La Presse Anarchiste

Actions directes aux États-Unis

 

[(L’étude
qui suit était prête à publier avant l’assassinat
de Mar­tin Luther King ; depuis, la presse a abon­dam­ment parlé
du « pro­blème noir » des « non-violents »,
puis, un assas­si­nat en pous­sant un autre, Bob Ken­ne­dy a pris la
vedette, ce qui a lais­sé en sus­pens un cer­tain nombre de
ques­tions. De toute façon, nous ne pen­sons pas que ces
meurtres remettent quoi que ce soit en cause, sinon jus­te­ment la
vio­lence qui trouve aux États-Unis son ter­rain d’élection ;
nous publions donc à notre tour cet his­to­rique de la prise de
conscience poli­tique des gens de cou­leur en Amé­rique, dans
lequel s’insère l’action cou­ra­geuse de King, de Mal­colm X
et de leurs cama­rades qui conti­nuent à lutter.)]

Quelques
don­nées historiques :

Par­ti­ci­pa­tion
des Noirs à la révo­lu­tion amé­ri­caine contre
l’Angleterre (Cris­pus Attuck tué par les Anglais en 1770).

Pâles
ten­ta­tives sans résul­tat de Jef­fer­son pour inclure l’abolition
de l’esclavage à la décla­ra­tion d’indépendance
des USA : les jeunes États libres ne veulent déjà
pas prendre de risques éco­no­miques et sociaux.

Guerre
de Séces­sion à pro­pos du pro­blème noir.

Abo­li­tion
de l’esclavage.

En
1866, le suc­ces­seur de Lin­coln, John­son (un nom prédestiné)
fait voter les infâmes « codes noirs » qui réduisent
les Noirs à l’état d’esclaves « en liberté »
et leur inter­disent pra­ti­que­ment le béné­fice de la loi.

De
1892 à 1895, révolte agraire des Noirs et des Blancs
pauvres. Réac­tion : ségré­ga­tion légalisée
en 1896 par la « Déci­sion Fer­gu­son » proclamant
hypo­cri­te­ment Noirs et Blancs « sépa­rés mais
égaux ».

Créa­tion
en 1910 de la NAACP (Natio­nal Asso­cia­tion for the Advan­ce­ment of
Colo­red People) qui existe encore et qui se pro­po­sait d’obtenir par
des moyens légaux :

 — L’abolition
de la ségrégation.

 — L’égalité
des avan­tages pour l’éducation.

 — Le
droit de vote pour les Noirs.

 — L’égalité
devant la justice.

Au
bout d’un demi-siècle de patience, les Noirs se lassent et
passent à l’action directe. Ce qui est remarquable,
c’est que cette action directe soit non violente.

1.
Ségré­ga­tion dans les bus

Le
1er décembre 1955 à Mont­go­me­ry, Ala­ba­ma, Mme Rosa Park
s’assied dans la sec­tion noire de l’autobus. Toutes les places
réser­vées aux Blancs étant occu­pées, le
chauf­feur lui demande de céder sa place à un Blanc,
elle refuse, on l’arrête.

Le
boy­cott des auto­bus est déci­dé à par­tir du lundi
sui­vant pour appuyer une demande à plus de correction.

Les
pas­teurs réper­cutent la déci­sion à l’office du
dimanche ; l’un d’entre eux, Mar­tin Luther King accepte d’être
l’organisateur du boycott.

La
NAACP refuse de s’associer parce que les exi­gences ne sont pas
car­ré­ment contre la ségré­ga­tion : participation
de 50 000 Noirs ; Luther King est emprisonné.

La
reven­di­ca­tion est main­te­nant la fin de la ségrégation
dans les auto­bus ; la NAACP entre en jeu et obtient l’illégalité
de la ségré­ga­tion dans les autobus.

La
lutte n’est pas ter­mi­née pour autant, reste à faire
appli­quer la loi à Mont­go­me­ry et ailleurs. Pour cela,
la manière léga­liste de la NAACP n’est pas l’outil
qu’il faut. Mar­tin Luther King et d’autres pas­teurs créent
le SCLC (Sou­thern Chris­tian Lea­der­ship Conference).

