La Presse Anarchiste

Un stage en Barbarie

[[Cha­pitre extrait de Boo­me­rang, récit d’une enfance, à paraître prochainement.]]


 

Le pié­ton
qui, des Halles, pour se rendre place de la République
emprunte la rue Tur­bi­go, risque fort, s’il est étranger,
pro­vin­cial ou même sim­ple­ment natif de quelque arrondissement
plus dis­tin­gué ou, comme on dit aujourd’hui, résidentiel,
de ne guère éprou­ver d’autre sen­ti­ment que l’ennui
qui se dégage de la morne géo­mé­trie de tant
d’immeubles uti­li­taires qui, très évi­dem­ment, ne sont
même pas dus à l’obsession régulatrice
d’Haussmann mais tout au plus à ses plus bas collaborateurs
secon­dés, quant à l’insignifiance du résultat,
par les pré­oc­cu­pa­tions exclu­si­ve­ment lucra­tives des
spé­cu­la­teurs de l’époque. Et il lui fau­drait, à
ce pié­ton, une grâce toute par­ti­cu­lière pour
qu’arrivé, par exemple, au croi­se­ment de la rue Réaumur,
il s’avise qu’il atteint l’un des lieux les plus augustes de la
ville, avec, sur sa gauche, moins désen­chan­tées par la
suie et la crasse du temps pré­sent que par leur vétusté
même, vou­drait-on dire, fami­liè­re­ment main­te­nues terre à
terre dans l’espèce de bon­ho­mie cam­pa­gnarde qu’elles ont
gar­dée à tra­vers les siècles, les architectures
roma­no-gothiques de l’abbaye de Saint-Mar­tin, aujourd’hui
dégra­dées à la fonc­tion admi­nis­tra­tive de servir
d’abri et de cadre au conser­va­toire des Arts-et-Métiers ; et,
sur sa droite — mais pour s’en rendre compte, encore faudrait-il
qu’il eût l’idée de tour­ner la tête — tout
au bout de l’étroite et sombre tran­chée de la rue
Beau­bourg, immense, la sil­houette de Notre-Dame.

Natif d’un quartier
rési­den­tiel je ne l’étais, ni davan­tage pro­vin­cial ou
étran­ger, et cepen­dant la véri­té m’oblige à
confes­ser qu’aussi ped­zouille que si j’avais été
l’un ou l’autre, il ne m’arriva jamais de prendre conscience de
tant de conver­gents témoi­gnages au long de tous les mois qu’il
me fal­lut quo­ti­dien­ne­ment pas­ser par ce même car­re­four lorsque,
ayant ces­sé d’être élève rue
Etienne-Mar­cel, j’eus à faire, une année durant,
pre­mier appren­tis­sage en somme de l’étranger, ce stage en
Bar­ba­rie que fut pour moi l’appartenance au cours complémentaire
de ma seconde école, celle de la rue Montgolfier.

Dans cette nou­velle maison,
en effet, je ne dirai pas que je fus mal­heu­reux, mais je ne m’y
suis jamais sen­ti chez moi.

Déjà
la situa­tion du bâti­ment, immé­dia­te­ment derrière
le bloc rébar­ba­tif de l’Ecole cen­trale et où ne
menaient que des rues mortes d’ennui, rue Vau­can­son, rue
Mont­gol­fier, ajou­tait à la mono­to­nie de la vie sco­laire un
irré­mis­sible sur­croît d’anonymat. C’est seulement
après-coup, d’ailleurs, que je devais prendre conscience du
carac­tère déses­pé­ré­ment imper­son­nel de
cette espèce de lieu d’exil. Sur le moment, j’en acceptai
la ser­vi­tude comme toute natu­relle, approu­vant même au fond de
moi que mon père, déci­dé­ment fidèle à
sa méthode, eût, cette fois encore, grâce à
un arran­ge­ment à l’amiable, fait en sorte que je pusse
échap­per à la filière nor­male et donc changer
d’école. Motif ? J’en suis confus pour ma chère
mai­son de la rue Etienne-Mar­cel, mais c’est, une fois de plus, à
cause de la répu­ta­tion de l’un des maîtres — le
cours com­plé­men­taire étant confié à deux
ins­ti­tu­teurs — trop jus­te­ment taxé d’intempérance
et dont il était en outre éta­bli qu’il ne savait pas
tou­jours, lorsqu’il avait par trop levé le coude, se retenir
 — on en par­lait tout bas de peur de lui faire perdre sa place —
de pas­ser aux voies de fait vis-à-vis de tel ou tel élève
récal­ci­trant. En écri­vant ceci, je m’avise que c’est
peut-être jus­te­ment parce que l’atmosphère générale,
en ma pre­mière école, était toute cha­leu­reuse et
humaine que cer­taines fai­blesses y pou­vaient ain­si, chez l’un ou
l’autre, sévir sans que per­sonne vou­lût s’abaisser à
faire appel aux tristes règles de la morale et de
l’administration. Que les gens graves s’en indignent, pour ma
part, encore aujourd’hui, la vieille mai­son de la tour de
Jean-sans-Peur reste mon école et, dans mon sou­ve­nir, combien
je l’aime mieux, même avec le défaut que j’ai dit,
que le sérieux sans défaillance, et sans cha­leur, de
l’établissement qui venait de me faire la faveur de
m’accueillir.

