La Presse Anarchiste

Un poète venu du peuple

[(À la mémoire d’Es­sé­nie et de Maïa­kovs­ky, assas­si­nés par le régime réac­tion­naire bourgeois-soviétique.)]

Je ne suis plus qu’un homme qui dit ce qu’il est ;

Je n’ai plus du tout besoin de style compliqué ;

J’ai besoin seule­ment de quelques mots trem­pés dans les ruisselets

Et de quelques images, truites argen­tées que je prends nu-pieds,

Pour confes­ser : les ouvriers, les pay­sans m’ont tout, donné.

Je dois à ces très grands, très purs tout ce que j’ai ;

De leur âme indomp­table, inter­nis­sable ils m’ont armé ;

Ils m’ont appris : « Sois amour, pitié, bonté ;

« Recherche ce qui EST, jamais ce qui paraît ;

« Sur­tout ne sois jamais un stalinisé. »

Quand un mot chante en moi, c’est qu’il vou­lait en eux chanter ;

Je ne suis pas venu pour vivre en privilégié ;

J’ai la main prise dans une grande main de fidélité ;

On ne peut m’ap­pri­voi­ser avec des bou­quets de célébrité ;

Aucun moyen de me mener au ban­quet des lettrés.

Les poèmes pour moi ne sont pas un banquet,

Mais manière plus sûre et plus dure de travailler.

Pay­sans, ouvriers, sur­gi de vous, aventuré

Sans rien tra­hir par­mi les grands mes­sieurs mauvais,

Je reste en vous gra­nit que RIEN ne peut changer.

Pay­sans, ouvriers, miens si grands, j’ai pour­tant fauté ;

Chez la canaille lit­té­raire sept ans j’ai porté

Les bruis­se­ments si frais que vous m’a­viez donnés ;

J’ai tour­ni­co­té chez les cham­pions de la fausseté,

J’ai men­dié ma place auprès des maîtres en vanité.

Mais votre chair est ma chair ; mal­gré tout vous saviez

Que je ne pou­vais pas loin de vous m’égarer ;

Cette canaille-là qui m’of­frait de me louanger

Si je dépo­sais mar­teau, fau­cille et peines, je l’ai matraquée ;

Chaque fois qu’elle m’ap­pro­che­ra, je la matraquerai.

Les orties m’ont édu­qué ; invin­cible âpreté,

Ronces, racines, rocs en secret m’ont apprêté ;

Tra­vailleurs, je vous pro­mets que désormais

Je manie­rai les mots avec plus de respect

Pour qu’ils puissent tous briller de PROLÉTARIENNE BEAUTÉ.

Vous, poè­te­reaux bour­geois, sur Sta­line appuyés,

Vous qui par­lez pour chan­ger l’homme en sous-homme. apprenez

Qu’il vous faut tout ces­ser dès que parait un vrai,

Un indomp­table, un jamais déraciné

Poète venu sans rien tra­hir des pay­sans, des ouvriers !

L’ÂME PROLÉTARIENNE est ce que RIEN ne peut dompter ;

Mas­sa­creur d’hommes du peuple et de poètes, le bestialisé.

Sta­line omni­tueur peut la croire courbée,

Dans l’œil de ce Sta­line elle est remords dressé ;

Plus on veut la faire morte et plus vive elle renaît.

Poè­te­reaux com­mu­nistes, tous bour­geois, apprenez :

LA GRANDE VOIX PROLÉTARIENNE SUR CES TEMPS VA TONNER ;

Les poèmes pro­lé­ta­riens enfin vont commencer ;

Ten­tez donc jour et nuit de me renverser,

C’est dans tous les tra­vailleurs qu’il vous fau­drait me déraciner.

Vous ne pou­vez que m’as­sas­si­ner, vous ne pou­vez me tuer ;

Cent miens, plus forts que moi, vien­dront me remplacer ;

L’ÂME PROLÉTARIENNE est l’a­ve­nir désormais ;

Les cris par moi criés devien­dront cris plus vrais :

Vous, quoi que vous fas­siez, votre perte est assurée.

Vous ne pou­vez me tuer, vous ne pou­vez que m’assassiner.

N.D.L.R. — Nous publions cl-des­sus un poème de Armand Rotin, extrait d’une pla­quette Inti­tu­lée : Les Poèmes Indé­si­rables, que nous rela­tons d’autre part.
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