Ce
mou­ve­ment n’est pas tout à fait à l’image de son
lea­der, le véri­table direc­teur en étant plutôt
Wyatt Wal­ker. Le sec­ta­risme de cer­tains de ses membres nuit à
la réus­site de ses actions. Tou­te­fois il a sou­te­nu toutes les
actions non vio­lentes qui ont eu lieu ces der­nières années,
sit-ins, marches, et il a créé des écoles
civiques (51 en 1962) qui enseignent les rudi­ments permettant
l’émancipation des Noirs ain­si qu’un entraî­ne­ment à
la non-violence.

2.
Sit-ins

Green­bo­ro,
Caro­line du Nord 1960, quatre étu­diants noirs du collège
agri­cole et tech­nique s’installent dans la par­tie réservée
aux Blancs d’un res­tau­rant et refusent de s’en aller ; comme à
Mont­go­me­ry, c’est une révolte contre la ségrégation
qui suit leur arrestation.

Un
comi­té s’est for­mé qui fait appel à toutes les
orga­ni­sa­tions noires sus­cep­tibles de faire abou­tir une action visant
à sup­pri­mer la ségré­ga­tion dans les restaurants.
Par­mi ces orga­ni­sa­tions, le CORE (Congress of Racial Equa­li­ty) est la
pre­mière à intervenir.

Pré­co­ni­sant
l’action directe depuis une ving­taine d’années, le CORE
était à même de manier cet outil avec succès ;
en quelques heures les pro­pa­gan­distes du CORE étaient sur
place pro­cé­dant à l’entraînement des étudiants
sus­cep­tibles de par­ti­ci­per aux actions par répétitions
avec des pro­vo­ca­tions pour tes­ter leurs réactions.

Mar­tin
Luther King arri­va le len­de­main. Les envoyés de la NAACP
vinrent quelques jours après et orga­ni­sèrent aus­si des
écoles d’entraînement.

Le
mou­ve­ment s’étend à tous les États du sud,
envi­ron 70 000 Noirs par­ti­cipent acti­ve­ment, 4 000 sont arrêtés
au cours de quelque 800 sit-ins. Résul­tats : Déségrégation
dans les res­tau­rants, acquise dans au moins 8 villes.

Convic­tion
main­te­nant solide de la valeur et de la supé­rio­ri­té de
l’action directe non violente.

Les
Noirs n’ont plus peur.

Déci­sion
de for­mer chez les étu­diants une orga­ni­sa­tion qui leur soit
propre, le SNCC (Student Non violent Coor­di­na­ting Com­mit­tee) ou
« Snick », pour conti­nuer les sit-ins et y adjoindre le
boy­cott éco­no­mique comme moyen de sou­tien et de pression.

3.
Marches de la liberté

Elles
furent orga­ni­sées par le CORE pour s’attaquer à la
ségré­ga­tion dans les gares.

Le
4 mai 1961, départ de Washing­ton d’une suite de marches et
de tra­ver­sées des cam­pagnes en auto­cars se diri­geant vers
New-Orleans. A chaque étape les mar­cheurs tentent de pénétrer
dans les salles d’attente et les buf­fets réser­vés aux
Blancs. A chaque fois des arres­ta­tions ont lieu et des manifestations
non vio­lentes sont orga­ni­sées pour faire libé­rer les
déte­nus. A Annis­ton, une foule de Blancs incen­die le car qui
amène les mar­cheurs : 12 Noirs sont admis à l’hôpital
pour brû­lures ou début d’asphyxie ; ils rejoignent plus
tard Bir­min­gham. Nou­velle attaque à Bir­min­gham : un Noir a
besoin de 50 points de suture à la tête.

La
marche se dis­loque à New-Orleans le 17 mai, comme prévu
par le CORE.

A
par­tir du 17 mai, la marche conti­nue mais élar­gie et sous la
res­pon­sa­bi­li­té du SNCC, du SCLC, du CORE et d’autres
orga­ni­sa­tions moins en vue impli­quant aus­si des Blancs.