Cette
année de mon pas­sage rue Mont­gol­fier avait commencé
plu­tôt mal. Le pre­mier devoir de fran­çais, une rédaction
que l’on nous avait don­née à faire, devait être
un récit de nos vacances. Or, le hasard avait vou­lu que
cette année-là mes parents, ne pou­vant évidemment
pas se dou­ter que j’aurais tout le temps de connaître le pays
par la suite, et com­ment ! m’avaient emme­né en Suisse. A
l’âge que j’avais, tout un voyage et toute une révélation
d’«exotisme ». Aus­si bien les orphéons dominicaux
qui encom­braient, le jour de notre arri­vée par Neuchâtel
 — un dimanche — les wagons curieu­se­ment dis­po­sés avec
leurs bancs minia­tures de part et d’autre d’une longue travée
médiane, que le dédale des rues ber­noises égayées
par leurs drôles de fon­taines jou­joux, puis l’écrasante
proxi­mi­té de la haute mon­tagne lorsque nous avions séjourné,
par une cha­leur étouf­fante, en un petit vil­lage rive­rain de
l’inévitable lac des Quatre-Can­tons, tout cela m’avait
lais­sé dans la tête un bric-à-brac d’images
propre — dame, j’avais douze ans seule­ment et, à douze
ans, c’est bien peu que comptent les monu­ments his­to­riques et les
beau­tés de la nature — à don­ner l’impression, mis
par écrit, d’une col­lec­tion de curio­si­tés plutôt
que le sen­ti­ment de la décou­verte d’un autre coin du monde.
J’ai donc tout lieu de pen­ser que mon topo ne brillait pas par
excès d’originalité et que le père Hannotel,
notre maître pour le fran­çais et matières
assi­mi­lées, eut par­fai­te­ment rai­son de ne le point hono­rer de
la meilleure note, mais de l’incorporer au groupe de copies
clas­sées ex aequo au second rang. Pour­quoi me suis-je
cepen­dant inté­rieu­re­ment regim­bé contre une
appré­cia­tion pro­ba­ble­ment si sage ? Ce n’était pas, je
puis l’affirmer, vani­té de bon élève jusque-là
trop habi­tué à la petite et pour­tant insidieuse
flat­te­rie des suc­cès sco­laires. Après tout, il y avait
peut-être un peu de vani­té quand même ; mais ce
n’était pas l’essentiel. A vrai dire, ce fut beau­coup plus
com­plexe. Car j’eus aus­si­tôt la convic­tion — née
d’ailleurs du com­men­taire énon­cé par le maître
lorsqu’il nous ren­dit nos tra­vaux — qu’avait joué là,
chez notre cen­seur, un sou­ci, au demeu­rant extrêmement
défen­dable, de jus­tice, dirais-je, redis­tri­bu­tive, en ce sens
qu’il avait déli­bé­ré­ment ten­du à
défa­vo­ri­ser — les favo­ri­sés à qui la chance
avait per­mis de connaître des vacances plus intéressantes,
et aus­si plus coû­teuses que n’en avaient eu les autres. Rien,
en somme, de plus logi­que­ment équi­table. Et pour­tant je fus
cho­qué. Ce n’était pas de ma faute, me disais-je, si
j’avais eu cette chance. Quelque chose me souf­flait que cette
jus­tice sour­cilleuse était peut-être une forme
par­ti­cu­liè­re­ment per­fide, parce qu’en appa­rence si
jus­ti­fiée, de l’injustice. Sur le moment, je ne me formulais
pas, ai-je besoin de l’écrire ? si clai­re­ment ma pensée.
Mais par la suite je me suis dit sou­vent que le petit mouvement
rebelle que j’éprouvai alors expri­mait déjà ma
méfiance, qui ne devait que gran­dir et que j’ai gardée
tout entière, envers un cer­tain culte de l’égalité.
Pas ques­tion, bien enten­du, de prendre la défense de
l’inégalité des condi­tions, cette source, c’est
enten­du aus­si, des pires injus­tices. Mais la vérité
oblige à dire que cer­taine obses­sion du juste est loin d’être
tou­jours aus­si pure qu’elle se donne. Par­mi les esprits qui rêvent
d’un monde enfin meilleur, il est facile de recon­naître deux
grandes familles, très dis­tinctes. Il y a ceux, d’abord, qui
pro­cèdent, pour­rait-on avan­cer, de Rous­seau, les absolutistes
de l’égalité, chez qui la chasse aux passe-droit
l’emporte, et de loin, sur l’amour spon­ta­né de la vie
libre, gens qui, le plus sou­vent, quand ils apprennent que Pierre ou
Paul a sujet d’être content, se sentent tout de suite
aler­tés, prêts à décou­vrir un scandale.
Réac­tion qui peut il est vrai, pro­cé­der seule­ment d’un
excès de fidé­li­té aux prin­cipes, et donc se
défi­nir, non point impure, mais au contraire, dirais-je, trop
pure et, de ce fait, pour employer le seul mot qui convienne ici,
emmer­dante, autant que peut l’être toute pen­sée plus
ou moins appa­ren­tée aux tics mora­li­sa­teurs d’une conception
de la vie, tout au fond, pro­tes­tante. — Ce disant, je ne puis
m’empêcher de repen­ser aux pro­pos éton­nants que,
mal­gré toute sa gen­tillesse, me tint un jour — c’était
beau­coup, beau­coup plus tard, en Suisse, pen­dant la seconde guerre
mon­diale — l’excellent pas­teur Ger­ber, qui publiait le courageux
petit Auf­bau de Zurich, — la pre­mière fois que nous
nous ren­con­trâmes après que Silone eut été
cof­fré par la police poli­tique pour avoir entre­te­nu des
rap­ports outre-fron­tière avec l’opposition illégale
contre Mus­so­li­ni. Le bruit — exact — s’était répandu
que le gar­dien de la pri­son, la chose, on va le voir, est toute à
son hon­neur, jus­te­ment plon­gé dans la lec­ture de l’un des
plus beaux livres de Silone, mou­rait de honte d’avoir pour consigne
d’en main­te­nir l’auteur sous les ver­rous. Ledit gar­dien et,
faut-il ajou­ter, l’administration elle-même, s’étaient
donc ingé­niés à adou­cir autant que pos­sible le
régime. Tout cela, que me racon­tait Ger­ber, je le savais déjà
et m’en réjouis­sais de tout mon cœur. Mais mon brave homme
de pas­teur, lui, trou­vait : ce n’est pas juste. Il voyait là
un trai­te­ment réser­vé « à un écrivain »,
mais dont pour rien au monde on n’eût fait bénéficier
un simple mor­tel. Ce qui est assu­ré­ment pro­bable, et de plus
il est de fait que Ger­ber lui-même, quand très peu de
temps aupa­ra­vant il lui avait fal­lu connaître, pour ses
articles anti­mi­li­ta­ristes, l’hospitalité d’une cellule,
n’avait pas eu la moindre rai­son de se féli­ci­ter du
com­por­te­ment des geô­liers. Mais là n’était
point, en aucune mesure, la cause de sa pro­tes­ta­tion. L’obsession
du juste, disais-je, n’est pas tou­jours pure, et il n’est que
trop cer­tain qu’elle tra­duit sou­vent le res­sen­ti­ment bien plutôt
que l’amour vrai de la jus­tice. Mais le pas­teur dont je rapporte
ici l’attitude était quant à lui trop foncièrement
chré­tien pour qu’il fût per­mis de lui impu­ter ce genre
de bas­sesse. Chez lui, c’était naïve rigueur. Si naïve
qu’il eût trou­vé juste, en effet, et comme on dit en
Suisse « en ordre » que notre grand bon­homme d’ami fût
en butte aux mêmes désa­gré­ments que qui­conque. Au
lieu d’être d’abord tout bon­ne­ment content qu’il n’en
fût rien, et ensuite de pro­cla­mer : « C’est tout le monde
qu’il fau­drait trai­ter ain­si ». J’ai peut-être tort,
mais tel que je suis fait j’aime mieux l’autre famille des
esprits tour­nés vers l’avènement d’un plus humain
ave­nir : ceux qui ont tou­jours un pre­mier mou­ve­ment de recul devant
tout ce qui sent le contrôle tatillon des collectivités,
comi­tés de salut public, démo­cra­ties popu­laires et tout
le bata­clan, mais au contraire mettent l’accent sur la liberté.
Et l’amour. Les pre­miers, les éga­li­taires, ne feront jamais
que des citoyens. Les seconds, de nous tous, pour­raient faire des
princes.

