La Presse Anarchiste

Témoins intemporels

Madame
de Staël

La
plu­part des hommes médiocres sont au ser­vice de l’événement ;
ils n’ont pas la force de penser plus haut qu’un fait ; et
quand un oppresseur a tri­om­phé ou qu’une vic­toire est
per­due, ils se hâtent de jus­ti­fi­er, non pas précisément
le tyran, mais la des­tinée dont il est l’instrument.
Il y a dans l’homme un cer­tain besoin de don­ner rai­son au
sort quel qu’il soit, comme si c’était une manière
de vivre en paix avec lui.

(Dix
années d’exil)

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Michelet

Sur
la Hongrie :

Ce
qui étonne le plus de ce peu­ple, c’est son silence. Il
laisse les jour­naux igno­rants dire, répéter que la
Révo­lu­tion hon­groise fut aris­to­cra­tique. — Chose pourtant
vraie en un sens. La nation entière est une aris­to­cratie de
vail­lance et de dig­nité. Il y a là cinq mil­lions de
cheva­liers. Et pas un paysan ne s’estime moins que le premier
palatin du roy­aume. On le voit dans les chants innombrables,
guer­ri­ers ou satiriques, que 1848 a inspirés, surtout dans
l’œuvre de leur pre­mier poète, Petöfi…

(His­toire
de France)

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Mon­taigne

Non
parce que Socrates l’a dict, mais parce qu’en vérité
c’est mon humeur, et à l’adventure non sans quelque excez,
j’estime touts les hommes mes com­pa­tri­otes ; et embrasse un
Polon­ais comme un François, post­posant cette liai­son nationale
à l’univer­selle et com­mune. Je ne suis gueres feru de
la doul­ceur d’un air naturel ; les cog­nois­sances toutes neufves et
toutes miennes me sem­blent bien val­oir ces aultres com­munes et
for­tu­ites cognois­sances du voysi­nage ; les ami­tiez pures de
nos­tre acquest empor­tent ordi­naire­ment celles ausquelles la
com­mu­ni­ca­tion du cli­mat, ou du sang, nous joignent. Nature nous a mis
au monde libres et des­liez, nous nous empris­on­nons en certains
destroicts, comme les roys de Perse, qui s’obligeoient de ne boire
jamais aultre eau que celle du fleuve de Choaspez, renonçeoient,
par sot­tise, à leur droict d’usage en toutes les aultres
eaux, et asse­i­choient, pour leur re­gard, tout le reste du monde.

(Livre
III, drap. IX)


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