Les
marches partent de plu­sieurs endroits à la fois, à
Mont­go­me­ry, une émeute raciale éclate à
l’arrivée des cars de la liber­té, au moins six Noirs
sont bles­sés dont trois griè­ve­ment ; des Noirs qui ne
par­ti­cipent pas à la mani­fes­ta­tion sont atta­qués ainsi
que des Blancs qui ont l’air sym­pa­thi­sants. La police arrive dix
minutes plus tard et arrête les Noirs. A noter que Kennedy
lui-même avait télé­pho­né à
Pat­ter­son, gou­ver­neur d’Alabama, pour lui deman­der d’assurer
l’ordre et la sécu­ri­té des Noirs. Les troupes
fédé­rales sont envoyées à Montgomery ;
elles y arrivent en même temps que Luther King qui s’adresse
aux Noirs dans une église. L’église est cernée
par les émeu­tiers blancs qui sont refou­lés par la
police fédé­rale. Pat­ter­son dénonce
l’intervention fédé­rale. Bar­nett (gou­ver­neur du
Mis­sis­si­pi) offre son sou­tien à Pat­ter­son contre Kennedy.

Le
par­ti nazi envoie un « bus de la haine » de Washing­ton à
La Nouvelle-Orléans.

Arri­vés
à Jack­son, Mis­sis­si­pi, 27 mar­cheurs sont arrêtés
à la gare comme ils tentent d’utiliser les salles d’attente
et le buf­fet réser­vé aux Blancs. Ils seront condamnés
à 100 000 francs d’amende et deux mois de pri­son avec
sur­sis. Des chiens poli­ciers sont uti­li­sés pour interdire
l’accès du palais de jus­tice aux Noirs.

A
Mont­go­me­ry, un lea­der noir reçoit une balle dans le bras. Le
27 mai la marche est terminée.

Le
22 sep­tembre, la ségré­ga­tion dans les gares est
inter­dite par un arrê­té de la com­mis­sion pour le
Com­merce entre les États.

Le
1er novembre le décret d’application est publié.

Les
condi­tions dans les­quelles vivent les Noirs ont fait naître une
impa­tience amère quant à la len­teur des résultats
obte­nus par la non-vio­lence et une frac­tion impor­tante des Noirs
s’est tour­née vers Eli­jah Muhammad.

*
* *

Action
vio­lente et prise du pouvoir

1.
Musul­mans noirs

Muham­mad
et Mal­colm X font une ana­lyse détaillée de la situation
éco­no­mique des Noirs et la cris­tal­lisent sous forme d’une
équation :

Dieu
= Noir = Bien Diable = Blanc = Mal

Tout
découle ensuite avec logique de cette affirmation.

Les
musul­mans ont donc créé une nou­velle foi très
ori­gi­nale et tout à fait adap­tée au peuple noir et à
ses condi­tions actuelles. C’est pour­quoi ils ont tou­ché les
masses beau­coup plus pro­fon­dé­ment qu’aucun autre mouvement.

Ils
réclament le pou­voir noir sans cor­rup­tion avec les Blancs,
donc dans le cadre d’un État noir en dehors des États-Unis
actuels.

Ils
exigent une force morale et la sus­citent chez leurs adeptes :
pro­pre­té, pas d’alcool, pas de tabac, pas de drogue, pas de
danse, fidé­li­té conju­gale, tra­vail, entraide.

Les
sta­tis­tiques judi­ciaires montrent que les musul­mans sont la meilleure
agence de réha­bi­li­ta­tion cri­mi­nelle qu’on ait jamais vue et
que les pri­sons sont leurs plus sûrs bureaux de recrutement.
Ils rendent les Noirs fiers d’être noirs.

Ils
ont mis dans une posi­tion incon­for­table les prêtres noirs qui
doivent, main­te­nant pour se mettre au goût du jour et sous
peine de perdre leurs ouailles, trou­ver des christs d’ébène
et des bons Dieux à tête de trom­pet­tistes de jazz. Et
sur­tout, ils obligent les diri­geants noirs à prendre des
posi­tions de plus en plus dures.

