Tout
le monde connaît l’amour de l’Arabe pour son cheval, et tout ce
qu’on en a dit me dispense d’y ajouter quoi que ce soit. Donc, un
Arabe avait pour toute fortune un cheval, mais un cheval superbe à
tel point qu’il était la convoitise d’un riche voisin, lequel
risqua, mais en vain, quelques généreuses propositions.
Voyant ses efforts inutiles, le fils de Mahomet essaya donc d’obtenir
par ruse ce qu’un marché n’avait pu lui procurer de bon gré.
Sachant
que l’heureux propriétaire du buveur d’air devait
passer par certaine route à un moment donné, il l’y
attendit, se coucha sur le bord du chemin, et lorsque le voisin
passa, se répandit en douloureux gémissements, comme
s’il eût été blessé gravement. Le pauvre
s’arrêta et, descendit de cheval pour soigner le faux blessé,
mais à peine la monture était-elle libre que celui-ci
l’enfourchant, partait au grand galop.
Je
vous laisse juge de la stupéfaction de la victime de cet acte
fourbe. Mais aussitôt remis de son ahurissement, au lieu de
courir après le voleur, notre homme, criant à la façon
nasillarde particulière aux Arabes, et au moyen de laquelle
ils savent tenir une conversation à plusieurs kilomètres,
lui fit les serments les plus solennels qu’il ne lui ferait aucun mal
et lui abandonnait même la propriété du cheval, à
la condition qu’il consentit à s’arrêter pour entendre
une recommandation qu’il avait à lui faire. Le voleur
s’arrêta, « Mon frère, fils de mon village, lui
dit-il, ne raconte à personne comment tu t’es procuré
ce cheval, car ceux qui l’entendraient ne soulageraient plus les
blessés de la route. »
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* * *
Mon
frère, est-ce ainsi que tu te venges ?
Raoul
Odin