La Presse Anarchiste

La grève générale

[[Par­mi les écrits de Pel­lou­tier non réunis encore en volume et par consé­quent igno­rés de la géné­ra­tion actuelle, cette étude, parue en 1895, dans le petit jour­nal La Grève Géné­rale, nous a sem­blé devoir figu­rer à la pre­mière place des docu­ments et des études que nous vou­lons réunir ici pour mon­trer le déve­lop­pe­ment de l’i­dée de grève générale.]]


 

(His­to­rique)

« Il
est à remar­quer, a dit M. Edouard Lockroy, que c’est dans les
pays où les grèves ont été les plus
fré­quentes et les plus pro­lon­gées que les ouvriers sont
par­ve­nus à obte­nir les salaires les plus élevés.
On ne peut donc pas condam­ner les grèves au nom des intérêts
bien enten­dus des classes labo­rieuses ». La grève, en
effet, en cimen­tant entre les tra­vailleurs une union de jour en jour
plus étroite, est de nature à leur ins­pi­rer le
sen­ti­ment de leur force et à déter­mi­ner, plus sûrement
encore que l’ac­tion de la rue, le suc­cès de la bataille que
l’an­ta­go­nisme éco­no­mique a ren­due nécessaire.

Mais
si l’ac­ca­pa­re­ment par­tiel de la valeur-tra­vail s’est accom­pli dès
le jour où le gou­ver­ne­ment de Napo­léon III, pressé
par l’exemple de l’An­gle­terre, dut faire de la liberté
natu­relle et pri­mor­diale de coa­li­tion une liber­té civile,
l’i­dée de concer­ter un mou­ve­ment gigan­tesque, c’est-à-dire
de sub­sti­tuer aux grèves locales une grève générale
de toutes les indus­tries, est tout à fait récente. Le
temps même qu’elle a mis à se pro­duire, l’extension
constante depuis vingt-neuf ans du mou­ve­ment gréviste,
ori­gi­nai­re­ment limi­té à quelques centres industriels,
indique à la fois com­bien sont deve­nus pro­fonds les ravages
cau­sés par le déve­lop­pe­ment du machi­nisme, com­bien, par
suite, s’im­pose une solu­tion radi­cale et immé­diate des
pro­blèmes sociaux. On peut dire des grèves partielles
qu’elles n’ont été que des escar­mouches, des combats
d’a­vant-garde, dont les hautes classes devraient tenir compte avant
que s’en­gage l’ac­tion décisive.

L’As­so­cia­tion
inter­na­tio­nale des tra­vailleurs, issue néces­sai­re­ment de la
loi du 25 mai 1864 sur le droit de coa­li­tion, avait pour but, en
sup­pri­mant toute bar­rière entre les classes ouvrières
des dif­fé­rents pays, de pré­pa­rer pour un jour prochain
l’or­ga­ni­sa­tion d’un mou­ve­ment aus­si large que pos­sible du Travail
contre le Capi­tal. Sous son impul­sion, comme l’a consta­té M.
Mar­tial Del­pit (Enq. par­lem. s. l’In­surr. du 18 mars) « la
lutte des inté­rêts devait prendre des proportions
gigan­tesques et les grèves deve­nir irrésistibles ».
En fait, après avoir consta­té, le 9 sep­tembre 1868
(Congrès de Bruxelles), que « la grève n’est pas
un moyen d’af­fran­chir com­plè­te­ment le tra­vailleur, mais
qu’elle est sou­vent une néces­si­té dans la situation
actuelle », elle disait expli­ci­te­ment, le 27 mars 1869 (jour­nal
l’In­ter­na­tio­nale, de Bruxelles): « Lorsque les grèves
s’é­tendent, se com­mu­niquent de proche en proche, c’est
qu’elles sont bien près de deve­nir une grève générale ;
et une grève géné­rale, avec les idées
d’af­fran­chis­se­ment qui règnent aujourd’­hui, ne peut qu’aboutir
à un grand cata­clysme qui ferait faire peau neuve à la
socié­té ». C’est ain­si que la mul­ti­pli­ca­tion et
l’im­por­tance crois­sante des mou­ve­ments iso­lés, qu’elle ne
consi­dé­rait pri­mi­ti­ve­ment que comme un moyen d’agitation
révo­lu­tion­naire, l’a­vaient ame­née à envi­sa­ger la
pers­pec­tive d’un mou­ve­ment géné­ral sus­cep­tible de
réa­li­ser l’é­man­ci­pa­tion du pro­lé­ta­riat. Aus­si ne
ces­sa-t-elle d’en­cou­ra­ger les grèves, tout en se réservant
de les approu­ver ou non ; et, à son ins­ti­ga­tion, les ouvriers
qui, après l’ar­res­ta­tion des rédac­teurs de la
Mar­seillaise (8 et 9 février 1870), s’étaient
char­gés de rédi­ger la rubrique : Ques­tion sociale,
conseillèrent la sus­pen­sion du tra­vail comme l’arme de
résis­tance la plus effi­cace aux abus de pou­voir du
gou­ver­ne­ment [[Pour l’his­to­rique du mou­ve­ment gréviste,
rap­pe­lons quelques-unes des décla­ra­tions offi­cielles de
l’In­ter­na­tio­nale. Le Congrès de Genève (1866) demandait
d’é­ta­blir entre les tra­vailleurs un lien uni­ver­sel qui
per­met­trait d’or­ga­ni­ser des grèves immenses, invincibles. —
Le Congrès de Bruxelles (1868) décla­ra que la grève
est une néces­si­té — M. Dupont, au nom du Conseil de
l’In­ter­na­tio­nale, écri­vait : « La grève est une
arme ter­rible et consti­tue le meilleur moyen d’or­ga­ni­ser les forces
de la classe ouvrière. » —.M. Tolain (quan­tum
mula­tus ab illo
!) consta­tait que l’In­ter­na­tio­nale « avait
pour mis­sion de sou­te­nir les grèves ».]].

