La Presse Anarchiste

La poésie libre

Armand ROBIN : Les Poèmes indésir­ables, une pla­que­tte de 28 poèmes avec un avant-pro­pos de l’au­teur dont nous vous don­nons le fac-similé :

AU LIEU DU TITRE DE PROPRIÉTÉ : « Tous droits de repro­duc­tion et de tra­duc­tion réservés. »

La Pen­sée et la Poésie sont par nature indésir­ables. Les mau­vais penseurs et les mau­vais poètes les ont tou­jours jugées telles, mais jusqu’à ces temps ils n’avaient ras été si sots que d’aller for­muler offi­cielle­ment ce sentiment.

Évadés du camp de con­cen­tra­tion établi en tout pays pour abîmer l’Âme, ces poèmes sont, au nom des idées irré­ductible­ment d’ex­trême-gauche, un don du poète aux peu­ples mar­tyrisés et en attente d’un plus grand mar­tyre ; en conséquence :

Leur repro­duc­tion et leur tra­duc­tion sont absol­u­ment libres pour tous les pays ; aucun droit d’au­teur ; ces poèmes tombent dans le « domaine pub­lic » dès aujour­d’hui ; ils ne doivent être util­isés par aucun par­ti poli­tique exis­tant ou à venir ; étant nés sans patrie pour toutes les patries, ils ne doivent servir aucune cause « nationale » ni aucune cause fausse­ment « inter­na­tionale» ; ils ne doivent être cités élo­gieuse­ment par aucun jour­nal, aucune radio, aucune « revue lit­téraire », bref aucun organ­isme offi­cielle­ment ou offi­cieuse­ment chargé de tromper ; ils ne doivent être l’ob­jet d’au­cune appro­ba­tion, de la part d’au­cun « intel­lectuel » à moins qu’il ne puisse prou­ver son absolue non-coopéra­tion avec toute forme d’op­pres­sion présente ou future ; ils doivent faire leur œuvre sans aucun bruit, sans aucune aide et surtout sans aucune pro­pa­gande, vain­cre sans aucune arme d’au­cune sorte l’énorme silence qui recou­vre en ce moment sur terre la ten­ta­tive d’as­sas­si­nat de toutes les con­sciences ; ils doivent deman­der toutes leurs ressources au seul Amour.

Ces poèmes et ceux qui suiv­ront seront jetés à la mer avec des ressources provenant exclu­sive­ment de mon tra­vail. Puis que vien­nent les plus fortes vagues pour les perdre !

Il s’ag­it ici d’un cri en mots français ; si je peux rester sans dormir pen­dant encore quelque dix années, j’e­spère égale­ment pou­voir par­ler dans la langue de tout pays qu’on aura privé d’expression.

Armand ROBIN. — Noël 1945.

Post-scrip­tum. — Si mal­gré ce que je viens de vous dire quelqu’un d’en­tre vous songe au fond de sa con­science qu’il doit m’en­cour­ager de quelque récom­pense matérielle­ment vis­i­ble, je lui demande d’en­voy­er quelque argent aux anar­chistes espag­nols : ce sont des hommes qui ne tra­vail­lent pas pour la haine ; Fran­co les a mis en prison, ils seront égale­ment mis en prison par Staline ou par tout autre ban­dit poli­tique ; ils ne céderont devant aucune forme d’oppression. 


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