2.
Pou­voir noir

Sur
la lan­cée des « black mus­lims », et les intégrant
bien­tôt, se déve­loppe main­te­nant le mou­ve­ment pour le
pou­voir noir ; ce sont sur­tout les membres les plus durs du SNCC (non
violent à l’origine comme le rap­pelle son sigle) et du CORE
qui ont repris à leur compte le pro­gramme des musulmans :
par­ti­ci­pa­tion des Noirs au vote non seule­ment comme électeurs
mais comme can­di­dats (Julian Bond a été élu en
1965 mais deux fois inva­li­dé); obte­nir 20% des voix pour être
recon­nus comme par­ti poli­tique et pou­voir négo­cier dans une
posi­tion de force avec les Blancs. Il est curieux de noter sous
l’égide de la Pan­thère noire, sym­bole du black power,
des concep­tions prou­dho­niennes uti­li­sées pour l’autogestion
de la com­mu­nau­té noire :

 — Créa­tion
de coopé­ra­tives noires ;

 — Créa­tion
de socié­tés de crédit.

Paral­lè­le­ment,
cha­cun des mou­ve­ments conti­nue à lut­ter contre la ségrégation,
ce qui peut paraître bizarre, pour l’égalité
d’éducation, pour l’internationalisation de la lutte
contre le capi­ta­lisme blanc, en par­ti­cu­lier soli­da­ri­té avec le
Viet­nam et les Noirs d’Afrique du Sud.

Une
des che­villes qui rendent solide l’édifice natio­na­liste noir
est d’avoir mis l’accent sur les deux aspects du problème
noir : ils sont noirs et ils sont pauvres.

L’intégration
ne tend à résoudre qu’un des aspects du problème
et, à leurs yeux, elle n’est qu’un « sub­ter­fuge pour
main­te­nir la supré­ma­tie des Blancs en mas­quant le principal
conflit ».

Les
dis­ciples de Car­mi­chael se situent donc fran­che­ment contre le
capi­ta­lisme même contrô­lé par les Noirs et pour
une socié­té basée sur l’esprit de communauté
et la fra­ter­ni­té (entre Noirs car l’amitié des Noirs
pour les Blancs n’a été que trop tra­hie). La seule
aide qu’ils acceptent des Blancs, c’est la lutte intérieure
qu’ils doivent mener à l’intérieur d’eux-mêmes
et de leur monde pour apprendre la liber­té et arrêter
les guerres racistes que mènent les Blancs un peu partout.
Pour cela les Blancs doivent être capables d’éprouver
« la honte qui peut deve­nir une émo­tion révolutionnaire ».

En
fait mal­gré leurs excès, les par­ti­sans du black power
pro­cèdent d’une cri­tique posi­tive des mou­ve­ments non
vio­lents qui les ont pré­cé­dés, aucun d’eux n’a
été révo­lu­tion­naire, et ils ont le mérite
de remettre en cause le sys­tème éco­no­mique américain
et de reje­ter cette soi-disant démo­cra­tie qu’ils trouvent
pour­rie à juste titre.

Ce
qu’ils entendent par pou­voir noir, c’est donc avant tout la
pos­si­bi­li­té pour eux de s’autogérer en dehors de
toute tutelle et, pour ce faire, il leur faut quit­ter le giron de
l’État actuel.

Main­te­nant,
de par leur approche du pro­blème, ne sont-ils pas amenés
à devoir faire face tôt ou tard au pro­blème que
pose la créa­tion d’un État « socialiste » ?

Ce
sont les craintes qu’émettent des non-vio­lents de l’Institut
pour l’étude de la non-violence.

*
* *

Pou­voir
noir et non-violence

1.
Points de vue

En
cher­chant à conqué­rir le pou­voir et en uti­li­sant la
vio­lence, les Noirs risquent de deve­nir comme les Blancs contre
les­quels ils luttent et de deve­nir pri­son­niers de leurs institutions.

Dans
le domaine de la force bru­tale, les Blancs sont les plus forts.
Cepen­dant les Noirs, avo­cats du pou­voir noir, n’ont jamais utilisé
la vio­lence pour abou­tir à leurs fins, ils n’ont fait
que pro­cla­mer qu’ils l’utiliseraient en cas de légitime
défense. Leur atti­tude pro­cède d’un désespoir
devant une situa­tion que les mou­ve­ments non vio­lents n’ont fait
pro­gres­ser que dans des pro­por­tions infimes, dans les domaines
essen­tiels : tra­vail, loge­ments, écoles.

