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La Pensée et la Poésie sont par nature indésirables. Les mauvais penseurs et les mauvais poètes les ont toujours jugées telles, mais jusqu’à ces temps ils n’avaient ras été si sots que d’aller formuler officiellement ce sentiment.
Évadés du camp de concentration établi en tout pays pour abîmer l’Âme, ces poèmes sont, au nom des idées irréductiblement d’extrême-gauche, un don du poète aux peuples martyrisés et en attente d’un plus grand martyre ; en conséquence :
Leur reproduction et leur traduction sont absolument libres pour tous les pays ; aucun droit d’auteur ; ces poèmes tombent dans le « domaine public » dès aujourd’hui ; ils ne doivent être utilisés par aucun parti politique existant ou à venir ; étant nés sans patrie pour toutes les patries, ils ne doivent servir aucune cause « nationale » ni aucune cause faussement « internationale» ; ils ne doivent être cités élogieusement par aucun journal, aucune radio, aucune « revue littéraire », bref aucun organisme officiellement ou officieusement chargé de tromper ; ils ne doivent être l’objet d’aucune approbation, de la part d’aucun « intellectuel » à moins qu’il ne puisse prouver son absolue non-coopération avec toute forme d’oppression présente ou future ; ils doivent faire leur œuvre sans aucun bruit, sans aucune aide et surtout sans aucune propagande, vaincre sans aucune arme d’aucune sorte l’énorme silence qui recouvre en ce moment sur terre la tentative d’assassinat de toutes les consciences ; ils doivent demander toutes leurs ressources au seul Amour.
Ces poèmes et ceux qui suivront seront jetés à la mer avec des ressources provenant exclusivement de mon travail. Puis que viennent les plus fortes vagues pour les perdre !
Il s’agit ici d’un cri en mots français ; si je peux rester sans dormir pendant encore quelque dix années, j’espère également pouvoir parler dans la langue de tout pays qu’on aura privé d’expression.
Armand ROBIN. — Noël 1945.
Post-scriptum. — Si malgré ce que je viens de vous dire quelqu’un d’entre vous songe au fond de sa conscience qu’il doit m’encourager de quelque récompense matériellement visible, je lui demande d’envoyer quelque argent aux anarchistes espagnols : ce sont des hommes qui ne travaillent pas pour la haine ; Franco les a mis en prison, ils seront également mis en prison par Staline ou par tout autre bandit politique ; ils ne céderont devant aucune forme d’oppression.