Pauvre
mon­sieur Han­no­tel, il ne s’est jamais dou­té du cas de
conscience pro­vo­qué dans ma petite tête par sa très
inno­cente appré­cia­tion de mon pre­mier pen­sum. C’était
un homme mince, assez grand, brun au pos­sible, avec de gros sourcils
touf­fus, très simple et franc d’allure. Avec lui, le travail
n’était jamais ennuyeux, ou plu­tôt si, on s’ennuyait
quand même, parce que le pro­gramme était vrai­ment trop
char­gé, encom­bré de choses sans intérêt,
mais lui, tou­jours, savait res­ter vivant et de bonne humeur. C’était
heu­reux, car en plus des longues heures de classe je res­tais, avec
quelques autres, sous son égide pour le si com­mode bienfait —
au fait, cela aus­si était un pri­vi­lège — des
répé­ti­tions au cours des­quelles il s’employait à
nous faci­li­ter la confec­tion de nos innom­brables devoirs. J’ignore
si, depuis, les choses ont un peu chan­gé ou si les enfants ont
encore autant de tra­vail à la mai­son. A l’époque, en
tout cas, c’était insen­sé. Je devais être
cou­ché à dix heures. Heu­reux les jours où je
pou­vais finir d’apprendre mes leçons un quart d’heure,
vingt minutes avant l’inéluctable obli­ga­tion de me mettre au
lit. Je me vois encore un livre à la main dans la salle à
man­ger, répé­tant tout haut mon pen­sum les yeux fixés
sur la pen­dule dorée aux grif­fons Empire, tout en exécutant,
debout sur un pouf qui me ser­vait de traî­neau, d’interminables
glis­sades. Oui, heu­reux les jours où ce genre d’exercice
pou­vait s’achever avant dix heures tapant et où il m’était
per­mis de lire un peu pour mon plai­sir. Et ce n’était pas du
tout la consé­quence du seul pro­gramme de cette année-là.
Déjà l’année pré­cé­dente, il en
allait exac­te­ment de même. Dès la douche du matin — la
vogue était aux ablu­tions d’eau froide et la journée,
imman­qua­ble­ment, com­men­çait par le bru­tal coup de fouet du jet
gla­cé, plus tard humai­ne­ment rem­pla­cé par l’éponge
 — dès la douche du matin, donc, sous le gicle­ment de l’eau,
com­bien de fois ne me suis-je pas sur­pris à cal­cu­ler avarement
le pauvre lam­beau de temps libre dont, avant d’aller dor­mir, je
pour­rais dis­pu­ter l’aubaine à toutes les cor­vées du
jour, pour conti­nuer, au compte-gouttes, le livre commencé.
Cela dit sans pour autant m’emballer pour les pana­cées de la
péda­go­gie moderne rêvant d’épargner à
l’enfance toute astreinte, tout effort ; j’ai eu trop souvent
l’occasion de consta­ter par la suite, du temps où je donnais
des leçons, par le contact avec mes élèves de
Suisse alle­mande ou d’Amérique, l’état d’ignorance
crasse et, sur­tout, de pro­fonde incu­rio­si­té où les gens
peuvent être réduits par un ensei­gne­ment avant tout
sou­cieux de faire la part du jeu et des loi­sirs. L’infantilisme,
l’un des maux majeurs de notre civi­li­sa­tion de masse, ne peut qu’en
être aggra­vé. Le peu de chose que nous savons vraiment,
ce qui s’appelle savoir, c’est dans l’enfance que nous l’avons
appris. Le reste, entre autres ce qu’on appelle la haute culture,
demeure seule­ment, à y regar­der de près, un vernis
faci­le­ment écaillé. Là-des­sus, je ne serais pas
loin de don­ner rai­son, une fois de plus contre l’impossible
Rous­seau, et donc aus­si contre ses épi­gones modernes, aux
jésuites, à leur pes­si­misme fon­cier qui les fait ne
guère se pré­oc­cu­per de ména­ger l’enfance.
Entre dix et treize ou qua­torze ans, la facul­té d’assimilation
est si grande que c’est un crime de ne pas en pro­fi­ter, quitte à
pri­ver l’enfant, presque, de son enfance. Il aura tout le temps,
dans la vie dite sérieuse, de se par­faire en absence au monde
et à lui-même — l’idéal, en somme, de la
plu­part, mais contre l’abrutissante tyran­nie duquel ce qui lui
res­te­ra, même frag­men­tai­re­ment, de ses petites classes pourra,
mal­gré tout, le défendre un peu.