Les
évé­ne­ments de 1871 et la dis­per­sion des membres de
l’In­ter­na­tio­nale après la chute du gou­ver­ne­ment communaliste
empê­chèrent l’As­so­cia­tion d’exé­cu­ter un dessein
dont mieux que qui­conque elle pou­vait assu­rer le suc­cès. La
loi de pros­crip­tion de 1872 fut faite pour enrayer, si c’était
pos­sible, ou du moins cana­li­ser l’é­vo­lu­tion socia­liste. Et
effec­ti­ve­ment la plu­part des syn­di­cats dis­pa­rurent. A l’époque
où fut votée la loi, il n’en sub­sis­tait plus à
Paris que cent trente-cinq, jus­ti­ciables des articles 291 à
294 du Code pénal, de la loi du 10 avril 1834 et du décret
dès 25 mars et 2 avril 1852. Ces syn­di­cats ayant résolu
d’op­po­ser à l’U­nion natio­nale du com­merce et de
l’in­dus­trie
, véri­table fédé­ra­tion des
syn­di­cats patro­naux, un cercle dit de l’U­nion syn­di­cale ouvrière,
le Pré­fet de police reçut du Ministre de l’Intérieur
l’ordre de le dis­soudre et sut habi­le­ment semer la dis­corde entre les
associations.

L’As­sem­blée
natio­nale refu­sant de sup­pri­mer la juri­dic­tion exceptionnelle
appli­quée aux syn­di­cats, M. Ed. Lockroy, alors député
des Bouches-du-Rhône, lui deman­da de recon­naître leur
exis­tence légale en déter­mi­nant leurs attributions.
Mais l’op­po­si­tion du Congrès ouvrier de Paris (1876) le força
de reti­rer son pro­jet, et une com­mis­sion déléguée
par 62 syn­di­cats, après s’être vu refu­ser de nou­veau par
le Ministre de l’In­té­rieur l’au­to­ri­sa­tion de recons­ti­tuer le
Cercle de l’U­nion syn­di­cale, éla­bo­ra à son tour
un pro­jet des­ti­né à faire face à celui que le
ministre lui-même se pro­po­sait de dépo­ser à bref
délai.

La
loi de 1872 ne visait que les asso­cia­tions ouvrières.
L’élé­ment socia­liste poli­tique, imbu de la doc­trine du
par­le­men­ta­risme, affir­mée par le socia­lisme alle­mand, en
pro­fi­ta pour se recons­ti­tuer dès 1877 sous l’étiquette
habi­le­ment choi­sie de Par­ti ouvrier. Sa tac­tique était
essen­tiel­le­ment contraire à celle de l’In­ter­na­tio­nale, et sous
l’Em­pire il avait eu, avec l’As­so­cia­tion, des difficultés
mal­heu­reuses. Le 23 sep­tembre 1865 il avait deman­dé aux
cor­po­ra­tions d’in­ter­ve­nir en faveur de la Pologne ; le 3 septembre
1866 il avait posé la ques­tion des idées reli­gieuses et
de leur influence sur le mou­ve­ment social, poli­tique et intellectuel.
Ces deux pro­po­si­tions, l’In­ter­na­tio­nale les avait également
repous­sées, non pas, comme on pour­rait croire, parce qu’elle
s’é­car­tait à leur sujet de l’o­pi­nion com­mune, mais
parce qu’elle les consi­dé­rait comme une immix­tion dans la
poli­tique, contraire et fatale à son but qui était
l’é­man­ci­pa­tion des tra­vailleurs par les tra­vailleurs eux-mêmes
sur le ter­rain du tra­vail. De même la sec­tion pari­sienne avait
refu­sé d’ad­mettre dans son sein les tra­vailleurs de la
pen­sée
, non par une dis­tinc­tion arbi­traire et
anti­so­cia­liste entre pro­duc­teurs manuels et producteurs
intel­lec­tuels, qui, les uns et les autres, sont des sala­riés,
mais parce qu’elle savait ceux-ci exclu­si­ve­ment par­ti­sans de l’action
de la rue, hos­tiles par consé­quent au mou­ve­ment corporatif.
C’est enfin dans le même esprit qu’aux paroles adressées
par MM. Meu­nier et Gen­ton aux inter­na­tio­na­listes de Paris : « Si,
par impos­sible, vous réus­sis­siez à rendre l’ouvrier
heu­reux, la Révo­lu­tion n’ar­ri­ve­rait jamais et nous voulons
avoir la Révo­lu­tion », l’In­ter­na­tio­nale avait répondu
en 1869 : « Il faut que le peuple ne se laisse plus esca­mo­ter par
les par­leurs et les rêveurs [[Les rêveurs signi­fie les
bâtis­seurs de sys­tèmes qui, comme Louis Blanc,
sté­ri­lisent les mou­ve­ments popu­laires en s’en ser­vant comme de
champs d’ex­pé­ri­men­ta­tion.]], comme en 1848 ».

