La Presse Anarchiste

Bibliographie

Vient de paraître chez Ollen­dorff, 28 bis, rue Riche­lieu : Le Mys­tère des foules, en 2 vol., 7 francs, par notre ami et col­la­bo­ra­teur Paul Adam.

Dans cet ouvrage, où il est par­fois sévère pour les foules, notre ami essaie d’en tra­cer la psy­cho­lo­gie, de dépeindre ses fluc­tua­tions, de retra­cer son incons­cience. La cam­pagne élec­to­rale menée par Bareis à Nan­cy, lors­qu’il y fut nom­mé dépu­té, sert de thème à ce roman de psychologie.

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Nous avons éga­le­ment reçu d’un autre de nos col­la­bo­ra­teurs, Ad. Ret­té : Trois Dia­logues noc­turnes, pla­quette en prose, 2 francs, chez Vanier, 19, quai Saint-Michel.

C’est une dis­ser­ta­tion un peu nua­geuse sur l’amour.

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Mémoires d’un jeune homme, par Hen­ry Bauer, 1 vol., 3 F. 50, chez Char­pen­tier et Fas­quelle, édi­teurs, 11, rue de Grenelle.

Ces mémoires sont, en par­tie, l’au­to­bio­gra­phie de l’au­teur qui, sous pré­texte de nous racon­ter l’his­toire de son ami Jacques, nous raconte sa propre vie et ses sensations.

C’est d’a­bord un tableau, légè­re­ment iro­nique, de l’op­po­si­tion que fai­sait à l’Em­pire, alors à son déclin, la bour­geoi­sie républicaine.

Puis, viennent la pro­cla­ma­tion de la Répu­blique, le siège, la Com­mune, la répres­sion et la dépor­ta­tion que l’au­teur, « assa­gi », raconte sans amer­tume, n’ayant plus de haine pour les souf­frances endu­rées, ayant même l’air de railler ses enthou­siasmes de jeunesse.

Les souf­frances de l’in­di­vi­du comptent pour fort peu de chose dans le mar­ty­ro­loge des peuples, et M. Bauer a rai­son de ne pas gar­der ran­cune à la bour­geoi­sie qui le châ­tia si cruel­le­ment pour s’être, jadis, sépa­ré d’elle et s’être mêlé à une guerre de reven­di­ca­tions pro­lé­ta­riennes. Dans la lutte, on doit s’at­tendre à rece­voir des coups : on aurait tort de s’en plaindre.

L’in­di­vi­du sin­cère doit voir plus haut que sa per­sonne ; ce n’est pas une guerre de ran­cunes per­son­nelles qui réfor­me­ra la socié­té. Qu’im­portent les coups que reçoit l’in­di­vi­du dans la lutte, auprès de la misère géné­rale ? Mais, si nous par­don­nons à la mino­ri­té jouis­seuse le mal qu’elle nous fit ou que l’on nous fit en son nom, nous n’ou­blions pas que toute une classe est oppri­mée par elle, que tous les jours des êtres humains sont pri­vés du néces­saire et s’é­tiolent phy­si­que­ment, mora­le­ment et intel­lec­tuel­le­ment, alors que leurs exploi­teurs jouissent de tout. Aus­si, sommes-nous loin d’at­teindre la séré­ni­té phi­lo­so­phique de M. Bauer. Nous vou­lons bien oublier le mal qui nous concerne, mais, loin de regar­der ce qui se passe en spec­ta­teur, loin de désar­mer, nous ne ces­se­rons de démon­trer aux misé­rables que, tant qu’il y aura des indi­vi­dus au-des­sus des autres, ceux de des­sous seront fata­le­ment écrasés.

M. Bauer a des accès de pes­si­misme ; page 36, par exemple, il parle du « mal de la vie » ! C’est que, lorsque la vie vous est ren­due facile, lorsque la vie n’est plus ani­mée par un idéal inten­sif, on se blase faci­le­ment, et la vie vous semble lourde par sa vul­ga­ri­té, sans que, pour cela, on soit déci­dé à la quit­ter. Dans ce scep­ti­cisme d’at­ti­tude, il y a autant de pose, incons­ciente par­fois, que de dédain réel.

Si le Bauer d’au­jourd’­hui, avant de par­ler du « mal de la vie », avait consul­té le Bauer de la fin de l’Em­pire, nul doute que celui-ci lui eut avoué que, même au milieu de ses déboires, de ses misères, il avait trou­vé, dans la lutte elle-même, des motifs d’ai­mer la vie. Le pes­si­misme n’est pas une doc­trine, ce n’est qu’un signe d’af­fais­se­ment moral, même quand il est une pose.

