La Presse Anarchiste

« À la recherche d’Albert Camus »

 

Les
« étranges lucarnes » (A. Rib­aud dix­it), au service
d’un régime qui, depuis 1958, s’évertue à
nous faire pren­dre des vessies pour des lanternes et d’insolentes
fripouilles pour d’honnêtes citoyens, les « étranges
lucarnes » nous ont récem­ment grat­i­fiés d’une
émis­sion pavée de bonnes inten­tions s’intitulant :

« A
la recherche d’Albert Camus ». L’annonce de cet événement
provo­qua néces­saire­ment par­mi nous un mou­ve­ment d’intérêt.
Mais dire que la suite combla tous nos désirs serait exagéré.
Comme l’observa juste­ment « le Canard enchaîné » :
« Il s’agirait de savoir si c’est à Calderon ou à
Camus que la TV voulait ren­dre hom­mage… Certes Camus a adapté,
en 1953, « La Dévo­tion à la Croix»… Mais
qui oserait dire que « La Dévo­tion à la Croix »
est représen­ta­tive de la pen­sée de Camus ? Adapter ne
veut pas dire adopter. Si la TV voulait vrai­ment, comme elle
l’a annon­cé, ren­dre hom­mage à Albert Camus, que
n’a‑t-elle puisé dans le théâtre de Camus
lui-même ? En mon­trant « Les Justes », par exemple. »

On
ne saurait mieux dire. Mais les tartuffes qui se sont emparés
des leviers de com­man­des à la faveur de la las­si­tude, voire de
la « trouille » du corps élec­toral, ne sont pas à
une escro­querie près. Ils auraient tort de se gêner,
n’est-ce pas, puisque rien ne s’oppose à leurs entreprises
dans le sys­tème jésui­t­ique que la Ve nous impose !
Cer­tains per­son­nages ne sup­por­t­ent pas que Camus ait toute sa vie
fait preuve d’un agnos­ti­cisme irré­ductible. Si l’un des
plus hauts esprits de ce temps témoigne d’une parfaite
indif­férence à l’égard des dogmes religieux et
pousse l’indépendance spir­ituelle jusqu’à se faire
enter­rer civile­ment, ces Messieurs ne peu­vent qu’enregistrer avec
effroi le cam­ou­flet qu’une telle atti­tude con­stitue à leurs
yeux. Et vite de trav­e­s­tir cela en dirigeant les caméras vers
des images pro­pres à dérouter le juge­ment pub­lic et à
faire dire à Camus ce qu’il n’a jamais voulu dire.

Bref,
l’émission « A la recherche d’Albert Camus »
prit le départ d’une façon décon­cer­tante pour
ceux qui attendaient Camus et non une con­tre­façon. Par la
suite, on se sen­tit un peu mieux, par­ti­c­ulière­ment quand les
vrais amis de Camus prirent la parole : Brice Parain, Louis Guilloux,
Suzanne Agne­ly, Roger Gre­nier, quelques typos de « Combat »,
etc. Mais l’impression de malaise éprou­vée dès
le début n’aurait pu s’estomper que si la voix de Camus
s’était davan­tage fait enten­dre. Là encore,
mal­heureuse­ment, il y eut indi­gence, à croire que Messieurs
les four­nisseurs des « étranges lucarnes »
red­outaient de faire écouter à leurs audi­teurs une
parole discordante…

Nous
atten­drons donc qu’à l’occasion d’un nou­veau 13 mai les
antennes, changeant de main, retrou­vent un usage plus con­forme à
nos goûts. Mais c’est là une autre histoire…

Robert
Proix


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