La Presse Anarchiste

La Bourse

Avez-vous
quel­que­fois, par une après-midi de soleil, égaré
vos pas du côté de la place de la Bourse ? La promenade
est char­mante et le tableau curieux. Là, les rastaquoères,
les ban­quistes, les voleurs en titre, ceux que les chourineurs
appellent la haute pègre, étaient, protégés
par les lois, leur abdo­men triomphant.

Les
bre­loques res­plen­dissent sur des ventres de gavés et la
satis­fac­tion du vol impu­ni et lâche éclate sur les
visages. On sent chez ces gens le conten­te­ment que Robert Macaire
devait éprou­ver après une escro­que­rie menée à
bien. Quand en flots pres­sés, ils sortent de cette caverne, on
sent sur ces faces glèbes le large mépris des peuples :
trou­peaux humains qui se laissent exploi­ter par eux.

Savez
vous pour­quoi le marin héroïque passe dans les cyclones
et les tempêtes ?

Savez
vous pour­quoi le noir sous le soleil ardent cueille le coton aux
filets soyeux ?

Savez
vous pour­quoi le plan­teur sous d’autres hémisphères,
cultive la café à l’a­rôme étrange ?
Pour­quoi le mineur extrait le dia­mant noir ? Pour­quoi le paysan
arrache au sol le blé ? Pour­quoi tous les tra­vailleurs donnent
l’éner­gie de leurs muscles et les pen­sées de leurs
cer­veaux ? C’est pour que tous ces bour­geois, fai­néants à
la large enco­lure, puisse éta­ler leur ventre pétri de
boue et d’in­fa­mie sur la ban­quette d’un huit-res­sort. C’est pour que
dans leur lit il y ait des filles : les nôtres. C’est pour
qu’ils puissent remuer des mil­lions et satis­faire leurs appétits
mons­trueux. C’est pour qu’un agio­teur quel­conque puisse avoir à
lui seul toute une forêt.

Quand
les femmes ne suf­fisent pas à leurs débauches, ils
prennent les jeunes mâles, témoin Cle­ve­lend Street. Ils
s’as­semblent à Ber­lin dans la tanière du fauve et
décrètent la rési­gna­tion des masses. Eh bien !
cama­rades, ces ban­dits ont com­blé la mesure, le vase trop
plein déborde ; qu’au pre­mier Mai la grande foule des meurt de
faim se rue sur ces coquins, que leurs cadavres accro­chés aux
réver­bères servent de lan­terne vénitiennes.
Leurs mai­sons, mises au pillage, pour­ront loger les femmes et
les petits qui logent dans les tau­dis. Haut les cœurs ! c’est
l’im­mense aurore qui se lève ! c’est la jus­tice ter­rible qui du
fond plein d’ombre de la géhenne sociale se dresse vengeresse !

Salut
à toi soleil de Mai !

La Presse Anarchiste