Ce
dua­lisme d’in­té­rêts entre l’élément
ouvrier et le par­ti jaco­bin ne man­qua pas de repa­raître en
1877, d’au­tant moins réduc­tible que le par­ti poli­tique était
diri­gé par d’é­mi­nentes per­son­na­li­tés et qu’il
évo­luait avec une liber­té rela­tive, tan­dis que
l’élé­ment cor­po­ra­tif, conte­nu par la loi de 1872,
n’a­vait ni chefs ni jour­naux. Aus­si, comme l’In­ter­na­tio­nale l’avait
pré­vu, les théo­ri­ciens du col­lec­ti­visme qui avaient
déjà com­bat­tu le pro­jet de loi élaboré
par la com­mis­sion des 62 syn­di­cats, décrétèrent
que l’expro­pria­tion poli­tique de la classe capi­ta­liste devait
pré­cé­der son expro­pria­tion éco­no­mique
, et,
en consé­quence, écar­tèrent par système
toute motion d’af­fran­chis­se­ment du pro­lé­ta­riat sur le terrain
corporatif.

II

Vint
la loi du 21 mars 1884, sti­pu­lant que « les syndicats
pro­fes­sion­nels régu­liè­re­ment constitués
pour­raient libre­ment se concer­ter pour l’é­tude et la défense
de leurs inté­rêts éco­no­miques ». Les
ouvriers, qui n’at­ten­daient que cette occa­sion, s’empressèrent
de mettre à pro­fit la légis­la­tion nou­velle et
mul­ti­plièrent, avec les syn­di­cats, les grèves, qui sont
l’un des moyens que sous-entend la loi pour la défense des
inté­rêts du Travail.

Le
par­ti poli­tique ne tar­da pas à aper­ce­voir le dan­ger dont cette
loi mena­çait son action et sa pro­pa­gande. Aus­si, fidèle
à sa tac­tique, il la pré­sen­ta comme un piège, et
un jour­nal de l’é­poque écri­vit en sub­stance : « Le
Par­le­ment pou­vait, au lieu d’a­dop­ter une loi nou­velle, demander
l’a­bro­ga­tion de celle qui a été votée en 1872
contre l’In­ter­na­tio­nale. En rap­por­tant cette mesure exceptionnelle,
il édic­tait ipso fac­to le droit d’as­so­cia­tion, et les
syn­di­cats se consti­tuaient tels qu’ils existent aujourd’­hui sans
qu’il fût besoin d’une auto­ri­sa­tion spé­ciale. Mais il
s’est gar­dé de le faire parce que, tout en cédant aux
évé­ne­ments qui l’o­bligent à sanc­tion­ner les
légi­times aspi­ra­tions du par­ti socia­liste, il veut s’assurer
pour l’a­ve­nir une échap­pa­toire contre les réclamations
trop pres­santes , des tra­vailleurs. Que le mou­ve­ment corporatif
s’é­tende au point de deve­nir mena­çant pour le Capital,
et le pou­voir exé­cu­tif peut, grâce à la loi de
1872, empê­cher, dis­soudre, pour­suivre les Fédé­ra­tions
de syn­di­cats
que la loi de 1884 n’a pas expressément
auto­ri­sées [[Cette argu­men­ta­tion était, est encore,
rigou­reu­se­ment juste. Mais comme elle avait moins pour but de mettre
les ouvriers en garde contre l’ar­bi­traire éven­tuel du
gou­ver­ne­ment que de les déta­cher du mou­ve­ment cor­po­ra­tif, nous
n’en savons aucun gré à ceux qui l’ont pro­duite. Si, du
reste, la fer­me­ture de la Bourse du Tra­vail de Paris est venue
jus­ti­fier les pes­si­mistes pré­vi­sions des poli­tiques, du moins
cette vio­la­tion du droit com­mun n’a-t-elle en rien arrêté
les évé­ne­ments. Elle n’au­ra même ser­vi qu’à
les pré­ci­pi­ter si, comme nous l’es­pé­rons, le
pro­lé­ta­riat fran­çais se pro­nonce pour la grève
générale.]]».