Alors que, rue
Etienne-Mar­cel, quand un maître don­nait des répétitions,
il le fai­sait, la classe ter­mi­née, dans sa classe, le
rigo­risme admi­nis­tra­tif de la rue Mont­gol­fier ne connais­sait pas
cette tolé­rance. Aus­si M. Han­no­tel avait-il loué dans
le voi­si­nage, exac­te­ment rue Mes­lay, une man­sarde où
s’accomplissait sous sa direc­tion notre tra­vail post-scolaire.
Image dif­fi­cile à retrou­ver, celle de cette pièce
exi­guë où, assis à une dizaine ser­rés les
uns contre les autres autour d’une table ronde, nous noircissions
du papier sous la lumière crue d’une ampoule accrochée
au pla­fond. Séances qui n’ont guère lais­sé de
trace pro­fonde dans ma mémoire, et cepen­dant tout à
fait les taire serait aban­don­ner au néant le surcroît
d’intimité avec la réa­li­té urbaine, avec
Paris, dont, sans que je m’en ren­disse compte, elles auront été
l’occasion. Chose peu facile à expri­mer. Com­ment faire
com­prendre ce sen­ti­ment de dépay­se­ment, presque d’exotisme
que peut éprou­ver un gosse pari­sien du seul fait de prendre,
ne fût-ce qu’à peine deux heures par jour, racine dans
une rue jusqu’alors incon­nue, mys­té­rieuse à force de
bana­li­té dans la per­ma­nence d’ombre que lui conférait
le moment tar­dif où nous nous y ren­dions. Je ne sais pas si
c’est cette bana­li­té du mys­tère ou ce mystère
dans le banal qui m’a inci­té plus tard, écrivant
cer­tain récit, à faire perdre à mon héros
son inno­cence pré­ci­sé­ment rue Mes­lay. Mais ce que je
sais bien, c’est que, fran­chie la zone mal famée de la
tou­jours si obs­cure rue du Vert­bois, cer­tain pas­sage cou­vert dont il
nous fal­lait grim­per les marches avant de débou­cher dans
l’étroite tran­chée de « notre » rue jouait
 — téné­breux au pos­sible et tout empli de l’écho
de nos gros sou­liers — le rôle, dirais-je aujourd’hui,
d’une sorte d’initiation au monde d’outre-monde que resta
tou­jours un peu pour moi le « pays » mal connu dont, soir
après soir, nous nous trou­vions être un peu les
habitants.