Leur
prin­ci­pale idée est d’organiser les Noirs dans des
ins­ti­tu­tions qui leur soient propres afin qu’ils puissent prendre
eux-mêmes les déci­sions qui les regardent.

2.
Synthèse

Les
élé­ments posi­tifs du black power n’ont rien qui soit
irré­duc­tible à l’emploi de la violence.

Au
contraire, il semble que seule la non-vio­lence puisse libérer
à la fois les Blancs et les Noirs et accom­plir le pro­gramme du
pou­voir noir dans ce qu’il a de révo­lu­tion­naire (esprit de
com­mu­nau­té, fra­ter­ni­té, rejet du capitalisme).

Mais
pour cela les non-vio­lents doivent élar­gir et appro­fon­dir leur
champ d’action et se pro­cla­mer révo­lu­tion­naires. En tout
cas, il ne leur reste que cette solu­tion s’ils veulent rega­gner la
confiance des masses noires.

3.
Per­sis­tance de la non-violence

Cepen­dant,
du côté des Blancs, les concep­tions non vio­lentes de
non-coopé­ra­tion et d’obstruction à la violence
offen­sive de l’État pré­valent tou­jours notam­ment dans
l’action paci­fiste, comme on a pu le voir lors du sit-in au
Penta­gone le 21 octobre 1967.

A
l’appel du Natio­nal Mobi­li­sa­tion Com­mit­tee, une cen­taine de mille
de mani­fes­tants prirent posi­tion autour du Penta­gone. Les plus durs
débordent la police et s’assoient sur les marches, devant la
ligne de sol­dats qui gardent l’immeuble. La plu­part y resteront
toute la nuit, ravi­taillés par les « dig­gers » en
nour­ri­ture et en bidons d’eau, pour y plon­ger des mou­choirs qui
ser­vi­ront de masques à gaz lacry­mo­gène, des feux de
joie étaient allu­més de temps en temps avec des
feuilles de mobilisation.

Au
point de ren­contre avec les sol­dats, une cer­taine compréhension
fut pos­sible, même plu­sieurs ten­ta­tives de désertion
eurent lieu dont une avec succès.

Les
paras et la police relaient alors les soldats.

Les
porte-voix des orga­ni­sa­teurs donnent des conseils — accrochez-vous
les bras, — asseyez-vous tout près les uns des autres, —
ne répon­dez ni aux injures ni aux coups, — protégez
vos têtes, vos par­ties géni­tales, — enle­vez boucles
d’oreilles, épingles, colliers.

Charge
de la police à coups de crosse et de matraque.

Aucune
vio­lence des mani­fes­tants, aucune fuite.

Des
bles­sés sont empor­tés, plu­sieurs ont des os brisés.

Quatre
cents mani­fes­tants sont arrê­tés dont deux cents relâchés
aus­si­tôt, faute de place ; les autres sont condam­nés à
25 dol­lars (12 000 AF) d’amende, cinq jours de pri­son avec sursis
et pro­messe de ne plus mani­fes­ter à Washington.

Quelques
dou­zaines refusent de payer ou de signer ; ils sont mis au cachot,
sans vête­ments, sans cou­ver­ture sur le béton nu, les
poi­gnets liés.

Ils
font la grève de la faim.

*
* *

Le
conflit prend l’allure d’un conflit de générations.

L’esprit
des jeunes est non violent et hos­tile aux plus de trente ans
« va-t-en-guerre » et patriotards.

Une
cer­taine soli­da­ri­té des jeunes se des­sine, les jeunes soldats
et même les jeunes flics ont répu­gné à
cogner sur les non-violents.

De
nou­velles tac­tiques d’une non-vio­lence plus « ludique »
sont envisagées :

 — Faire
l’amour sur les pelouses de la Mai­son Blanche ;

 — L’hilarité
devant les charges et les bombes lacrymogènes ;

 — Mani­fes­ter
nus devant le Pentagone ;

 — « Se
ser­vir de la bouse de leur poli­tique pour fer­ti­li­ser des champs de
fraisiers» ;

 — Ridi­cu­li­ser
le pou­voir et débar­ras­ser leurs aînés du besoin
qu’ils se donnent d’avoir des enne­mis à tuer.

Michel
Bouquet

La Presse Anarchiste