Le
par­ti cor­po­ra­tif — qui n’a­vait pas d’é­ti­quette, les
grou­pe­ments poli­tiques s’é­tant appro­prié la sienne, —
ne tint nul compte, et fit bien, de cet insi­dieux aver­tis­se­ment. Il
pour­sui­vit sa réor­ga­ni­sa­tion et l’élément
jaco­bin dut le suivre, faute d’a­voir pu l’ar­rê­ter. Des
fédé­ra­tions se consti­tuèrent, d’a­bord locales,
limi­tées aux exi­gences immé­diates de la lutte
éco­no­mique (relè­ve­ment des salaires, coa­li­tions contre
le chô­mage, le tra­vail aux pièces, etc.), puis
régio­nales, et enfin natio­nales, celles-ci ayant pour but
d’empêcher la concur­rence entre ouvriers d’une même
cor­po­ra­tion et d’é­pui­ser les voies légales
d’af­fran­chis­se­ment en deman­dant aux pou­voirs publics ce que les
pou­voirs publics ne pour­raient accor­der qu’en fai­sant faillite au
Capi­tal, leur pro­tec­teur natu­rel, à savoir : la limi­ta­tion de
la durée du tra­vail, la fixa­tion d’un mini­mum de salaire…
D’autre part, quelques conseils muni­ci­paux subventionnèrent
des Bourses du Tra­vail, c’est-à-dire des bureaux de placement
gra­tuit. (dont le nombre s’é­lève aujourd’­hui à
33, comp­tant 1.284 syn­di­cats et 1 mil­lion 300.000 syndiqués)
et cet ensemble d’as­so­cia­tions fut relié aux associations
étran­gères par l’ins­ti­tu­tion d’un Secré­ta­riat
natio­nal du tra­vail
.

C’est
alors que renaît l’i­dée d’une grève générale.
Mais deux cou­rants vont se des­si­ner : l’un, favo­rable à la
grève des tra­vailleurs d’une seule pro­fes­sion, l’autre à
la grève simul­ta­née des tra­vailleurs de toutes les
indus­tries. Ce n’est pas que les ini­tia­teurs de la grève d’un
seul métier soient hos­tiles aux par­ti­sans de la grève
géné­rale. Non, les cir­cons­tances seules : une situation
plus dif­fi­cile, une misère plus grande, obligent les mineurs à
devan­cer les autres frac­tions du pro­lé­ta­riat. C’est le Congrès
tenu en mai 1890, à Joli­mont, qui prend l’i­ni­tia­tive du
mou­ve­ment en adop­tant la pro­po­si­tion sui­vante d’un délégué
écos­sais, M. Keir Har­die, aujourd’­hui membre de la Chambre des
Com­munes : « Le Congrès déclare qu’il y a lieu de
faire exa­mi­ner par les asso­cia­tions ouvrières de tous les pays
repré­sen­tés le prin­cipe de la grève générale
qui doit assu­rer le triomphe de la jour­née de huit heures. Il
engage les délé­gués à s’oc­cu­per le plus
pos­sible de cette ques­tion et fixe au 1er avril 1891 la
date du pro­chain Congrès inter­na­tio­nal où la grève,
dans tous les char­bon­nages d’Eu­rope, pour­ra être décidée. »

Le
par­ti mar­xiste vit dans cette pro­po­si­tion un dérivatif
pos­sible à l’i­dée, impré­cise encore, mais
immi­nente, d’une grève géné­rale de toutes les
indus­tries. À la demande de Mme Ave­ling, une des
filles de Karl Marx, il prit donc (Congrès de Lille, octobre
1890) la réso­lu­tion sui­vante qui, d’a­près le
Socia­lisle, son organe offi­ciel, reste la loi du Par­ti :
« Consi­dé­rant que la grève générale
pro­pre­ment dite, c’est-à-dire le refus concer­té et
simul­ta­né du tra­vail par la tota­li­té des
tra­vailleurs… sup­pose et exige, pour abou­tir, un état
d’es­prit socia­liste et d’or­ga­ni­sa­tion ouvrière auquel n’est
pas arri­vé le pro­lé­ta­riat…, que la seule grève
qui, dans ces condi­tions, ne soit pas illu­soire ou prématurée,
est celle des mineurs de tous les pays, appuyés dans leur
sor­tie géné­rale des fosses par les res­sources des
autres corps de métier…; qu’elle a été soumise
au Congrès de Joli­ment et ren­voyée à l’étude
des inté­res­sés…, le Congrès décide : les
Fédé­ra­tions, groupes et membres du Par­ti sont invités
à appuyer de toutes leurs forces la grève
inter­na­tio­nale des mineurs, au cas où elle serait votée
par ces derniers. »

