La Presse Anarchiste

En robes blanches

« Ce
sont ceux qui viennent de la grande tri­bu­la­tion, qui ont lavé
leurs robes et les ont blan­chies dans le sang de l’Agneau. »

Une
des sur­prises du Ciel pour­rait bien être la façon dont
Dieu consi­dère la pure­té. Elle contraste sans nul doute
avec la manière dont la loi morale l’en­vi­sage. La pureté
n’est pas néga­tive, elle est essen­tiel­le­ment posi­tive, active,
et agres­sive. Un grand nombre de ceux qui auront alors « blanchi
leurs robes » doivent sûre­ment, à l’heure actuelle,
être aux prises avec ces pro­blèmes que le péché
sus­cite dans notre mal­heu­reuse huma­ni­té, s’ef­for­çant de
les résoudre.

Une
légende grecque met en paral­lèle deux saints : Saint
Cas­sien, type du chré­tien contem­pla­tif, et Saint Nico­las, type
du chré­tien social.

Saint
Cas­sien arrive au ciel. Le Christ l’interroge :


Qu’as-tu
vu sur la terre, Cas­sien ? — Un pay­san s’en­li­sant, lui et sa
char­rette, dans un marais — Tu l’as aidé à en sortir ?
 — Non — Pour­quoi ? — Je devais paraître devant toi, répond
gra­ve­ment Cas­sien, et je crai­gnais de salir ma robe blanche.

Saint
Nico­las se pré­sente alors, tout cou­vert de boue et
d’immondices.


Toi,
dans cet état ? s’é­crie le Sei­gneur. — J’ai rencontre
un pay­san qui s’en­li­sait dans un marais, répond Nico­las ; à
nous deux, nous avons pu en reti­rer la char­rette. — C’est bien,
répond le Christ, sois béni ! bon et fidèle
serviteur.

En
Rus­sie, on raconte cette petite his­toire lors­qu’on veut expli­quer une
réso­lu­tion de ne point se mêler à ce qui est
ennuyeux ou répu­gnant au goût. Ain­si l’homme s’imagine
que la pure­té Consiste à s’é­loi­gner de tout cc
qui salit ou souille. Non, pour Dieu, la pure­té ne peut être
déci­dé­ment qu’une force si lim­pide, si véritable,
si forte que loin de cou­rir le dan­ger d’être contaminée,
elle devient conta­gieuse par la propre ver­tu de sa pureté
même.

Eli­sa­beth
Clark

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