La Presse Anarchiste

Lectures

 

Lire
« La flamme d’une chan­delle » [[Aux Presses
Uni­ver­si­taires de France.]]) de Gas­ton Bache­lard, « Lit­té­ra­ture
sous Louis XV
 » [[L’A­mi­tié par le Livre, Denoël.]]
d’André Lebois, c’est lire des ouvrages, tout à
fait remar­quables, de grands pro­fes­seurs, d’érudits
éton­nants, de pen­seurs féconds, d’écrivains
doués ; mais c’est lire aus­si des livres com­bien aimés
de leurs auteurs, des œuvres de poètes qui recherchent,
retrouvent la vie — une vie natu­relle, intel­li­gente, sensible —
dans les rêves, dans les flammes, dans la quié­tude, ou
bien dans l’histoire humaine de notre lit­té­ra­ture, dans les
docu­ments inédits mal­me­nant les pon­cifs académiques,
dans les écrits et évé­ne­ments oubliés ou
dénaturés.

Pour
Gas­ton Bache­lard, pour André Lebois, qu’il est passionnant
de rendre plai­sant, impor­tant, actuel, ce qui est considéré
géné­ra­le­ment, non sans une aveugle sécheresse
d’esprit, comme ennuyeux, futile, vieillot ! Non, la rêverie
n’est pas paresse, mais bien créa­tion ima­gi­naire, fantaisie
libre et aus­si consciente de ses limites, jus­te­ment comme la flamme
d’une chan­delle qui, tout à la fois, éclaire et
échauffe, tient éveillé le regard du poète
qu’elle illu­mine, aspire à une ver­ti­ca­li­té sans cesse
gran­dis­sante qui mour­ra pour­tant de sa propre com­bus­tion, de son
propre désir. Eh non, la lit­té­ra­ture passée
n’est pas une morte : cime­tière de papiers où sont
gra­vés, comme dans les « vrais », noms, dates, et
mérites (?), mais bien source de ren­contres ami­cales et
renais­santes, de redé­cou­vertes inou­bliables parce que mille
fois plus exactes, simples, heu­reuses que les leçons
sco­las­tiques et ampu­tées ; et source d’enrichissements
humains, car ces auteurs, qui s’appelaient Vol­taire, Rousseau,
Mon­tes­quieu, Saint-Simon, Lesage, mal­gré leurs vices et leur
folie, savaient prendre le temps de vivre en amou­reux, d’écrire
en artisans.

Cette
flamme infime, ces écri­vains com­plexes, ce sont tou­jours de
pré­cieux amis pour les hommes qui, aujourd’hui encore,
dési­rent rêver, son­ger, créer, se replon­ger dans
un uni­vers moins exté­rieu­re­ment fié­vreux mais plus
inté­rieu­re­ment sen­sible, dans un monde de bon­heur et de
sagesse, dans une chambre vrai­ment à soi et du même
coup, comme par méta­mor­phose, à tous, à tous
ceux qui sou­haitent connaître cette chambre sans âge et
toute en lumière. Sai­sis­sons donc en toute confiance ces
relais, qui sont de res­plen­dis­sants flam­beaux, que nous tendent avec
magni­fi­cence Gas­ton Bache­lard et André Lebois.

G.
B.

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