Les
mineurs se réunirent en congrès le 1er avril
sui­vant. Sur la demande de M. Bas­ly, dépu­té et
pré­sident du Syn­di­cat des mineurs du Pas-de-Calais [[M. Hamon
raconte dans la France sociale et poli­tique, année
1891, que « M. Bas­ly, par­lant contre la grève générale,
fut inter­rom­pu par le publie des tri­bunes qui criait : « Traitre !
Ven­du ! » « Le bruit fut tel que la séance fut levée
et que M. Bas­ly s’en­fuit par une porte déro­bée. Il
racon­ta dans la France cet inci­dent d’une telle façon
que M. Thi­vrier lui don­na par lettre le démen­ti le plus
for­mel. » Une alter­ca­tion du mêmo genre et sur le même
sujet devait s’é­le­ver l’an­née sui­vante entre le même
Thi­vrier, Fer­roul et Lafargue. Ajou­tons qu’en octobre 1892 le Congrès
tenu par les mineurs à la Rica­ma­rie vota la grève
géné­rale sans en déter­mi­ner la date. C’est en
ver­tu de ce vote que les char­bon­nages du centre de la France et de la
Bel­gique songent à appuyer actuel­le­ment, la grève des
char­bon­nages du Pas-de-Calais, du Nord et de l’An­gle­terre.]], la
grève géné­rale inter­na­tio­nale fut
repous­sée ; mais sept mois plus tard (25 octobre 1891), le
Congrès régio­nal de Lens consul­tait sur l’opportunité
d’une grève les mineurs des char­bon­nages du Nord. 12.149 se
pro­non­cèrent pour, 6.573 contre. Le Congrès, malgré
l’op­po­si­tion per­sis­tante de M. Bas­ly, pro­cla­ma la grève par 48
voix contre 46 et, le 18 novembre, 33.000 ouvriers chômaient.

III

Jus­qu’i­ci
la grève géné­rale de toutes les indus­tries, bien
que com­bat­tue par les grou­pe­ments poli­tiques, n’a­vait été
pré­sen­tée nulle part — en France du moins, car les
Hol­lan­dais et Dome­la Nieu­wen­huis ne cachent pas la faveur avec
laquelle ils la consi­dèrent. Elle le fut, pour la première
fois, le 4 sep­tembre 1892, devant le Congrès de Tours, auquel
M. Fer­nand Pel­lou­tier, délé­gué des Bourses du
Tra­vail de la Loire-Infé­rieure, pré­sen­ta un pro­jet sur
les hases suivantes :


Érec­tion de chaque Bourse du Tra­vail en chef-lieu d’un
dépar­te­ment syndical ;


Pro­pa­gande ten­dant à démon­trer la nécessité
et à expli­quer le méca­nisme de la grève
générale ;


Per­cep­tion dans le res­sort des Bourses d’une coti­sa­tion fixée,
quant à sa durée et à sa valeur, par le nombre
des ouvriers syndiqués ;


Créa­tion de socié­tés coopé­ra­tives de
consom­ma­tion, pla­cées sous la sur­veillance immédiate
des Bourses et des­ti­nées à deve­nir les entrepôts
d’a­li­men­ta­tion des grévistes.

a)
Créa­tion d’un ser­vice cou­rant et d’un ser­vice de
réserve
, celui-là des­ti­né à faire
cir­cu­ler, et, par consé­quent, fruc­ti­fier les fonds recueillis,
celui-ci déter­mi­né par jour et par homme sui­vant les
uni­tés qui seraient appe­lées à le consommer.

b)
Créa­tion d’un tableau spé­cial indi­quant l’ordre des
deux appro­vi­sion­ne­ments, sui­vant la nature et la durée de
conser­va­tion des den­rées et les besoins de chaque individu.

Le
Congrès de Tours se fon­dant, comme l’a­vait fait
l’In­ter­na­tio­nale, sur l’in­suc­cès évident d’un mouvement
insur­rec­tion­nel, émit, à l’u­na­ni­mi­té, un vote
favo­rable à l’ac­cep­ta­tion de la grève, mais en renvoya
le pro­jet à l’é­tude du plus pro­chain Congrès
inter­na­tio­nal (lequel devait être celui de Zurich).