Pays est bien le mot, tel
que Proust l’a si pres­ti­gieu­se­ment employé dans ses pages
sur les « noms de pays », sans qu’il se soit avisé,
mal­heu­reu­se­ment, qu’il aurait pu, et même dû, lui
Pari­sien — mais il est vrai trop pri­son­nier de son Paris à
grosses for­tunes — en écrire d’au moins aus­si belles sur
les noms de rues et de quartiers.

L’humble
véri­té, tou­te­fois, m’oblige à reconnaître
qu’aucun nom de rue ne prête sa magie à trois des
autres rares sou­ve­nirs que j’ai gar­dés de mon temps
Mont­gol­fier. Car la rue qu’ils ont pour cadre, rue sur laquelle
s’ouvrait la porte de l’école, c’est seule­ment beaucoup
plus tard que, par la lec­ture d’un plan, je me suis avi­sé de
son nom — très exac­te­ment rue Ferdinand-Berthoud —
appel­la­tion vrai­ment trop dénuée de pres­tige pour
qu’elle pût leur confé­rer, m’eût-elle même
alors été fami­lière, le moindre halo sonore.

Pour le pre­mier d’entre
eux, d’ailleurs, inci­dent est beau­coup dire, encore que l’anecdote,
peut-être par ce qu’elle avait de com­pli­men­teur, mais
davan­tage à cause de la seule gen­tillesse du pro­pos, me soit
assez sou­vent reve­nue à l’esprit, à chaque fois pour
mon amu­se­ment. J’approchais de la porte de l’école, sans
doute déjà un peu en retard car il n’y avait pas
comme d’habitude de bandes d’élèves traînant
à attendre l’heure sur les trot­toirs et la chaussée,
lorsqu’un autre élève de ma classe, brave petit
copain très fils d’ouvrier, lui-même également
peu en avance, me rejoi­gnit et, après avoir jeté sur
mon visage un coup d’œil légè­re­ment appuyé,
me dit en sou­riant (je lui avais appa­rem­ment par­lé un jour du
pre­mier métier de mon père): « Ça se voit
que ton père est sculp­teur, il t’a bien balancé. »
Je sup­plie le lec­teur aujourd’hui satu­ré de tant de
confes­sions d’amitiés par­ti­cu­lières de ne pas se
lais­ser aller à des sup­po­si­tions deve­nues, par les temps qui
courent, banales à dor­mir debout et qui, dans l’occurrence,
n’auraient rien à voir avec la véri­té. Je m’en
excu­se­rais presque : pas pour un sou, dans la phrase que je venais
d’entendre, du moindre pré­texte à littérature
néo-gidienne. Mon jeune inter­lo­cu­teur l’avait prononcée
comme il m’aurait dit : « Tiens, tu as une jolie cravate. »
Que vou­lez-vous, il arrive que même un enfant de Paris parle
sans arrière-pensée.

Quant aux deux autres
sou­ve­nirs liés au cadre de la même rue, ils sont
beau­coup plus prosaïques.