À part cette légère cri­tique, il y a des choses excel­lentes dans ce livre, des pages sin­cères et émues qui nous ont fait revivre la vie de l’é­poque qu’elles nous racontent et que liront, avec plai­sir ceux qui veulent connaître les petits détails de l’histoire.

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Le Roman d’un Singe, par Armand Char­pen­tier, 1 vol., 3 F. 50, chez Ollen­dorff, 28 bis, rue Richelieu.

L’au­teur a ima­gi­né une espèce de doc­teur misan­thrope qui s’est pris d’a­mi­tié pour un singe, dont il s’in­gé­nie à déve­lop­per le cer­veau, afin d’en faire un homme.

Len­te­ment et pro­gres­si­ve­ment, il fait évo­luer l’in­tel­li­gence de l’a­ni­mal auquel, à la fin, il ne manque que la parole pour être un homme par­fait. Ce lan­gage, il l’ac­quiert en mourant.

Il s’é­tait mis à aimer la maî­tresse du doc­teur, amour que celle-ci, par dés­œu­vre­ment, par coquet­te­rie sau­pou­drée d’un peu de per­ver­si­té, avait encou­ra­gé, sans se rendre compte des souf­frances qu’elle inflige à cette huma­ni­té nais­sante. Jaloux, le singe se pend de déses­poir, et son der­nier cri est le nom de l’aimée.

L’au­teur a bro­dé là-des­sus un roman assez inté­res­sant, mais inutile d’en faire remar­quer l’ab­sur­di­té scien­ti­fique. Des mil­liers de siècles séparent la men­ta­li­té humaine de la men­ta­li­té simiesque. En admet­tant que l’é­vo­lu­tion du singe fût iden­tique ou paral­lèle à celle de l’homme, c’est un nombre incal­cu­lable de géné­ra­tions qui s’é­tein­dront avant de fran­chir le fos­sé qui sépare le singe de l’homme.

On a déci­mé des popu­la­tions humaines, dites infé­rieures, parce que l’on a vou­lu, sans tran­si­tion, les astreindre à la men­ta­li­té euro­péenne. Que serait-ce donc de l’a­ni­mal que l’on vou­drait éle­ver à la « digni­té humaine » ?

En tout cas, l’i­dée est drôle, et ce roman est intéressant.

J. Grave

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Nous avons reçu :

Les Gens chics, par Gyp, illus­tré par Bob, 1 vol. de l’é­di­tion poly­chrome, à 3 F 50, de chez Char­pen­tier et Fas­quelle, 11, rue de Grenelle.

Les Voix de l’au­rore, par Achille Steens, 1 pla­quette de poé­sie, 3 francs, chez Léon Vanier, 19, quai Saint- Michel.

Noce bour­geoise, comé­die par Rio­tor et E. Ray­naud, 1 pla­quette, 1 franc, à la Plume, 31, rue Bonaparte.

Le Rêve de l’oncle, par Dos­toïevs­ky, tra­duit par Hal­pé­rine, 1 vol., 3 F 50, chez Plon et Nour­rit, 10, rue Garancière.

La Vie au Conti­nent Noir, par Félix Dubois, 1 vol., 3 F, chez Het­zel, 18, rue Jacob.

Le Péril anar­chiste, avec illus­tra­tions, par F. Dubois, 1 vol., chez Flam­ma­rion, 26, rue Racine.

L’Eth­no­gra­phie cri­mi­nelle, par le doc­teur A. Corre, 1 vol., 5 F, chez Rein­wald, 15, rue des Saints-Pères.

Le Chô­mage moderne, par Thu­ry, 1 vol., 2 F 50, chez Alcan, 108, bou­le­vard Saint-Germain.

Le Contrat de tra­vail, par E. Stoc­quart, 1 vol., chez Alcan.

Por­trait de Dorian Gray, par O. Wilde, 1 vol., 3 F 50, chez Savine, 12, rue des Pyramides.

Du haut en bas et le Jour­nal d’un phi­lo­sophe, par Gyp, 2 vol. à 3 F 50, chez Charpentier.

De chez Storck, 78, rue de l’Hô­tel-de-Ville, à Lyon :
Le Cri­mi­nel-type, par A. Mac-Donald, 1 vol., 5 F
Docu­ments de cri­mi­no­lo­gie rétros­pec­tive, par A. Corre et P. Aubry, 1 vol., 10 F

Nous revien­drons sur plu­sieurs de ces volumes.

Vin­dex

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