Quelques
jours plus tard (20 sep­tembre), le Ve Congrès
natio­nal de la Fédé­ra­tion des Syn­di­cats et groupe
cor­po­ra­tifs de France
[[Tenu à Mar­seille.]] (une des trois
grandes orga­ni­sa­tions ouvrières fran­çaises) votait, sur
la pro­po­si­tion de M. Briand, des conclu­sions iden­tiques à
celles du Congrès de Tours, avec une clause addi­tion­nelle aux
termes de laquelle « le 1er mai sui­vant devait être
une date de consul­ta­tion mon­diale des tra­vailleurs » sur
l’op­por­tu­ni­té du mouvement.

Le
par­ti poli­tique s’é­mut de ces deux votes suc­ces­sifs et chercha
à en amoin­drir l’im­por­tance. Le groupe mar­xiste, réuni
le 24 sep­tembre en Congrès, à Mar­seille, repous­sa de
nou­veau, sui­vant la loi du Par­ti, la pro­po­si­tion que M. Briand
osait lui sou­mettre. Chose curieuse, les membres de ce Congrès
poli­tique qui, sur la demande de MM. Fer­roul et Lafargue [[Jules
Guesde s’abs­tint loya­le­ment, de se pro­non­cer, quoique hos­tile à
la grève géné­rale, pour lais­ser aux délégués
toute liber­té d’al­lures.]], repous­saient le pro­jet, étaient
les mêmes qui l’a­vaient accla­mé au Congrès
cor­po­ra­tif tenu trois jours aupa­ra­vant. Le vote, il est vrai, fut
loin d’être una­nime. Une alter­ca­tion assez vive s’éleva
entre MM. Lafargue, Jourde et Fer­roul, d’une part, Thi­vrier et Antide
Boyer, d’autre part ; un grand nombre de délégués
s’abs­tinrent et l’on crut, pen­dant quelques jours, à une
scis­sion des mar­xistes, res­tés, jus­qu’a­lors, étroitement
unis. La majo­ri­té poli­tique triom­pha pour­tant, et c’est ce qui
explique pour­quoi le Conseil natio­nal de la Fédé­ra­tion
des Syn­di­cats
, après avoir envoyé dans toute la
France un ques­tion­naire sur la grève générale,
cou­pa court à sa louable ini­tia­tive et négligea
d’exé­cu­ter, le 1er mai der­nier, les résolutions
du Congrès.

En
même temps la Bourse du Tra­vail de Béziers, affiliée
au par­ti mar­xiste, repre­nait les conclu­sions du Congrès de
Lille, et, après avoir consta­té que « la classe
ouvrière, prise dans son ensemble, n’est pas suffisamment
grou­pée sur le ter­rain cor­po­ra­tif pour l’ar­rêt simultané
de toutes les indus­tries », concluait à « la grève
inter­na­tio­nale des tra­vailleurs des mines comme étant la seule
pos­sible dans notre orga­ni­sa­tion actuelle ». Le Socia­liste
s’empressa d’en­re­gis­trer cette décla­ra­tion et d’en louer
« l’es­prit vrai­ment pra­tique et révolutionnaire ».

Cette
irré­con­ci­liable oppo­si­tion ne pou­vait empê­cher l’idée
de mûrir. Tel avait été l’ef­fet du vote du
Congrès de Tours qu’une des deux frac­tions du parti
pos­si­bi­liste (celle qui recon­naît pour guide M. Alle­mane et qui
s’in­ti­tule : Par­ti Ouvrier Socia­liste Révo­lu­tion­naire, Union
fédé­ra­tive du Centre) se déta­cha de la Ligue
poli­tique taci­te­ment for­mée contre la grève générale
et se pro­non­ça à son tour dans les Congrès de
Saint-Quen­tin et d’Ar­men­tières (octobre et novembre 1892) pour
les conclu­sions pré­cé­dem­ment votées à
Tours et à Mar­seille. C’é­tait rendre un hom­mage mérité
à la puis­sance crois­sante de l’or­ga­ni­sa­tion corporative.

Cette
année, la grève géné­rale est entrée
dans la période d’exé­cu­tion. Le Congrès de la
Fédé­ra­tion des Bourses du Tra­vail
l’a­vait, dès
le mois de mai, et sur la demande expresse du Congrès de
Saint-Quen­tin, ins­crite à son ordre du jour. Peut-être,
cepen­dant, ne l’au­rait-il pas votée s’il n’a­vait dû
tra­duire avec une éner­gie toute par­ti­cu­lière le
mécon­ten­te­ment cau­sé par­mi les ouvriers de Paris par la
fer­me­ture de la Bourse du Tra­vail. À la majo­ri­té il
adop­ta, le 16 juillet, les réso­lu­tions suivantes :


Rejet de la grève géné­rale immé­diate,
à laquelle 25 délé­gués s’étaient
déchi­rés favorables ;


Pré­pa­ra­tion à la grève par des conférences
et des bro­chures ; consul­ta­tion de tous les syn­di­cats sur
l’ap­pli­ca­tion de la grève dans un délai qui ne devra
pas dépas­ser le 1er octobre pro­chain (1893).