Juste en face de l’école,
il y avait, contre le mur de Cen­trale, un uri­noir, particulièrement
odo­rant pen­dant les grosses cha­leurs. Cer­tain début
d’après-midi, alors que nous atten­dions par groupes, un peu
avant une heure, l’ouverture de la porte de l’école, un
usa­ger de l’édicule sor­tit en se rebou­ton­nant. « Celui-là,
fit l’un de nous, qui parais­sait ren­sei­gné, on peut dire que
c’est une manie : tous les jours à la même heure qu’il
vient se taper. » Mon regard sui­vit l’homme qui s’éloignait
 — peut-être avait-il enten­du ? Un minable visage blême
d’employé quel­conque condam­né à res­pi­rer du
matin au soir le même air ren­fer­mé. Même sans la
remarque que nous venions d’entendre, on com­pre­nait qu’il était
un de ces pauvres types, un de ces en marge comme l’immense ville
n’en fabrique que trop. C’était sale, oui, mais triste au
pos­sible et la vague angoisse que j’éprouvais aurait pu se
tra­duire : « Ah, le des­tin des gens…»

La
der­nière image a pour elle de ne point man­quer de comique. Il
faut dire que nous avions, venant deux ou trois fois par semaine nous
cas­ser les oreilles de son accent hur­leur, un pro­fes­seur d’allemand
 — dame, tou­jours cette idée qu’il fal­lait battre sur leur
propre ter­rain les sujets du roi de Prusse. C’était le père
Stein, que j’eus à subir éga­le­ment plus tard, au
col­lège, où il était pro­fes­seur attitré.
Je crois bien que Han­si lui-même n’aurait pas enfanté
cari­ca­ture plus réus­sie de l’Allemand tel que le voient ceux
qui, par la suite, devaient inven­ter le mot boche. Grand juif maigre
de l’Erzgebirge, donc, à l’origine, Autri­chien de ce pays
des Sudètes deve­nu de nos jours tra­gi­que­ment célèbre,
le père Stein avait, de tant de fils par le sang ou l’esprit
de la nation ger­ma­nique, ce trait si répan­du chez eux d’être
furieu­se­ment — anti­al­le­mand. Je me rap­pelle encore la fois que,
bien plus tard, pen­dant la pre­mière guerre, mon ami Robert en
per­mis­sion et moi ren­con­trâmes en Sor­bonne notre vieux père
Stein. Bien sûr, salu­ta­tions, poi­gnées de mains et, de
sa part, grandes phrases patrio­tiques. Robert, lui aus­si fils du
peuple d’Abraham, mais inter­na­tio­na­liste à tous crins, tenta
bien de le cal­mer un peu en lui disant qu’il bénéficiait
du moins de cette chance d’avoir, dans le sec­teur d’où il
venait, comme vis-à-vis des Bava­rois. Le Stein ne vou­lut rien
entendre et lorsque dans la foule — il devait y avoir eu une grande
confé­rence, ou encore, ce qui eût mieux expliqué
la pré­sence en Sor­bonne de notre ancien prof, des examens —
nous nous sépa­râmes, l’immense vieux type, de la voix
de sten­tor que nous lui avions tou­jours connue, lan­ça un
« méviez-fous tes Poches ! » qui, par ces temps
d’épopée, fit lit­té­ra­le­ment sen­sa­tion. En
classe, il n’en finis­sait pas d’écumer contre la traîtrise
prus­sienne : visite offi­cielle de Bis­marck à Vienne juste avant
Sado­wa, et à Paris juste avant Sedan ! Le haut-fait dont il ne
dut jamais ces­ser jusqu’à sa mort de se faire gloire,
c’était sa ten­ta­tive, en 70, avec d’autres volon­taires, de
venir s’engager dans l’armée fran­çaise — bon
mou­ve­ment qui avait dû rude­ment lui faci­li­ter plus tard sa
natu­ra­li­sa­tion sans cepen­dant l’exposer à d’autre
incon­vé­nient que d’être, avec ses compagnons,
inter­cep­té par les troupes alle­mandes, qui leur avaient
gen­ti­ment sau­vé la vie en les fai­sant pri­son­niers. Il n’était
pas mau­vais ensei­gnant, bien que ce que je pus apprendre chez lui ne
fût guère lourd, mais, dans l’ensemble, la France ne
brille pas fort en ce qui concerne l’étude des langues
étran­gères, et rela­ti­ve­ment à ce qu’obtenaient
ses col­lègues, le père Stein pou­vait se dire qu’il
arri­vait quand même à cer­tains résultats.
Seule­ment, c’est son com­por­te­ment de maître qui lais­sait à
dési­rer. Impos­sible de se repré­sen­ter quelqu’un de
plus conforme à l’image que l’on pou­vait se faire d’un
sous-off de l’armée impé­riale. Dieu sait si nombre de
nos ins­ti­tu­teurs et, plus tard, de nos pro­fes­seurs de collège
pou­vaient avoir des défauts. Mais aucun, je dis aucun ne nous
trai­tait, comme le père Stein, en bétail de caserne. Et
cepen­dant, il est cer­tain que ce n’était pas un mauvais
homme. La façon dont il se lais­sait aller à par­ler de
son fils — trop peu aver­ti des acci­dents de sa prononciation
fran­çaise, il l’avait pré­nom­mé Yvon, ce qui
avait pour résul­tat, pour notre irré­pres­sible hilarité,
qu’il ne le men­tion­nait jamais autre­ment que par la désopilante
et limo­na­dière appel­la­tion de « mon fi-Siphon » —
témoi­gnait assez de son géné­reux cœur d’enfant
du peuple élu. Mais la dis­ci­pline pro­pre­ment régimentaire
qu’il nous impo­sait nous lais­sait pan­tois. L’infortuné
avait de toute évi­dence le com­plexe d’autorité du
pays de ses ori­gines. Et dont il devait, jus­te­ment dans la rue
Fer­di­nand-Ber­thoud, nous don­ner inopi­né­ment la plus cocasse
démons­tra­tion. Il y avait par­mi nous un grand garçon
dégin­gan­dé, un peu au-des­sus de notre âge et à
qui il arri­vait de temps à autre, ce pour­quoi nous l’admirions
fort, de griller une ciga­rette. Un beau jour, à l’un de ces
moments d’avant l’école qui nous ras­sem­blaient dans la
rue, ce cama­rade plus âgé, soit qu’il n’eût
vrai­ment pas d’allumettes soit qu’il trou­vât la chose
amu­sante, voyant débou­cher au coin de la rue le père
Stein avec, au bec, son éter­nel cigare, s’avisa d’aller
lui deman­der du feu. Ah ! Sei­gneur, alors que n’importe lequel de
nos maîtres fran­çais eût tout au plus refusé
et pas­sé son che­min, l’ex-sujet de la double monar­chie te
vous sai­sit l’insolent par le bras et l’emmena tout droit
jusqu’au bureau du direc­teur, lequel évi­dem­ment ne put faire
autre­ment que de col­ler une ou deux heures de rete­nue au coupable
pour manque de res­pect à supé­rieur hiérarchique,
mais dut à sa part soi se deman­der comme nous quelle mouche
avait bien pu piquer notre four­nis­seur en gram­maire tudesque.
Main­te­nant que j’ai beau­coup fré­quen­té ses
congé­nères, je sais qu’il ne s’agissait pas le
moins du monde d’une « mouche », d’un pas­sa­ger caprice,
mais que, si frère qu’il fût par la race du frondeur
Heine et si per­sua­dé qu’il se crût d’être un
vaillant mili­tant de la cause « fran­çaise » et
répu­bli­caine, notre pro­fes­seur Unrat sans le savoir restait
indé­lé­bi­le­ment mar­qué par l’empreinte de cet
empire knou­to-ger­ma­nique auquel il était convain­cu d’avoir à
jamais décla­ré 1a guerre.

