On
n’aura pas lu sans surprise sous la plume de Franck Jotterand
(J’aime le cinéma, tome 2, Ed. Rencontre) cette
appréciation du « Viridiana » de Luis Buñuel :
«…
un ennui intermittent né du sentiment que les personnages sont
artificiels, que la provocation est souvent gratuite, et que c’est
filmé comme du vieux cinéma… l’ensemble est
décousu. »
Assurément
les goûts sont libres. Mais on n’accordera pas la même
impunité à telles mises en garde sournoises ni à
certaines attaques plus ou moins travesties. Récemment encore,
dans un hebdomadaire féminin, M. Jean Dutour apportait sa
contribution bénévole au déjà colossal
sottisier du cinéma. « Le cas de Buñuel est
curieux, écrivait-il. Cet homme qui, pour quatre bons films, a
fait quarante navets déshonorants et méprise
complètement le cinéma inspire un respect et une
crainte sacrés. »
Quant
au Figaro, n’écrivait-il pas l’année passée,
à propos de l’interdiction de « Viridiana » : « En
cette occasion l’Espagne ne s’est pas départie du respect
des valeurs chrétiennes dont la sauvegarde est précisément
une de ses préoccupations essentielles. »
Sans
doute est-il difficile pour certains d’admettre l’irritant
spectacle d’un homme qui a toujours refusé de
transiger. L’irritant spectacle d’une aveuglante liberté.
M.
B.