Man­dat don­né au Comi­té d’or­ga­ni­sa­tion [[Com­po­sé
des membres du Secré­ta­riat Natio­nal et de cinq délégués
dési­gnés par le Congres.]], au cas où, avant
cette date, le gou­ver­ne­ment ten­te­rai quelque attaque contre le
pro­lé­ta­riat, de décré­ter la grève
géné­rale pro­prio motu, après avis donné
par télé­gramme, et dans les qua­rante-huit heures, aux
ouvriers français.

Quant
au Congrès de Zurich, auquel les Congrès de Tours et
de Mar­seille avaient déci­dé de ren­voyer l’étude
du pro­jet d’or­ga­ni­sa­tion dont nous avons don­né plus haut la
sub­stance, il prit, le 16 août der­nier, la délibération
sui­vante dont l’in­co­hé­rence dis­pense de tout commentaire :
« Consi­dé­rant que les grèves ne peuvent être
entre­prises avec suc­cès que dans des cir­cons­tances spéciales
(les­quelles?) et dans un but spé­cial (lequel?) qui ne peuvent
pas être déter­mi­nés d’a­vance ; qu’une grève
uni­ver­selle n’est déjà pas pra­ti­cable (sui­vez bien
l’ar­gu­men­ta­tion) à cause du déve­lop­pe­ment économique
si dif­fé­rent dans les divers pays (en ce cas les mineurs de
Bel­gique, d’An­gle­terre et de France ont donc tort de se concerter
actuel­le­ment pour le relè­ve­ment de leurs salaires?), mais que,
dès qu’elle est pra­ti­cable, elle n’est plus nécessaire
[[C’est Anseele, Je ne me trompe, qui, le pre­mier, prononça
cette phrase au Congrès mar­xiste de Mar­seille, l’an dernier.
Depuis, elle a fait for­tune, parait-il, bien qu’ab­so­lu­ment dénuée
de sens, puisque nous la retrou­vons dans les consi­dé­rants du
Congrès mar­xiste de Zurich. Je serais bien aise qu’on
m’ex­plique : 1° com­ment la grève pour­rait être jugée
pra­ti­cable sans avoir été faite ; 2° pour­quoi, en
admet­tant même la pos­si­bi­li­té de cette impos­sible et
impayable consta­ta­tion, la grève en ces­se­rait, du même
coup, d’être néces­saire ? Sup­pose-t-on donc, parce que le
Tra­vail dirait au Capi­tal : « Je suis enfin mieux armé que
toi ; rends les armes sans com­bat », que celui-ci désarmerait
béné­vo­le­ment et ten­drait le cou au jus­ti­cier ? Et c’est
à l’aide de telles for­mules, sonores mais qui ne résistent
pas l’œil, que le par­ti poli­tique cherche à entra­ver l’action
cor­po­ra­tive. Mieux vau­drait boire l’O­céan.]]; considérant
de plus que même une grève générale
res­treinte à un seul pays ne peul avoir de résultat
lors­qu’elle est faite paci­fi­que­ment, parce que, d’a­bord, les
gré­vistes seraient les pre­miers souf­frir de la faim et
contraints de capi­tu­ler, et qu’une grève vio­lente, par contre,
serait écra­sée impi­toya­ble­ment par les classes
diri­geantes (il en serait clone de même pour un Révolution,
et, dans cette alter­na­tive, le pro­lé­ta­riat n’a plus qu’à
se croi­ser les bras), le Congrès déclare que, dans les
condi­tions poli­tiques et sociales actuelles, tout au plus une grève
géné­rale d’in­dus­tries spé­ciales pour­rait être
pra­ti­quée avec suc­cès (par­don, si elle est praticable,
elle n’est plus néces­saire). Les grèves en masse
peuvent, il est vrai, dans cer­taines condi­tions (les­quelles?) être
une arme très effi­cace ; mais c’est une arme qui, pour être
maniée effi­ca­ce­ment, sup­pose une puis­sante organisation
syn­di­cale et poli­tique de la classe ouvrière (alors elle peut
donc deve­nir pra­ti­cable et néces­saire?). Le Congrès
recom­mande, en consé­quence, aux par­tis socia­listes de tous les
pays de pour­suivre avec la plus grande éner­gie cette
organisation. »

