A.G.
― O ―
Vendôme. ― Nous avons revu des détails rétrospectifs sur les persécutions dont furent l’objet les anarchistes, l’an dernier, lors de la grande panique bourgeoise. Il est toujours bon de revenir sur ces faits, afin de bien montrer combien lâche devient la bourgeoisie quand la peur lui tenaille les entrailles.
On a tout mis en œuvre pour nous intimider et terroriser les populations dans nos localités. Huit jours avant le coup de filet du 1er janvier à Paris, le 24 décembre, à 6 heures du matin, nous nous sommes vu réveiller par trois gendarmes, accompagnés d’un officier municipal, qui se sont mis à fouiller les meubles, faisant main basse sur les lettres, brochures et journaux. Le compagnon Breton était particulièrement visé comme ayant été l’organisateur des conférences. Aussi a‑t-il été gardé à vue, ainsi que sa compagne, de 6 heures du matin à 10 heures du soir, pendant que le parquet de Vendôme fouillait les correspondances ; le 26 décembre, nous étions cinq, invités à paraître devant le juge d’instruction, accusés de faire partie d’une association ayant pour but de porter atteinte à la propriété et aux personnes.
Quatorze d’entre nous ont été l’objet de perquisitions et comparu à l’instruction qui a duré deux mois. Chez quatre, ou a perquisitionné deux fois. Ce sont les nommés Breton, Chaillou, Charretier et Philippeau.
Trois ont été condamnés, l’un à trois ans, Huart, instituteur, — Charretier, vétérinaire, à deux ans, — Philippeau, à un an.
Le parquet n’ayant, comme partout, pu établir l’association de malfaiteurs, a, dans le cours de ses perquisitions, découvert, chez Charretier, un manuscrit qui contenait la formule pour fabriquer des explosifs : ils lui ont fait dire qu’il avait essayé de fabriquer de la dynamite avec Philippeau et que le manuscrit… avait été écrit par Huart. Après deux mois de prévention, nous avons appris par les journaux la terrible condamnation prononcée un mercredi, tandis que les affaires correctionnelles sont jugées le vendredi. Pour mieux terroriser les paysans, les perquisitions ont été échelonnées pendant deux mois et toujours avec trois gendarmes à cheval. — Mais là ne devait pas s’arrêter l’intimidation ; les marchands de journaux ont été sommés de donner les noms de leurs clients. Leurs livres de comptabilité ont été saisis et ne leur ont pas encore été restitués. Des lettres intimes ont été saisies chez des camarades, et sont restées au parquet.
Jugez maintenant de l’effet produit parmi les paysans en voyant ce déploiement de forces inusité envahir le domicile de travailleurs paisibles, seulement coupable l’avoir osé se livrer à l’étude des questions sociales qui, à notre époque, passionne tout homme de cœur qui cherche à raisonner.
Aussi est-ce par un haussement d’épaules que l’opinion publique a accueilli ces vexations policières.