait utilement à l’établissement du dialogue
permanent si nécessaire aux anarchistes.)]
Du
Camarade R.F. (Stasbourg)
(…)
Tout compte fait, le principe du numéro spécial est
dangereux. On veut épuiser toute la question, et les
différents articles deviennent forcément un peu hâtifs.
Ça apparaît surtout dans les historiques. On est obligé
de trop résumer, de trop généraliser. Le sujet
de la plupart des articles mériterait à lui seul tout
un numéro spécial ! D’accord pour le principe de
l’alternance des textes « classiques » et d’études
concrètes, sur des problèmes présents. Voici ce
que je proposerais : une étude assez longue (la moitié
de la revue) sur un sujet précis, important, et puis des
articles divers.
Un
détail : pour la correspondance, sans faire un « culte de
la personnalité »!, si un camarade qui a une certaine
audience dans le milieu révolutionnaire vous écrit, il
vaudrait mieux donner son nom ; ça permettrait au besoin de
mieux situer ce qu’il dit, de mieux comprendre les positions et les
différents points de vue. (…) Et puis, dans le fond, ça
vous fait de la publicité. Vous êtes un peu trop crispés
vis-à-vis des « classiques » et des « ténors ».
Il y a quand même des gens à qui, une certaine
expérience donne du poids. Ce qui n’enlève aucun droit
à l’esprit critique. (…)
Du
camarade B.K. (Maisons-Alfort)
(…)
Tout d’abord, le nationalisme. La partie théorique est très
copieuse. Sans que son utilité soit en grande partie
contestable. Mais il est un aspect de la question qui en revanche est
presque complètement escamoté, c’est le côté
pratique et actuel, c’est-à-dire l’essentiel. Par exemple le
nationalisme algérien et l’insurrection qu’il engendre aurait
mérité à lui seul un article entier de « N.
et R. ». D’autre part certains textes me paraissent dénoter
un antimarxisme, qui, je sais, est devenu une seconde nature chez
certains anarchistes, qui sont moins difficiles à l’égard
des Francs-maçons, des Social-démocrates et vont même
jusqu’à trouver des raisons et des circonstances atténuantes
aux … staliniens. (…) Ce serait un antimarxisme bien regrettable,
que celui qui expliquerait que l’on a omis de citer d’excellentes
pages d’Engels sur la formation de l’État (les origines de la
famille de la propriété privée et de l’État).
Je préférerais que ce ne soit qu’un simple oubli. On
peut publier un texte de Marx, complètement ignoré, un
mauvais, très mauvais texte de Marx sur les mouvements
nationalistes en Europe centrale au cours du siècle dernier.
Ceci ne peut effacer le « Manifeste » et il n’en reste pas
moins que « le Capital » est le meilleur manuel
révolutionnaire d’économie politique. (…)
D’un
camarade Algérien de Billancourt
(…)
Ce n’est que très partiellement. que j’ai lu le dernier numéro
de « N. et R. » consacré aux élections.
Je
pense que de tels problèmes (Électoralisme etc.)
idéologiques, quoique importants, ne devraient pas prendre
l’ensemble d’un numéro, un article de temps à autre
suffirait. (…) Dans la rubrique du. courrier je ne comprends pas
comment un « camarade » (A.P. de Versailles) peut écrire
de telles lettres avec : « l’Algérie n’est pas viable en
cas de retrait des troupes françaises » etc. « il
n’y a pas de dignité possible pour un peuple…» ainsi
de suite, Et lui, a‑t-il de la dignité ? Il est sûrement
perdu dans les milieux anarchistes et sa place est au côté
des organisations fascistes qui tiennent les mêmes propos, à
moins que ce « camarade » ignore le problème, dans
ce cas il ferrait bien de ne rien dire.
Je
m’excuse de cet entrefilet mais, la lecture d’une telle lettre m’a
dépassé.
Nous
recevons d’un sympathisant du Maroc cette lettre que nous publions à
titre d’information.
(…)
Tant qu’il s’agissait d’accorder aux États nord-africains sous
tutelle française une autonomie relative, Rome n’y voyait que
des avantages. Mais, aujourd’hui que nous sommes à la veille
d’une solide et dynamique Fédération Maghrébine,
avec laquelle il faudra compter en Méditerranée, il va
s’efforcer — par tous les moyens et ils sont aussi nombreux qu’elle
est dépourvue de scrupules — de neutraliser cette tentative.
Son intérêt consistait donc à faire l’union avec
les colonialistes d’Alger et ceux — .encore hélas trop
nombreux — du Maroc et de Tunisie.
Le
Conseiller de la Curie romaine pour les affaires musulmanes n’est
autre que le sinistre Cardinal Eugène Tisserand, secrétaire
de la Fédération des Églises Orientales. Membre
de l’académie, des Inscriptions et Belles lettres. Élevé
à la dignité de Grand-Croix de la Légion
d’honneur et intronisé dans cette distinction par son vieux
« camarade » le citoyen Vincent Auriol quand il sévissait
encore l’Élysée.
Pendant
la guerre 1939⁄1945, la somptueuse villa que le Cardinal possède
à Rome (Via Po) fut un centre actif d’intrigues gaullistes, à
telle enseigne que les Romains ne désignent jamais Tisserand
autrement que par le qualificatif de « Son Éminence de
Gaulle ». Dans cette tache il fut activement aidé par le
Monsignor français Bouquin (Administrateur des biens français
en Italie, qui représentent plusieurs dizaines de milliards,
et remarquable spécialiste pour transférer, en
n’importe quel point du monde toutes quantités de devises).
