La Presse Anarchiste

Manifestation du 1er Mai 1890

 

Sol­dat.

Sur
tous les points du monde entier, le 1er Mai prochain, le
pro­lé­tari­at doit descen­dre dans la rue pour deman­der — ce
qu’il croit un adoucisse­ment, à sa mis­érable siruation,
qui tend fatale­ment à devenir de plus en plus mau­vaise — la
réduc­tion de la journée de Tra­vail à Huit
Heures
espérant prévenir ain­si les crises devenues
si fréquentes et si intens­es, ces temps derniers surtout.

Cette
démon­stra­tion pour pure­ment illu­soire qu’elle soit ; ne devant
don­ner logique­ment, aucun soulage­ment aux pro­duc­teurs qui la
provo­queront, puisqu’elle lais­sera leur sit­u­a­tion comme devant,
c’est-à-dire tou­jours à la dis­cré­tion des
cap­i­tal­istes et patrons etc., salariés traités comme
par le passé — avec cette seule dif­férence pourtant
qu’ils ne traîneront le boulet de l’esclavage que Huit
Heures
au lieu de Dix.

La
per­spec­tive de cette man­i­fes­ta­tion dont rien de sérieux ne
sor­ti­ra réelle­ment au béné­fice du travailleur,
affir­mons-nous, à cepen­dant eu le don de jeter la peur parmi
les gou­ver­nants de tous les pays sans excepter ceux de cette fraction
de la terre éti­quetée France, chez les géographes.

C’est,
en ce qui con­cerne les mesures pris­es par notre Constans-coquinerie,
pour « mâter » les cama­rades qui ce jour-là
voudront pouss­er la ques­tion plus avant, sur son unique ter­rain et
faire com­pren­dre aux intéressés à un changement
de « sit­u­a­tion » qu’il ne s’ag­it pas de se faire broy­er un
peu moins, mais de ne plus se faire broy­er du tout, que nous voulons
vous entretenir tout par­ti­c­ulière­ment ici — car les
événe­ments ne se déci­dant pas, peu­vent surgir
for­mi­da­bles, revêtir un car­ac­tère dont l’on ne peut
égale­ment se ren­dre compte exacte­ment, et vous amen­er à
jouer un rôle d’une impor­tance pre­mière dans
l’as­sas­si­nat « fin de siè­cle » du prolétariat
des deux mon­des dont les gou­ver­nants de l’heure actuelle — comme
ceux qui leur suc­céderont demain — ne cherchent que le
pré­texte.

Si
le 1er Mai prochain, donc, per­suadés par ceux qui las de
con­stater que tous les replâ­trages de la vieille bicoque
sociale ont tou­jours été et seront tou­jours : vains
efforts, forces dépen­sées en pures pertes, croient que
l’on ne dis­cute pas avec un fauve mais qu’on cherche à le
sup­primer ; allaient essay­er de porter un coup. — Si peu grave
soit-elle, une blessure n’en est pas moins une blessure ! — à
la bour­geoisie monop­o­lisatrice, en res­sai­sis­sant quelques produits
dont les lux­ueux mag­a­sins de notre ville regor­gent : Sous-Constans
locaux n’hésit­eraient pas à vous quérir :
porte-baïon­nette, défense suprême de leurs biens
con­quis par tous les vols et toutes les rap­ines pour « réprimer »
cette expro­pri­a­tion micro­scopique, com­mence­ment de la mise en
activ­ité de la clair­voy­ance Pro­lé­tari­enne, prélude
de man­i­fes­ta­tions plus impor­tantes de ce genre.

Sol­dats !
si ces heures trag­iques, qui déci­dent quelque­fois du salut
d’une classe, venaient à son­ner à nou­veau, à la
vieille hor­loge des repré­sailles humaines, souvenez-vous
qu’a­vant d’en­doss­er cette casaque d’in­famie ; « l’habit
mil­i­taire », il vous fal­lait pour vivre, tra­vailler d’un travail
presque tou­jours rude ou pénible et tou­jours mal rétribué.

N’ou­bliez
pas que demain, quand vous tron­querez la capote con­tre la blouse ou
la cotte, ce sera pour repren­dre la même exis­tence encore,
menaçant d’être parsemée de longs jours de
chô­mage. Sou­venez-vous bien de tout cela et surtout n’oubliez
pas que ceux que l’on vous désigneait pour cible,
appar­ti­en­nent à cette classe dont l’on vous a arraché
pen­dant trois ou qua­tre années et qui en man­i­fes­tant de la
sorte ne veu­lent que proclamer le plus naturel, le moins indiscutable
des droits : LE DROIT À LA VIE.

Ne
l’ou­bliez pas ! et le moment venu de gliss­er le plomb frat­ri­cide dans
le flingot, refusez — en le dirigeant dans la car­casse de vos chefs
— de vous associ­er à besogne aus­si immonde.


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