Il
nous est arrivé dans cette revue de publier des pages de Paul
Rassinier, il y a bien longtemps de cela. Mais, il y a beaucoup moins
longtemps, Roger Hagnauer, dans « La Révolution
prolétarienne », commentait avec sérieux je ne
sais plus quelles idées de ce publiciste, puis, dans un
article ultérieur, confiait qu’on le lui avait reproché.
Ce « on », pour ne le point celer davantage, c’était
moi. Effectivement, pendant un temps assez long, j’avais pensé
(comme l’a bien montré l’hospitalité que ne lui
refusa pas « Témoins ») pouvoir, sur la foi de la
confiance que lui accordaient d’excellents amis, admettre que
l’auteur du « Mensonge d’Ulysse », dût-il bien
souvent paraître se tromper, obéissait à un
authentique besoin de chercher et de dire le vrai. Ce fut même,
selon toute apparence, longtemps son cas, et il est tout à
fait possible qu’il croie, encore aujourd’hui, ne chercher et ne
dire que la vérité. Navrante illusion. Parce qu’il a
eu, au retour de la déportation, le mérite de dénoncer
ce qui se mêlait de faux aux thèses très
officielles de partisans trop intéressés, Paul
Rassinier en est venu peu à peu à s’imaginer que la
vérité est toujours l’opposé des notions
admises. Pour le plus grand plaisir, sans doute, des nazis
impénitents et des amis de l’OAS, il prétend ainsi,
dans son dernier livre, démontrer non seulement que le procès
Eichmann est « illégal » — c’est peut-être
vrai, mais ce qu’on s’en fout ! — mais encore que le repoussant
obsédé de la « solution finale » ne fut
jamais autre chose que conséquent avec lui-même. Un
innocent, pour ainsi dire. Je ferai grâce au lecteur de la
pesante argumentation de l’ouvrage. Je retiendrai seulement, pour
mettre en évidence dans quel « esprit » il est
rédigé, que Rassinier insinue que les horreurs des
camps de la mort sont pure légende (peu s’en faut qu’il ne
demande aux survivants, comme un Pierre Daix à David Rousset
dénonçant les camps staliniens, pourquoi ils les ont
« inventés »). Bien plus : l’évidemment
coupable entêtement que montrent l’Etat d’Israël et
les juifs en général à ne pas laisser oublier
les horreurs subies par leur peuple s’expliquerait, selon la
jugeote avisée de notre profond analyste qui se souvient
apparemment d’avoir jadis ânonné le rudiment du
matérialisme historique dans sa forme la plus simpliste, par
le seul souci d’obtenir de l’Allemagne de plus fortes indemnités.
« Il s’agit ici, peut-on lire (avec un haut-le-corps) d’une
assez sordide histoire d’argent » (p. 40). J’en demande bien
pardon à Roger Hagnauer, d’ordinaire toujours si sûr
dans son appréciation des idées et des hommes, il est
au-dessus des forces d’un lecteur tant soit peu averti de ne point
renâcler devant l’indulgence qu’il garde envers un
polémiste capable de se laisser aller à écrire
des choses aussi honteuses. L’auteur de pareilles bassesses est, à
mon avis, un égaré peut-être, mais en tout cas
définitivement disqualifié.
J.
P. Samson