Cette
conclu­sion était pré­vue, et plu­tôt que d’évoluer
aus­si mal­adroi­te­ment au milieu des réti­cences et des
cir­con­lo­cu­tions, le Congrès aurait mieux fait de voter la
ques­tion préa­lable. « En sup­po­sant même,
écri­vions-nous le 26 juillet der­nier [[ Ave­nir Social,
Dijon.]], que le Congrès accepte de dis­cu­ter la grève,
écar­tée cepen­dant de son ordre. du jour, il ne pourra
qu’exa­mi­ner l’en­semble des forces ouvrières de l’Eu­rope, et,
sta­tuant sur le prin­cipe d’une grève inter­na­tio­nale, déclarer
cette grève, sinon mau­vaise, du moins prématurée. »
Or, il n’est jamais entré dans notre pen­sée d’organiser
autre chose qu’une grève natio­nale, la seule qu’au­to­risent les
cir­cons­tances pré­sentes. Et nous ajou­tions : « Le Congrès
sera for­te­ment pous­sé dans cette voie par les révolutionnaires
poli­tiques fran­çais, notam­ment par les col­lec­ti­vistes, qui, on
l’a vu au Xe Congrès de Mar­seille, et Jourde
[[Dépu­té socia­liste de Gironde.]] le répétait
l’autre soir au Syn­di­cat des jour­na­listes socia­listes, sont les
adver­saires décla­rés de la Révolution
éco­no­mique, impra­ti­cable, à leur avis, si elle doit
pré­cé­der la Révo­lu­tion poli­tique. D’autre part,
le délé­gué du Par­ti ouvrier espa­gnol a, dès
le mois de sep­tembre ou d’oc­tobre 1892, reçu man­dat de
com­battre toute pro­po­si­tion de grève générale ;
les chefs du mou­ve­ment anglais, satis­faits, sauf de rares exceptions,
de la tac­tique à laquelle ils ont dû d’ar­ri­ver à
la puis­sance actuelle de leurs asso­cia­tions, ne voient pas la
néces­si­té d’en chan­ger. Enfin, le par­ti des
sozia­de­mo­crats alle­mands imi­te­ra, s’il ne l’inspire,
l’op­po­si­tion des mar­xistes fran­çais. Dès lors, un
dilemme s’im­pose : ou la ques­tion sera ajour­née sans débats,
ou le Congrès ne l’é­tu­die­ra que pour la répudier. »
On com­prend main­te­nant pour­quoi nous évi­tâmes de
sou­mettre à l’exa­men du Congrès de Zurich le pro­jet du
Congrès de Tours, nous décla­rant ample­ment satis­fait du
vote émis par la Fédé­ra­tion des Bourses du
Travail.

IV

Quel
est l’a­ve­nir réser­vé à la grève générale ?
Bien har­di qui ose­rait for­mu­ler un pro­nos­tic sur une aus­si grave
ques­tion. Juger même de la grève générale
par les grèves par­tielles, ce serait juger fort légèrement,
celle-là étant à celles-ci comme le communisme
est au col­lec­ti­visme : l’a­bou­tis­sant inévi­table. On peut,
cepen­dant tirer des résul­tats des grèves partielles
quelques ren­sei­gne­ments utiles pour envi­sa­ger les probabilités
de suc­cès d’une grève nationale.

Des
sta­tis­tiques publiées par l’Of­fice du tra­vail au ministère
du com­merce nous extra­yons le tableau suivant :

  1890 1891
Réus­site 82 grèves 91 grèves, soit 9 de plus
Réus­site partielle 64 67 soit 3 de plus
Échec 161 106 soit 55 de moins

De
ces chiffres il résulte que pour la France l’excédent
d’in­suc­cès qui a affec­té les grèves en 1890
s’est trans­for­mé en 1891 en excé­dent de succès.
La pro­por­tion des grèves heu­reuses a été en 1890
de 47,55%, en 1891 de 59,84%. Cette pro­por­tion est, en Angle­terre, de
144,35%. Mais si l’on consi­dère, d’une part, les difficultés
de toute nature aux­quelles se heurtent les chefs des grèves :
pro­vo­ca­tions de la police, hos­ti­li­té des tri­bu­naux, et la
résis­tance qu’ils ren­contrent chez cer­tains ouvriers
eux-mêmes, et d’autre part, l’as­sis­tance pécu­niaire que
peuvent se prê­ter les indus­triels (assis­tance impos­sible, ou,
pour mieux ; dire, inutile dans l’hy­po­thèse d’une grève
géné­rale), notre pro­jet n’ap­pa­raît plus aussi
chi­mé­rique que quelques-uns ont bien vou­lu le dire. Et quand.
même l’es­poir des ini­tia­teurs du mou­ve­ment ne serait pas
abso­lu­ment satis­fait, l’é­pui­se­ment de la sur­pro­duc­tion, du
moins, et l’u­sure du machi­nisme néces­si­te­raient après
la grève une si vigou­reuse reprise de la vie uni­ver­selle que
le pro­lé­ta­riat serait le maître du marché
indus­triel, l’ar­bitre unique, par consé­quent, du taux des
salaires. Ce résul­tat ne méri­te­rait-il pas à lui
seul l’ef­fort sou­hai­té ? Là est presque toute la
question.

Fer­nand
Pel­lou­tier (Sep­tembre 1893)

La Presse Anarchiste