La Presse Anarchiste

Des faits

 

Les
car­de­ries sont d’immenses ate­liers où le lin est nettoyé
par le peignage. 

Les cardes
sont des méca­niques de 3 mètres de haut ; elles
ont une super­fi­cie totale de 10 mètres car­rés. Elles se
com­posent d’un immense tam­bour de 2 m½
de dia­mètre, gar­ni d’une quan­ti­té innom­brable de
petites dents (aiguilles) qui font l’office de peignes. 

Cette
opé­ra­tion pro­duit une pous­sière intense remplit
l’atmosphère à tel point que les ouvrières ne
se voient pas à 3 ou 4 mètres de distance. 

Pour se
garan­tir plus ou moins de la pous­sière, les car­deuses se
couvrent la bouche d’un tam­pon d’étoupe et d’un linge,
que le peuple appelle muse­lière.

Les
ouvrières des car­de­ries sont sujettes à des crachements
de sang, à des malaises pul­mo­naires et stomacaux ;
toutes, en effet, sont plus ou moins asth­ma­tiques et toussent
beaucoup. 

Peu de
car­deuses par­viennent à nour­rir leurs petits enfants, car le
lait, quand elles en ont, se gâte bien­tôt. L’étoupe,
en effet, a une action dis­sol­vante sur le lait. Nos femmes des villes
connaissent par­fai­te­ment cette pro­prié­té ; aussi,
quand leurs enfants sont sevrés, elles portent, durant
quelques jours, un tam­pon d’étoupe sur la poi­trine et le
lait disparaît ! 

À
ce tra­vail sale, dan­ge­reux et mal­sain, les car­deuses muselées
sont atta­chées depuis 6 heures du matin jusqu’à 7 h.½ du soir, avec 1
h.½ de repos à,
midi et ¼ d’heure
avant et après midi, pour un salaire de 13 à 14 francs
par semaine ! 

La plupart
des ouvrières habitent à une grande dis­tance de la
ville — les loyers sont si éle­vés ! — Il en
est qui doivent se lever tous les jours à 4 h.½
pour être à l’heure au tra­vail. Le soir, elles
rentrent chez elles, à 8 h.½,
tel­le­ment exté­nuées qu’il leur est impos­sible de
faire quoi que ce soit ! Et par­mi elles, il y a des mères
de famille avec deux et trois enfants !

(Jus­tice, 31
mars 1895)

La Presse Anarchiste