Notre
ministre de la « Culture » — autrefois bon écrivain
et mercenaire — vient de juger discourtois que soit présenté
au festival de Venise « Tu ne tueras point », le film
apatride (il fallait bien cela) de Claude Autant-Lara, sur
l’objection de conscience, naturellement interdit en France. [[Cf.
l’article de Michel Duran dans « le Canard enchaîné »
du 20. 9. 61]]
Nous
ne saurions dire, ne l’ayant pas encore vu, quelle est la valeur
cinématographique de ce film, mais nous pensons que c’est là
une œuvre honnête et courageuse qui mérite la plus
grande sympathie, et bien davantage encore. C’est la première
fois, en effet, qu’un film traite, avec ou sans ambages, de ce
sujet, toujours tabou en France…
Nous
aurions voulu que « La Ballade du soldat » de Grigori
Tchoukhrai soit plus qu’un faux film contre la guerre et y trouver
autre chose que d’admirables images [[Comment
oublier le court métrage qui l’accompagnait : l’histoire
poignante et belle de l’amitié unique entre un aigle sauvage
et un enfant libre. Une telle réussite mérite d’être
signalée ; mais qui nous donnera le nom de l’auteur?]]. Cependant, dès le
générique nous étions prévenus, le
conseiller « technique » étant un colonel
(soviétique, il est vrai!).
Il
est pourtant de très belles séquences. Nous pensons au
soldat poursuivi par un char, à la rencontre du soldat et de
la jeune fille dans ce train qui traverse des champs de blé,
des forêts de bouleaux, des mares glacées, pour
n’arriver jamais, à la course folle de la mère et son
désespoir lorsqu’elle apprend qu’à peine arrivé,
son fils repart à la guerre.
Oui,
un beau film, quand même. Et humain, malgré les
flonflons héroïques, patriotards et moralisateurs, dont
nos cinéastes « bourgeois » commencent enfin à
se libérer, mais sur lesquels leurs confrères du monde
« socialiste » n’en ont pas encore fini de danser en —
ou plutôt sur mesure.
N’est
pas Eisenstein qui veut.
M.
B.