La Presse Anarchiste

Guerre à la guerre !

 

Il
faut que toutes les femmes le jettent, ce cri, au nom de la Justice,
au nom de la Bon­té, au nom du Christ. La plu­part le profèrent
dans leur cœur, mais il faut le cla­mer bien haut, vaillam­ment, sans
sou­ci des sou­rires dédai­gneux de nos adversaires.

Depuis
quelques années les femmes ont beau­coup tra­vaillé à
la pro­pa­gande paci­fique. C’est un ardent mou­ve­ment qui soulève
dans l’Eu­rope entière et en Amé­rique une véritable
croi­sade fémi­nine contre la bar­ba­rie. Si peu nom­breuses, il y
a dix ans, main­te­nant elles sont légion celles qui protestent
avec leur intel­li­gence et leur cœur contre le mas­sacre organisé.
Ain­si, l’Al­liance uni­ver­selle des femmes pour la Paix (Pré­si­dente
Fon­da­trice : Prin­cesse Gabrielle Wisz­niews­ka, Bureau Cen­tral, 7 bis,
rue du Débar­ca­dère, Paris) réunit aujourd’hui
une immense coa­li­tion fémi­nine inter­na­tio­nale pour lutter
contre la grande Enne­mie de la civi­li­sa­tion et du pro­grès, la
guerre. — Mais ce n’est pas assez. Comme l’ont dit elles-mêmes
ces cou­ra­geuses alliées dans leur élo­quent appel : Il
nous faut toutes les femmes.

Car,
 — le croi­rait-on — on entend encore des femmes com­battre l’idée
paci­fique. J’ai sur­pris avec stu­peur sur des lèvres féminines
les para­doxes de Joseph de Maistre et les théo­ries du Maréchal
de Moltke. Des femmes font l’a­po­lo­gie des conquêtes et parlent
de la guerre ins­pi­ra­trice de vertus.

Qu’elles
regardent donc les fermes incen­diées du Trans­vaal et, sur le
sol de la Chine sai­gnante, par­mi les débris du pillage, les
vieillards mar­ty­ri­sés, les corps des petits enfants en
lam­beaux, les femmes souillées, ago­ni­sant dans la honte et les
tor­tures. Les voi­là les ver­tus guerrières !

La
conscience fémi­nine ne peut res­ter muette. Il y a des heures
où le silence est une com­pli­ci­té. Aujourd’­hui la
pro­tes­ta­tion contre la féro­ci­té européenne
s’im­pose à toutes comme un impé­rieux devoir.

Mais
suf­fit-il de condam­ner l’i­ni­qui­té accom­plie ? Non, nous devons
encore tout ten­ter pour en pré­ve­nir le retour. L’action
fémi­nine doit pré­pa­rer l’a­ve­nir. La for­ma­tion d’un
peuple paci­fique dépend de l’é­du­ca­tion. C’est pourquoi
la femme est appe­lée à jouer un si grand. rôle
dans la lutte contre la guerre. Si elle ne peut agir politiquement,
elle tient entre les mains l’âme de l’en­fant, la conscience des
géné­ra­tions futures.

Habi­tuons
l’en­fant à admi­rer le génie dans les arts et dans les
sciences. Tour­nons son jeune esprit ardent vers les nobles conquêtes
de la pen­sée et du pro­grès. Fai­sons-lui com­prendre la
san­glante cruau­té des gloires guer­rières et la pure
beau­té des gloires paci­fiques. L’en­fant com­prend si bien quand
on s’a­dresse à sa rai­son, à son ins­tinct de Justice.
Que l’en­sei­gne­ment que nous lui don­nons soit tout fon­dé sur le
res­pect de la Vie.

Dans
l’a­pos­to­lat paci­fique, l’é­du­ca­tion est la part natu­relle de la
femme. Nous convions toutes les mères à s’as­so­cier à
cette grande tâche, à ce grand effort vers le bien. Ne
nous lais­sons pas décou­ra­ger par les iro­nies des uns et les
attaques des autres. Nous tra­vaillons pour la Jus­tice, et les
semences de véri­té que nous jetons dans les jeunes
âmes, d’autres géné­ra­tions les récolteront
en har­mo­nie et en bonheur.

Made­leine
Carlier

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