La
Bourgeoisie apeurée par la parole enflammée des
rénovateurs, leur intente procès sur procès.
Mais qu’importe à l’idée. Les Révolutionnaires,
prenant tour à tour la langue pittoresque du peuple et celle
plus académique du petit commerçant, continuent la
démolition de l’édifice de larmes et de sang, intitulé
société bourgeoise.
Donc
Vendredi dernier à onze heures, notre ami Weil passe en cours
d’assises.
Ces
messieurs en voulaient à l’article intitulé La
Manifestation du 1er Mai, paru dans le numéro
du 6 avril.
En
voici quelques passages :
« Ce
jour-là, il faut que les déchards des carrières
d’Amérique, les refileurs de comètes, les trimardeurs,
les purotins qui couchent sous les ponts et aux asiles de nuit
viennent avec nous.
« Et
s’il n’y a pas moyen de donner le coup d’épaule définitif,
de foutre la bicoque bourgeoise en bas, du moins qu’on ne rate pas le
coche pour se frusquer à l’œil et prendre un léger
acompte chez tous les voleurs de la haute.
« Les
Louvre, les Printemps, les Belle Jardinière, les Potin, nous
tendent les bras et nous font les yeux doux. C’est si bon d’avoir un
paletot neuf ou des ripatons aux pattes !
« Surtout,
faudra pas perdre de vue les Rothschild, nom de dieu.
« Le
premier est une occase qui peut tourner à bien. Il suffit pour
cela que nos frangins les troubades lèvent la crosse en l’air
comme en février 48, comme au 18 mars 1871, et ca ne serait
pas long du coup.
« Le
gouvernement n’a que cet atout dans la main, s’il lui échappe,
il est foutu sans rémission !
« Les
soldats, que sont-ils ? Nos frères de misère. Pourquoi
défendraient-ils les riches ? Dans six mois ou deux ans, ils
lâcheront le métier et il leur faudra à leur tour
mendigoter du travail, subir le chômage et la faim ! Qu’ils y
songent, nom de dieu, et quand on leur commandera : « Feu ! »
qu’ils essaient les fusils Lebel sur leurs chefs et qu’ils fassent
merveille ! »
La
défense de Weil à été ce que nous en
attendions.
En
voici quelques extraits :
« M.
l’avocat général a bien perdu du temps à
démontrer que j’avais provoqué au meurtre et au
pillage, et excité les soldats à la révolte. Je
le reconnais et je m’en flatte même. La société
est composée de bourreaux et de victimes. Pour faire cesser
ces monstrueuses irrégularités, il y a les moyens
bourgeois, de la guimauve, et les moyens révolutionnaires ; ce
sont ceux-ci que je préconise. »
Puis
s’adressant aux jurés, Weil leur dit :
« Entre
vous bourgeois et nous anarchistes, c’est une haine qui ne finira
jamais. Vous êtes nos ennemis naturels : nous n’épargnerons
pas votre classe le jour venu et je n’attends pas de vous un verdict
de justice, mais de haine. Mais adversaire de la loi, je ne reconnais
aucun juge, je me considérerai comme frappé, mais pas
comme jugé…»
Aussi,
les jurés ne se sont pas gênés et les juges ont
imités les jurés. Weil a été condamné
à quinze mois de prison et 2000 francs d’amende. Avec
la contrainte par corps, cela fait au camarade près de deux
ans et demi de prison sur la planche.
Mais
qu’importe à la propagande ; Weil disparu, et le Père
Peinard ne se gênera pas plus qu’avant.
C’est
qu’on ne bouche pas facilement la gueule aux types de sa trempe.