C’est
Tisserand qui, dès 1943, lança l’idée d’un vaste
mouvement politique catholique devant comprimer l’Europe et la
soumettre à la dictature cléricale. Il rédigea,
avec Alcide de Gasperi (alors confortablement installé au
Vatican) la charte des Partis Démocrates-Chrétiens en
Italie, en Allemagne et en Autriche, et M.R.P. en France.
Vers
1946, Tisserand avait fait partir clandestinement de Rome le sinistre
Jean Marques-Rivière, qui, actuellement, sous le pseudonyme de
Dr. Juan Roger, travaille en qualité de conseiller au
ministère des Affaires Étrangères de Madrid.
Marques-Rivière était bien connu avant la guerre pour
ses activités en faveur de toutes les ambassades étrangères
ce qui devait lui permettre de se faire désigner en qualité
de Chef de la police anti-maçonnique de Vichy, et de fuir —
en juillet 1944 — en Allemagne, dans les fourgons de son ami et
collègue de la « Cagoule » Darnad. C’est
Marques-Rivière qui — dès son arrivée à
Madrid — mis sur pied, pour le compte de la « police
phalango-franquiste » toute une organisation de mouchards
destinée à détecter les « groupes
clandestins de résistance antifranquiste»” et plus
spécialement ceux animés par nos camarades anarchistes.
Du
temps du Protectorat, Marquès-Rivière effectuait de
très nombreux voyages à Tétuan et à
Tanger. Dans l’ancienne capitale de la zone internationale, il y
rencontrait toute une clique de pseudo antifranquistes… appartenant
en réalité à un puissant réseau de Police
phalangiste dirigé par un religieux franciscain, le P. Lopez
(secrétaire de l’évêque). Ses principaux agents
provocateurs étaient — ou sont encore — Abriales Ernandez.
(Chef du Personnel de l’Administration Internationale). Son gendre
Medina (Capitaine en congé de la gendarmerie espagnole, chef
du personnel de la Régie des Eaux), Serrano Munoz, Commissaire
de Police. Bouderre (français) animateur d’un réseau
communiste clandestin (fondé par le Colonel colonialiste de
gendarmerie Artous, protégé de Marcel Paul, de Tillon
et du colonel Manhes, Président de l’Association des F.T.P. et
Collaborateur de l’«Humanité »). Il importe de
souligner que le père Lopez étant — jusqu’à
l’indépendance du Royaume marocain — le véritable
dictateur de l’Administration tangéroise, des communistes,
comme le gendarme Bouderre, n’hésitaient pas à lui
lécher les sandales, pour avoir de l’avancement et à
moucharder auprès de lui leurs propres complices.
Au
cours de ces visites tangéroises, Marques rencontrait au
domicile du policier Garette (marié à une Allemande
nazie farouche) toute la tourbe des « colonialistes » et
des « anti-Arabes ». Et, à son retour à
Madrid, il s’empressait. de rendre ses devoirs à la Nonciature
Apostolique, afin de faire pression sur Franco, dans le but de
destituer le Haut-Commissaire à Tétuan — le Général
Garcia Valino — qui travaillait en faveur de l’indépendance
marocaine.
Marquès-Rivière
fut au nombre des partisans de la toute récente politique
francophile de Franco. Car, son patron, Tisserand, espère que
la création — ou plus exactement les tentatives de création
— d’un grand parti démocrate chrétien : 1) En France
par Bidault, 2) en Espagne par l’ancien ministre des affaires
étrangère Artajo, fortement appuyés sur celui de
Fanfanny en Italie et d’Adenauer en Allemagne, pourrait être la
base d’un nouveau Saint Empire Romain qui, doté d’une
puissante armée, serait susceptible de faire la « Reconquista
de l’Afrique du Nord ».
Tisserand
fait tout ce qu’il peut pour éviter l’inauguration de
relations diplomatiques entre Rabat et Moscou, car un Nonce à
Rabat et un Ambassadeur du Royaume marocain près du Saint
siège le mettraient dans l’impossibilité de continuer à
comploter contre les musulmans d’Afrique du Nord.
Bien
que — comme Lorrain — il soit farouchement germanophobe,
Tisserand, dans son acrimonie contre l’Islam, tente de favoriser
l’entrée de l’Espagne dans le « Marché Commun »
(véritable instrument de la haute finance internationale
colonialiste, contre l’économie africaine qu’ils veulent
hypothéquer à leur profit exclusif), avec les appuis de
l’Allemagne. Avant de quitter Madrid pour Rome, au début du
mois de juin, le Ministre de l’Économie Ullastres avait eu une
longue conversation à la nonciature de Madrid, pour y recevoir
des consignes et des introductions de Tisserand auprès de
hautes personnalités allemands, notamment du Dr Abs (Chevalier
du St. Sépulcre et conseiller intime d’Adenauer). Aussi, ce
n’est certainement pas par simple effet du hasard qu’une coalition
germano-hispanique va — très prochainement — édifier,
avec le concours de fonds qui seraient fournis par la Banque Mondiale
de Reconstruction, « une industrie de bombe atomiques » non
seulement à Sobrom (sur les rives de l’Elbe), mais, surtout à
Rio Muni (Guinée espagnole). Destinées à l’armée
espagnole , ces bombes ne serviront – elles pas un jour à
préparer la revanche des colonialistes ? Que nos amis musulmans
d’Afrique du Nord ouvrent l’œil ! (…)