L’on
dit beaucoup que le cinéma est malade, que, par exemple, ce
qu’on a appelé la nouvelle vague l’aurait amené
à patauger de plus en plus. Et bien sûr, les
dithyrambes qui ont accueilli des productions aussi prétentieuses
que « Les amants » ou « L’année
dernière à Marienbad » seraient plutôt pour
décourager. Pourtant, moi qui boude tellement le théâtre
mais en revanche vais le plus souvent que je peux dans les
salles obscures, la récolte de souvenirs que j’en ai
gardés ces derniers temps fait que je me défie de ces
diagnostics pessimistes trop généralises.
Possible que le cinéma connaisse de grosses difficultés
côté recettes, mais cela c’est une autre paire de
manches. Mais un art qui a pu s’enrichir cette saison-ci de
créations comme le « Vivre sa vie » de Godard, ou
« Cléo de cinq à sept » d’Agnès
Varda, ne peut pas être malade. (À mon regret, je
ne peux pas mettre au même niveau que ces deux réussites
— et il y en aurait quelques autres, encore que moins
évidentes, à signaler, — le film de
Reichenbach « Un cœur gros comme ça », où de
très bons esprits ont déclaré avoir
vraiment vu ce que l’auteur aurait voulu y faire.) — Quant à
juger si le film italien de Giacopetti « Mondo cane » est
une œuvre ou seulement une commerciale utilisation du sensationnel
je n’en déciderai pas. Je dirai seulement qu’il
faut avoir vu cette horrible collection de documents pour
tout à fait savoir l’ignominie que nous sommes, nous
autres, inhumaine espèce humaine.
S.