Que
Julien Green ait fait paraître le septième tome de son
Journal (1955 – 1957) au dernier trimestre de l’année
1958 prouve qu’il ne craint ni de dévoiler sa vie présente
à ses lecteurs, ni de voir éclipser son livre sous le
trop lourd amas des romans de fin d’année. Son livre fut
d’ailleurs, avec le Lion de Joseph Kessel et le Président
de Georges Simenon, un des rares à retenir l’attention
d’un public sinon lettré, du moins connaisseur. La course
aux « glorieux prix » étant déjà
oubliée, que reste-t-il de cette marée, à part
ces trois ouvrages ? Quelques promesses de talent peut-être, et
encore…
On
a beaucoup parlé du Journal de Julien Green, et presque
toujours pour en faire l’éloge. La vocation de l’écrivain
y est évidente : chaque page, chaque ligne sont écrites
avec clarté, précision et naturel ; et rien n’est
jamais gratuit ou faux. On y sent toujours une présence
humaine attentive à ne pas se leurrer ; le goût de la
vérité est profondément en elle au point de
paraître souvent une présence toute spirituelle à
peine intellectuelle. Car, plus que jamais dans ce tome, Julien Green
épanche sa foi, son amour de Dieu, sa hantise du Diable, et sa
ferveur chrétienne est tantôt celle d’un brûlant
mystique, tantôt celle d’un sévère janséniste.
Catholique contemplatif, il semble s’être encore détaché
de toute vie mondaine et littéraire pour jouir d’une sorte
de sagesse, exceptionnelle de nos jours, où la beauté,
le silence et la solitude tiennent une grande place. On peut se
demander en lisant ce journal si Julien Green ne délaisse
pas les hommes, et par suite s’il ne manque pas de charité,
mais on sait que ce journal n’est pas complet et que sa limpidité
cache un mystère qu’un lecteur attentif pressent toujours.
Aussi, fidèles comme incroyants, pouvons-nous faire confiance
à cet homme dont l’intégrité mérite
l’estime et l’admiration. Julien Green nous touche tous par sa
sincérité et sa retenue, si dignes et si simples ; son
fécond journal nous paraît donc, avec ses lumières
et ses ombres, selon le beau mot de Robert Mallet, comme une « confidence qui se juge et qui ne s’avoue jamais ».
Georges
Belle