J’ai gar­dé, dois-je
dire pour la mau­vaise bouche ? le second de nos maîtres
prin­ci­paux, celui qui, à la dif­fé­rence du père
Han­no­tel, était char­gé de nous incul­quer, calcul,
sciences natu­relles, etc., les connais­sances rele­vant des disciplines
non lit­té­raires. Il s’appelait Van­donge. D’origine
fla­mande comme le nom l’indique, il appor­tait dans notre vie
sco­laire, sans jamais atteindre, il faut le recon­naître, à
la per­fec­tion dic­ta­to­riale de son col­lègue ex-sudète,
un esprit de lour­deur dont nous n’étions pas, à la
longue, sans hor­ri­ble­ment souf­frir. Oh ! certes, ses leçons
étaient impec­cables, et il ne fait pas de doute que c’est en
grande par­tie grâce à lui que je pas­sai haut la main, en
fin d’année, l’examen d’admission à mon futur
col­lège, Chap­tal. Mais quel homme anti­pa­thique. De la même
famille spi­ri­tuelle — si l’on peut dire — que cet oncle dont
j’ai déjà par­lé, ou plus exac­te­ment dont,
signa­lant seule­ment en pas­sant son exis­tence, je n’ai pas parlé
encore, tant le per­son­nage me reste, même aujourd’hui, sur
l’estomac. Oui, le même esprit mor­tel à toute
élé­va­tion en esprit. Témoin la petite scène
suivante.

