Il
semble que la polémique engagée autour de la résolution
du comité confédéral touche à sa fin. Il
semble aussi que le système de la capitalisation des
prélèvements sorte pas mal endommagé.
Jaurès
est venu au monde en un temps où les actes de foi, les yeux
fermés, sont difficiles à faire.
Son
dieu, l’État, connaît le sort des autres dieux.
L’impiété l’entoure, en attendant qu’une grande colère
le secoue, le démembre et lui brise ses rouages d’oppression.
La
capitalisation appliquée aux retraites ouvrières n’est
pas une escroquerie — disait Jaurès le 2 janvier. — Elle
ne peut pas l’être. Pas un centime ne peut être volé
pour l’équilibre du budget. Pas un centime ne peut être
détourné vers des opérations suspectes.
Dire
que dans l’État moderne démocratique et républicain,
avec le suffrage universel, le syndicalisme, la grève
générale, le Parlement, la presse, les réunions
populaires, dire que, dans France d’aujourd’hui, le gouvernement
pourra voler onze millions de travailleurs salariés des
champs, des magasins et des usines, c’est une énormité.
Dire
que ce vol ne sera pas possible, la voilà bien l’énormité !
Il faut être un naïf croyant, ou un fieffé coquin
pour ne pas avoir au moins une crainte, quand on a vu cet État
moderne voler sans relâche ses sujets au nom de la défense
de la Patrie, afin de faire des commandes de canons et de navires,
bien heureux encore quand il ne les emmenait pas mourir au Tonkin ou
à Madagascar. Et, le suffrage universel acquiesçait ; le
Parlement signait, des deux mains ; la presse fermait sa gueule
vénale. Et le syndicalisme ne pouvait rien, la grève
générale n’était pas possible.
Mais
patience ! Ce qui se perd en confiance en l’État se regagne en
confiance en soi.