Je com­men­çais à
dis­po­ser d’un peu d’argent de poche et, cer­tain jeu­di, je n’avais
pu résis­ter à la ten­ta­tion d’acquérir sur les
quais un manuel, excellent d’ailleurs, de sciences natu­relles pour
can­di­dats au bachot. Il faut dire que les sciences naturelles,
c’était à ce moment-là ma pas­sion. Bien sûr,
de longues par­ties du texte, sup­po­sant entre autres des connaissances
de chi­mie que je n’avais pas encore, ne pou­vaient que m’échapper ;
mais com­bien d’autres, en revanche, m’illuminaient déjà.
Et vu que nous avions à faire un devoir de bota­nique pour
lequel je m’étais lais­sé aller à me don­ner un
mal fou, du moins m’étais-je accor­dé le plai­sir de
l’illustrer en copiant minu­tieu­se­ment, y com­pris tous les détails
de la struc­ture des cel­lules, quelques planches du précieux
petit bou­quin qui fai­sait ma joie depuis peu. Ce devoir, nous
n’avions pas à le remettre, le père Van­donge se
conten­tant de venir l’examiner auprès de cha­cun. Le moment
venu de s’occuper de moi, il prit ma copie, res­ta un bon moment
silen­cieux, puis me la ren­dit et, du même ton qu’aurait pu
avoir mon fameux oncle, tout en indi­quant du doigt mes beaux dessins :
« Cela, évi­dem­ment, fit-il, vous n’y com­pre­nez rien. »
L’étonnant, c’est que je ne me sen­tis pas douché
pour un liard, mais que tout au contraire un flot de mépris
m’envahit pour ce cuistre. Ils ne savent pas, nos maîtres, à
quel point un gosse peut être prompt, eux qui croient nous
mesu­rer selon leurs barêmes, à les juger en profondeur.

Mais ce ne sont pas ses
rap­ports avec moi qui m’ont lais­sé le pire sou­ve­nir. Le père
Van­donge, au fond, moi, comme nous tous, je m’en contrefichais.
Machine à ensei­gner, c’est tout ce que nous lui demandions
d’être. Seule­ment, dans notre classe, il y avait aus­si son
fils. Et cela, ce n’était pas drôle. Pas drôle
du tout. Avec les enfants des autres, le bon­homme était bien
obli­gé de s’imposer un mini­mum de décence. Mais avec
son reje­ton, la voie était libre. Le petit Van­donge, c’est
vrai, tête car­rée, nez camus, l’œil en dessous,
oppo­sait, et com­bien on le com­prend, à la folle manie
d’autorité de son pater­nel une résis­tance sourde et
butée. Armé du long bâton dont on se sert pour
les démons­tra­tions au tableau, le père, alors, plus
sem­blable à un dres­seur de fauves qu’à un père,
pas­sait à la cor­rec­tion phy­sique de son héri­tier. Les
coups pleu­vaient dru, puis le cou­pable, le paria, devait rester
immo­bile, accrou­pi sur l’estrade et, fai­sait-il mine de relâcher
d’un soup­çon la fixi­té pres­crite, la baguette, à
nou­veau, s’abattait sur lui. Nous tous, spec­ta­teurs involontaires
de cette sau­va­ge­rie, nous enfon­cions dans un silence crispé.
« Ah ! le salaud ! », pen­sions-nous. Mais il faut reconnaître
que le père Van­donge arri­va à ses fins. A force de
voies de fait, il réus­sit, l’infortuné, à
faire de son fils — entré en même temps que moi à
Chap­tal mais avec qui j’eus bien­tôt per­du tout contact —
une par­faite bête à concours et cet auto­mate par
excel­lence que peut être un élève de Saint-Cyr,
où le mal­heu­reux enfant finit par entrer. Je le sais pour
l’avoir ren­con­tré au Luxem­bourg un peu avant la guerre. Le
hasard, dans une allée, nous mit si inopi­né­ment l’un
en face de l’autre qu’en dépit de ce que cha­cun ne pouvait
point ne pas pen­ser de son ex-condis­ciple, moi (il était en
uni­forme): une brute galon­née, et lui de moi : un abominable
intel­lec­tuel, nous ne pûmes évi­ter de nous reconnaître
et de nous ser­rer la main. Et même, pen­dant plus d’une
demi-heure, arpen­tâmes-nous ensemble le beau jar­din, par tout
son charme et mal­gré nos dif­fé­rences insidieusement
com­plice de notre com­mune jeu­nesse. Cal­me­ment, sans colère —
à cet âge-là, c’est rare — nous avons fait le
point, évi­tant les grands mots, mais assez pour mesu­rer tout
l’abîme en si peu d’années creu­sé entre nous.
Mais aus­si pour com­prendre que cha­cun se ren­dait compte que l’autre
était de bonne foi. Au peu qu’il se lais­sa aller à me
dire de la rigueur de cette vie de pry­ta­née qu’il croyait
avoir choi­sie, je me sen­tis même, tout au fond de moi,
bou­le­ver­sé par tant de bonne volon­té cap­tive. L’adepte
d’un ordre reli­gieux eût à peine parlé
autre­ment. Et lorsque quelques mois plus tard on sut l’hécatombe
de saint-cyriens fau­chés dès les pre­miers jours de la
guerre, j’eus la cer­ti­tude — que je n’ai jamais vérifiée
 — que le fils Van­donge était au nombre de ces jeunes fous en
gants blancs inuti­le­ment immo­lés. Ah, c’est beau
l’éducation : le bâton frap­peur de Van­donge père
ou un surin, impos­sible, en véri­té, de faire entre eux
la différence.

Jean Paul Samson

La Presse Anarchiste